Un crabe à la rescousse des récifs coralliens ?

Lorsqu’on évoque les récifs coralliens et les risques qui pèsent sur eux, c’est souvent pour se pencher sur les effets directs du changement climatique : augmentation de l’intensité et de la fréquence des vagues de chaleurs impliquant un fort réchauffement de l’eau de mer ainsi qu’un phénomène d’acidification. Cependant, d’autres menaces se superposent aux premières et accentuent les risques :
– une présence trop marquée de macroalgues liée à un surplus de nutriments (pollution azotée) et à une chute des populations des poissons consommateurs (en raison de la surpêche),
– une forte densité locale d’oursins : ce sont de véritables prédateurs de coraux ou au mieux, ils favorisent l’érosion de la matrice calcaire des récifs !

Les oursins en grande quantité provoquent la bioérosion des structures des récifs

– les pics de populations de l’étoile de mer « couronne d’épines » ou Acanthaster vivant au large de l’Australie aux ravages particulièrement dévastateurs au niveau des récifs de corail du bassin Indo-Pacifique.

L’étoile de mer Acanthaster est corallivore

Le mode d’action de l’étoile

Son mode d’action est digne d’un film d’horreur. L’étoile dégaine son estomac et déverse ses enzymes directement sur le corail qui se liquéfie alors peu à peu. En petit nombre, l’étoile géante n’est pas une menace pour les coraux. Mais, il s’avère que régulièrement la densité de l’Acanthaster explose et c’est là que ça fait mal ! Les recherches se sont attachées à comprendre si ce boom pouvait être relié à un enrichissement en nutriments profitables aux larves.
Une autre hypothèse évoque la chute des prédateurs causée par la surpêche et le développement des pêcheries.

L’étoile Acanthaster ou « couronne d’épines »

Mais la compréhension des mécanismes et des liens de cause à effet n’est toujours satisfaisante. Il faut pourtant tenter de trouver une solution.

Comment s’en sortir ?

Pendant longtemps, pour endiguer l’explosion des étoiles de mer Acanthaster, les scientifiques ciblaient les individus adultes en recherchant leurs prédateurs. Mais, pourquoi ne pas regarder du côté des espèces qui consomment l’Acanthaster au stade de larve planctonique ou bien mieux, au stade juvénile qui permettrait d’avoir une exposition aux prédateurs sur une longue période  (de plusieurs mois voire années) ?

Acanthaster juvénile au large de la Réunion (Par Christophe Cadet, CC BY-SA 4.0)

Les chercheurs d’une étude toute récente (publiée en mars 2023) [1] ont regardé si parmi des espèces vivant habituellement dans les fonds marins , certaines consommaient régulièrement des étoiles « couronnes d’épines » en phase juvénile. Il fallait se focaliser sur des zones à proximité des récifs coralliens (là où justement les juvéniles sont présents préférentiellement, et ont encore un régime herbivore). Ainsi des expériences ont été menées (qui mange quoi ? et de quelle manière?) et ont permis d’identifier plusieurs prédateurs potentiels, tout en intégrant la contrainte des pics de population. 104 espèces possibles ont été trouvées mais celle qui ressort du lot est le crabe rouge décorateur, Schizophrys aspera qui a réussi, haut la main -ou plutôt haut la pince- tous les tests de dégustation de l’étoile couronnée.

Schizophrys aspera

Ce crabe « décorateur » est ainsi surnommé en raison de son penchant à se recouvrir d’algues, d’éponges dans le but de mieux passer inaperçu ! Mais les auteurs supposent que cette habitude lui permet de mieux tolérer les toxines souvent présentes au sein des étoiles de mer.

Que reste-t-il à étudier ?
Il est important de savoir où se répartissent ces prédateurs mais aussi de mesurer « grandeur nature », dans les zones où les deux espèces cohabitent, si le crabe a une vraie influence sur les étoiles corallivores et si les dynamiques coïncident ! Encore un petit paquet d’observations et d’enquêtes à mener. Mais cette étude offre une piste intéressante et ce sont les premières informations qui vont contribuer à résoudre le rôle joué par les prédateurs dans la régulation des échinodermes à tête couronnée selon leur stage de développement.

 

1- Desbiens, A.A., Mumby, P.J., Dworjanyn, S. et al. Novel rubble-dwelling predators of herbivorous juvenile crown-of-thorns starfish (Acanthaster sp.). Coral Reefs 42, 579–591 (2023). https://doi.org/10.1007/s00338-023-02364-w

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