Cela faisait un petit moment que je n’avais pas fait état des dernières avancées de la Science ! Et pourtant chaque semaine, sont publiés des tas d’articles scientifiques des plus intéressants nous faisant avancer dans la compréhension du Monde qui nous entoure.
Je vous propose donc une petite revue de presse d’un des derniers numéros de Science (Numéro 371, Issue 6536 du 26 mars 2021).
La mort d’aigles à tête blanche élucidée
Cela faisait 25 ans que le constat avait été fait et que le mystère était complet autour des pygargues à tête blanche retrouvés mal en point, paralysés ou morts aux alentours du Lac DeGray en Arkansas (Etats-Unis). Des autopsies avaient révélé des lésions cérébrales complètement déroutantes surtout que d’autres animaux, présents à proximité de ce lac, étaient également touchés : chouettes, poissons, insectes, vers ainsi que d’autres oiseaux présents au Sud-Est des Etats-Unis. La maladie en question est la myélopathie vacuolaire induisant une dégénérescence de la substance blanche.
Le voile est désormais levé : on sait que le problème a pour origine une cyanobactérie qui se développe au niveau d’adventices aquatiques (Hydrilla verticillata), plantes invasives de certains lacs où elles ont été introduites (par des oiseaux migrateurs ou des bateaux). La bactérie synthétise une toxine délétère pour tous les consommateurs de l’eau du lac ou d’êtres vivants occupant cet environnement.
L’analyse de la dite neurotoxine a montré qu’elle contenait l’élément « brome », un élément qu’on ne trouve pas naturellement dans les eaux de ce lac.
En étudiant de près cette cyanobactérie, des chercheurs en collaboration internationale (Allemagne, Etats-Unis, République Tchèque) ont compris que la neurotoxine n’était pas systématiquement synthétisée, elle est produite uniquement si du brome est disponible dans l’environnement. Alors d’où cela peut-il venir ?
De plus, la toxine est liposoluble et s’accumule donc dans les tissus de toutes les chaînes alimentaires. Quel est donc l’arbre des causes ? Il semble que les cyanobactéries captent le brome dont elles ont besoin pour fabriquer la toxine, au niveau des algues invasives. L’origine de cet élément reste incertaine mais pourrait provenir des herbicides utilisés pour les éradiquer. Les scientifiques mettent en garde face à ce fléau : il est primordial de lutter efficacement contre cette algue (éviter les herbicides à base de brome) car la bio accumulation au sein de l’écosystème est un risque élevé avec la possibilité de transfert vers les mammifères et l’homme !
Longue vie à la reine
Chez les insectes sociaux, la longévité d’un individu dépend de la fonction occupée. Et il peut y avoir de sacrés écarts entre le simple ouvrier et la reine. Tout cela avec le même génome ! La reine dont l’activité principale est la ponte, une activité très coûteuse en énergie, vit généralement bien plus longtemps que ses alter ego qui n’ont pas d’activité reproductive. Le scientifique A. Bernadou et ses collègues myrmécologues de l’université de Regensburg (Allemagne) y voient là, une bonne opportunité de creuser le mystère du vieillissement !
Chez les abeilles les reines peuvent vivre jusqu’à 5 ans, chez certaines espèces de termites, cette longévité peut atteindre 20 ans !
Chez les fourmis, certaines équipes ont montré que lors de la période de ponte (et pas pendant d’autres périodes), une production accrue de glie gainante au niveau du cerveau booste leurs capacités. Il y a donc bien de quoi se poser des questions et chercher à creuser les mécanismes moléculaires liés au vieillissement et les liens avec la reproduction. Il faut donc développer de nouvelles approches et sortir des sentiers battus des approches classiques. Pour beaucoup de chercheurs, la longévité est liée à la génétique : certains gènes sont favorables à l’organisme pour l’amener jusqu’à sa période de reproduction, puis deviennent défavorables après. Oui mais ça c’est pour le cas général…Pour les insectes sociaux, c’est plutôt l’inverse !
C’est donc en s’intéressant au génome (ensemble des gènes) mais aussi au transcriptome (ensemble des ARN ce qui permet de voir quels gènes sont actifs et dans quelles situations) d’individus de populations très investies dans l’organisation sociale qu’on peut y voir un peu plus clair !
Des gènes bien spécifiques ont bien été identifiés et jouent un rôle clé dans la longévité ! Mais ce n’est pas aussi simple, les gènes jouent un rôle certes mais aussi et surtout les processus qui en découlent.
Un lien a bien été établi entre la reproduction et la longévité : mais sin interprétation fait débat. Pour certains, les individus qui se destinent à être reproducteurs sont ceux qui sont les plus sains et résistants au départ donc il est normal qu’il aient une longévité supérieure aux autres. Pour d’autres scientifiques, au contraire, c’est le fait de se dédier à la reproduction qui appelle plus de soins des autres individus de la colonie ce qui induit une vie plus longue à l’abri des tracas stressants. Les deux hypothèses sont toutes deux étayées par des études. Personnellement, je pencherais vers la seconde hypothèse, et vous ?
Sources :
– Breinlinger S., et al., « Hunting the eagle killer: A cyanobacterial neurotoxin causes vacuolar myelinopathy », Science, 26 Mar 2021: Vol. 371, Issue 6536, DOI: 10.1126/science.aax9050, Lien
– Korb J. Heinze J., » Ageing and sociality: why, when and how does sociality change ageing patterns? », https://doi.org/10.1098/rstb.2019.0727