La richesse de la Baie d’Authie

La semaine dernière, lors d’une petite pause « vacances » non loin de chez moi, une petit balade Nature dans la Baie de l’Authie m’a occupée quelques heures. Je vous raconte ce que Julien, notre guide des « Sentiers de la Baie » nous a appris sur les écosystèmes présents sur place : les milieux, la faune, la flore… et la protection qui s’impose.

La balade commence sur un chemin dunaire. La dune, cette petite colline de sable stabilisée par la végétation est un élément phare du paysage des côtes sableuses. Elle est orientée dans le sens des vents dominants et s’est formée par envol des grains de sable : ils s’arrêtent lorsqu’ils rencontrent un obstacle. Ils s’accumulent les uns sur les autres et finissent par former un tas.
L’occasion de rappeler qu’on en distingue différents types de dunes  : grises, noires et des blanches. Mais qu’est-ce qui explique ces différences de couleurs ?
Les dunes blanches aussi appelées « dunes mobiles » sont celles où il n’y a que peu de végétation et un apport récurrent de sable.
La dune grise est beaucoup plus riche en plantes et arbustes ce qui facilite la fixation du sable. Le secret de sa couleur ? Elle est liée aux phénomènes de décomposition des feuilles (apport de matière organique) et de formation d’humus. La dune noire en est la continuité.
Notre guide nous sensibilise aussi au fait que les dunes sont fragiles et que certaines sont mouvantes : c’est un phénomène naturel. Mais tout cela s’accentue dangereusement car les dunes sont en proie à l’érosion à cause de la montée des eaux (encore minime pour l’instant), des fortes tempêtes et de la gestion des cours d’eau en amont. L’action humaine sur place y est aussi pour quelque chose puisque la dune est sensible au piétinement et bien sûr à l’arrachement des végétaux qui la stabilisent. Il faut donc respecter la présence des barrières de protection.

La végétation dans les dunes tourne autour de l’argousier, un arbuste épineux. Il joue un rôle majeur dans ce type de milieu dans la mesure où dans un sol si difficile, extrêmement pauvre, sans l’argousier, rien ne pourrait pousser ! Voyons pourquoi.

Argousier (femelle à gauche – mâle à droite)

En fait, ses racines très profondes comportent des nodules où se logent des bactéries capables de transformer l’azote de l’air en azote organique directement assimilable par la plante. Elle favorise donc l’enrichissement du sol en azote, ce qui fait aussi l’affaire des autres espèces qui peuvent alors s’implanter à leur tour à proximité de l’argousier. C’est le même phénomène que pour le petit pois !
Les fruits de l’argousier, portés par les arbustes femelles (espèce dioïque) sont de couleur orange et arrivent à maturité au mois de septembre/octobre. Ils sont comestibles pour tous les animaux (ce qui nous inclut) et sont particulièrement riches en vitamine C et en carotène (pas très étonnant, étant donnée la couleur). Ils sont donc très acides mais on les retrouve assez fréquemment en confiture ou marmelade. Les oiseaux quant à eux, s’en régalent en hiver !
Un peu plus loin, voilà le sureau noir dont les baies sous forme de grappes disposées en parapluie suspendu peuvent être utilisées pour fabriquer de l’encre. On en fait aussi de la limonade ou du sirop.

A ne pas confondre avec les troènes, un arbuste proche dont les fruits étaient autrefois utilisés pour faire de la teinture, mais dont la consommation peut vous en coûter puisque les fruits sont toxiques, provoquant des troubles digestifs.

De la mousse présente sous forme de petites touffes est aussi très commune sur la dune grise… sa présence et sa couleur expliquent aussi le choix du qualificatif !

La mousse Tortula ruraliformis

La Tortula ruraliformis étonne les enfants ! Elle semble adopter un comportement magique. Lorsque la plante est en stress hydrique, ses feuilles sont toute repliées, elle est de couleur grise/brune. Mais dès qu’elle reçoit quelques gouttes d’eau, ses feuilles se déploient et elle est presque instantanément de couleur verte : c’est la reviviscence.

la reviviscence

Un peu plus loin, sur la dune blanche, ce sont la roquette des mer et l’euphorbe des dunes qui nous attendent.
La roquette est une plante annuelle dont les feuilles sont parfois bien épaisses, histoire de ne pas perdre trop d’eau par exsudation.

Roquette des mers

L’euphorbe est une plante toxique, produisant du latex (on le voit mal sur la photo).

Euphorbe des dunes

Euphorbe des dunes

Elle régale la chenille du Sphinx de l’Euphorbe ! La plante est toxique, on l’a dit et la chenille l’absorbe et concentre le poison. Gare au prédateur qui voudra s’en régaler ! D’ailleurs, nous avons le privilège d’en dénicher une derrière une tige, nous la laissons tranquille.

Nous avançons dans notre balade et découvrons une superbe vue : c’est la Baie de l’Authie. L’orage qui a surgit la nuit précédente rend le ciel particulier et sublime les couleurs.

Belle vue sur l’estuaire, lieu de rencontre des eaux salées et des eaux douces. Ici c’est l’Authie qui se jette dans la mer et sépare la Somme du Pas-de-Calais. La Baie est en forme d’entonnoir : la mer y remonte très vite, jusqu’à 3m/s ! La dynamique de la baie est une complexe combinaison de différentes forces liées aux marées, vagues, courant de la rivière. C’est ce qui joue sur la distribution des sédiments.
L’observation de la couleur des sols de l’estran, zone géographique située entre la limite de la marée haute et celle de la marée basse informe sur la présence de différents milieux : la Slikke et le Shorre.


La Slikke (mot d’origine néerlandaise signifiant « boue ») est la partie qui se retrouve la plus souvent recouverte d’eau (à chaque marée haute) : il y a peu de végétation, mais une grande richesse en micro-organismes, plancton et en corophies. La corophie est caractéristique de cette baie, un petit crustacé dont l’habitat est la vase et qui creuse des tunnels en forme de U. Les populations sont denses, ici jusqu’à 100.000 individus au mètre carré.

Des corophies dans la Slikke

L’autre partie, les pré-salés ou le « schorre » connaît de plus courtes périodes de submersion et donc, est plus dense en végétation avec des plantes halophytes adaptées aux milieux salés. On y trouve par exemple la salicorne ou l’oreille de cochon.
La salicorne est cette plante charnue, reconnaissable par ses rameaux cylindriques. On l’appelle aussi « passe pierre ».

La célèbre salicorne !

Encore la salicorne ! Plus dense (dans le Schorre)

Les oreilles de cochon sont elles aussi, très appréciées et sont aussi très charnues.

Oreille de cochon

On s’attarde aussi quelques instants sur les laisses de mer. Ce sont les apports de la mer laissés sur la plage lorsqu’elle se retire…

Les laisses de mer

Elles jouent un rôle clé dans l’environnement. C’est un habitat pour de nombreuses espèces et sont même la base de chaînes alimentaires. De plus, c’est une protection naturelle contre l’érosion en limitant l’effet des vagues, et ils enrichissent le sol en nitrates !

On peut aussi y trouver des œufs de bulots ! De petits sacs sont accrochés en grappe les uns aux autres. A l’intérieur de chaque capsule, il y a une dizaine d’œufs !

 

 

Bon, et puis, finalement, voici le clou du spectacle… Ils sont bien au rendez-vous, sur leur banc de sable… Les phoques sont bel et bien visibles à l’œil nu, mais de loin, difficile de se rendre compte. Pour observer leur comportement, leur aspect, il faut quelques outils !
Et grâce à notre guide et sa « lunette », on a pu en savoir un peu plus et même prendre une photo !

Veaux marins observés à la lunette

On peut observer ici deux populations :
– le phoque gris,
– le veau marin.

Leur silhouette cylindrique n’est pas très adaptée à la vie terrestre car le mouvement est difficile mais cette forme leur permet de se déplacer efficacement dans l’eau, grâce à des ondulations.
Leur stratégie pour se protéger du froid repose sur 3 caractéristiques  physiques et un comportement particulier :
– leur corps cylindrique est l’optimum permettant de diminuer leur surface de contact avec l’eau,
– une épaisse couche de graisse, bien isolante,
– une forte densité de poils, formant une couche qui, telle une combinaison de plongée, emprisonne une pellicule d’eau proche du corps. Elle finit par se réchauffer au contact de leur peau et forme une nouvelle couche isolante.

Et puis, l’attitude adoptée est assez efficace : en prenant la pose « en banane » : leur extrémité n’est pas en contact avec le sol, pour éviter le refroidissement !

Comment les distinguer ? Les veaux marins ont un museau court tandis que les phoques gris l’ont plus allongé.
Les bébés du veau marin nagent dès la naissance, ce qui n’est pas le cas des phoques gris. Cette différence est liée au pelage des bébés.
Chez le veau marin, la mue a lieu dans le ventre de la mère : il naît avec son pelage d’adulte.
Chez le phoque gris, le petit naît avec un épais pelage blanc : un lanugo qui ne lui permet pas de nager (il n’est pas imperméable). Il doit attendre la mue pour plonger dans l’eau !

Voilà, j’espère que ce petit bout de chemin virtuel dans la baie de l’Authie vous aura plu, autant qu’à nous. Mais rien de tel que de découvrir tout cela, sur place ! Un très beau spectacle.

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