L’effet du dessin sur la mémorisation

Je me suis déjà penchée sur le sujet de la pratique du dessin, il y a plusieurs mois (Et si on dessinait ?). D’un autre côté, la mémorisation fait aussi partie de mes préoccupations (comment fonctionne la mémoire ? comment la stimuler ? sa détérioration en cas de maladie d’Alzheimer ?), nous en avions parlé ici ou  ou encore dans cet article (lien musique et mémoire de travail).
Léonard de Vinci, dont nous parlions récemment, était également très préoccupé par la mémorisation, un point important pour accumuler un maximum de connaissances.

Bref, aujourd’hui, je vous propose une petite synthèse sur des récentes recherches (publiées par une équipe canadienne dans Quarterly Journal of Experimental Psychology [1]), montrant le pouvoir du dessin sur la mémorisation. Particulièrement d’actualité à l’heure de la rentrée, le sujet préoccupe plus d’un parent. D’ici quelques jours ou semaines, nos chères têtes blondes auront à retenir une récitation ou une leçon : un vrai casse-tête pour certains.

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Quelles sont les différentes possibilités pour apprendre et optimiser la mémorisation ? Une lecture silencieuse ? Une réécriture ? Cela est plus ou moins efficace notamment pour la lecture et pourtant, cette méthode est encore adoptée par bon nombre d’élèves. En fait, plusieurs études ont montré que des stratégies d’encodage plus élaborées étaient particulièrement profitables. Le tout est de savoir comment encoder justement.
Il s’avère que lorsque les informations à retenir sont présentées sous forme de dessins, élaborés par celui qui doit retenir, la mémorisation est optimale. Par quel mécanisme le dessin influe-t-il sur la mémoire ? Comment dissocier l’effet du dessin de celui du « temps passé » (le dessin rallonge forcément le temps passé à se focaliser sur une notion) ?

L’équipe canadienne avance que le processus correspondant au dessin d’une série de mots engage au moins 4 composantes :
– une élaboration pour générer les caractéristiques physiques d’un objet,
– l’imagerie pour créer une image visuelle de l’objet,
– une action motrice nécessaire aux mains pour dessiner,
– la représentation pictorielle : le dessin doit fournir l’indice permettant de retrouver l’objet.

Bref, il semble que le dessin encourage un traitement de l’information plus profond et plus élaboré favorable à une mémorisation efficace. Mais tout cela est-il réellement meilleur qu’un processus de réécriture accompagné d’un traitement profond de l’information (par exemple l’ajout de mots décrivant l’objet) ?

Exemple : retenir le mot « soleil » par le dessin est-t-il vraiment plus efficace que par l’écriture des mots « soleil » puis « rayons », « jaune », « ciel », « chaleur », « lumière » ?

L’équipe canadienne a donc mené diverses expériences avec une quarantaine d’individus -parité hommes / femmes respectée- en leur demandant de retenir une liste de mots et en faisant varier différents paramètres tels que la méthode pour retenir (réécriture du mot avec d’autres mots associés ou dessin -déjà tout fait ou à faire-), les instructions données pour le dessin (avec des détails ou épurés), l’environnement (seul, en équipe, en classe),  le temps d’apprentissage.

Toutes les expériences montrent la supériorité du dessin :
– deux fois plus de mots retenus avec des dessins plutôt qu’avec une réécriture (temps identiques dans les deux configurations),
– en groupe (avec plus de possibilité de distraction), l’effet dessin reste entier,
– comparé à un autre type de traitement d’information profond (ajout de mots connexes), le dessin reste plus puissant,
– la création de l’image par le dessin est plus efficace qu’une visualisation d’une image déjà créée,
– la supériorité de l’apprentissage par le dessin est d’autant plus marquée que le temps laissé à la mémorisation est court ce qui suggère que l’effet « dessin » ne s’explique pas par temps passé à l’apprentissage mais repose bien sur les processus cognitifs mis en jeu.

Les auteurs proposent une explication à ces résultats. Ils avancent que le fait de dessiner met en jeu différents encodages impliqués dans la mémorisation avec un effet synergique entre eux qui favorise l’ancrage du souvenir. L’élaboration, la création de l’image, le geste, la représentation pictorielle sont les composantes de ces encodages qui, de concert, rendent l’apprentissage plus profond et donc plus efficace (ndlr « et à priori plus durable »).

Les auteurs espèrent pouvoir confirmer cela grâce à l’IRM fonctionnelle qui permettrait de suivre l’activité du cerveau lors d’une mémorisation par le dessin : y a-t-il bien différentes zones activées lors de cette activité ?

Bref, ne blâmons pas les élèves qui dessinent « leur leçon »… cela est parfois perçu comme le fruit d’un esprit vagabond et peu concentré. Au contraire, encourageons nos enfants à dessiner leur cours au maximum même si, en toute sincérité, il me semble difficile de tout faire passer par le dessin (notamment les notions abstraites). Personnellement les miens sont passionnés par cette activité artistique et pour mon collégien, l’apprentissage passe souvent par de petits schémas, pas forcément très élaborés : preuve en images !

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Certains ouvrages reposant sur, entre autres, le dessin pour faciliter la mémorisation commencent à voir le jour. En particulier, l’ouvrage de Anne-Marie Gaignard, psychologue clinicienne, « Hugo et les secrets de la mémoire« , sorti cet été qui présente une jolie histoire et une bonne dose de méthodologie : un charmant programme pour démarrer l’année scolaire. Vous trouverez une présentation de ce livre, rédigée par mes soins, sur les vendredis Intellos.

Hugo

Note : Cet article fait partie des sujets abordés, de façon romancée, dans mon livre « Le Monde et Nous »

Référence :
1- Jeffrey D. Wammes, Melissa E. Meade, and Myra A. Fernandes, « The drawing effect: Evidence for reliable and robust memory benefits in free recall  » – Quarterly Journal of Experimental Psychology, Vol. 69, No. 9, 1752–1776, http://dx.doi.org/10.1080/17470218.2015.1094494, 2016

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