Rendez-vous avec la Lune !

La semaine dernière, nous avons fêté les 50 ans des premiers pas sur la Lune. Un événement assez incroyable, surtout pour l’époque (1969) :  des défis dingues ont été relevés et le génie de l’esprit humain, le courage, le savoir-faire des astronautes ne doivent pas tomber dans l’oubli.

Alors pas de n-ième rétrospective de ces premiers pas sur notre satellite mais quelques nouveaux éclairages et informations insolites sur la Lune suite à mes lectures et mes propres questionnements : les challenges, la technologie, les hommes et les femmes qui ont marqué l’aventure, et quelques ouvrages à découvrir.

Programme chargé ! Je vous propose un découpage en 3 parties. Voici la première, essentiellement centrée sur la mise au point de la fusée Saturn V et le vaisseau.

Une aventure pleine de défis scientifiques et technologiques

Entre 1950 et 1960, les Etats-Unis s’opposent à l’URSS puisque nous sommes en plein milieu de “La Guerre Froide”. Sur le plan scientifique et technique, chaque bloc essaie aussi de dépasser l’autre et la conquête de l’Espace est chère aux deux camps.


La NASA (Agence spatiale Américaine) créée en juillet 1958 a, quant à elle,  lancé plusieurs programmes pour conquérir l’Espace : le projet Mercury dont le but était d’envoyer l’Homme dans l’Espace le programme Apollo pour aller sur la lune !

Les russes prennent la tête puisque Youri Gagarine est le premier homme, à voyager dans l’Espace en 1961. La NASA doit mettre les bouchées doubles.
Mais il y a tant à faire, car c’est un gros challenge à relever : de gros moyens sont à dégager pour travailler sur le projet : budget, compétences, temps.
En effet, il faut concevoir des machines suffisamment puissantes et fiables pour s’arracher de l’attraction de la Terre tout en propulsant un vaisseau, très loin jusqu’à la lune, puis alunir à un endroit adéquat, permettre aux hommes de sortir du vaisseau, revenir sur Terre avec la bonne trajectoire, le tout dans des conditions parfaites de sécurité. Et puis derrière tout cela, il y avait bien sûr à concevoir tout le système informatique et les logiciels pour guider le vaisseau afin qu’il adopte une bonne trajectoire.

Enfin n’oublions pas le côté humain : il faut aussi préparer des hommes à vivre dans des conditions difficiles ; ces hommes doivent faire preuve de sacrées compétences techniques mais aussi physiques et émotionnelles. En effet, d’une part les conditions sont tellement différentes de celles de la Terre (notamment à cause de l’impesanteur ou de la faible gravité sur la Lune) et d’autre part, nous sommes dans des phases d’innovation quasi totales où le moindre grain de sable, non anticipé, peut se révéler désastreux !

Comment a-t-on fait pour envoyer des hommes sur la lune ?

Le challenge : comment assurer la propulsion ?
Il faut d’abord commencer, me semble-t-il, par parler d’un ingénieur passionné par les fusées et l’espace, au parcours un peu particulier et qui a joué un rôle clé dans l’affaire, notamment dans la mise au point des premiers lanceurs ! Je veux parler de Wernher von Braun, ingénieur mécanicien allemand, entré au service des nazis pendant la Seconde Guerre Mondiale.  

Wernher von Braun passionné d’astronautique

Quand on visite la Coupole d’Helfaut de Wizernes près de Saint-Omer, un bunker de la seconde guerre mondiale reconverti en musée-mémoire de cette période, on prend conscience que la guerre fut un sacré moteur pour booster les innovations technologiques. Terrible quand on y pense.

La coupole à Wizernes : ancien  site « caché » près des côtes de la Manche construit par Hiltler pour lancer les missiles V2 vers le sud de l’Angleterre

En 1929, l’Allemagne du IIIe Reich, lance un programme de recherche sur les fusées pour l’envoi de missiles balistiques. Wernher von Brawn entre au service de l’Allemagne nazie pour répondre à la demande. Il est passionné d’astronautique depuis son plus jeune âge et consacre d’ailleurs sa thèse de doctorat à la propulsion des fusées à carburant liquide.
Comment assurer une propulsion efficace pour atteindre une altitude suffisante  et cibler un point de chute très éloigné ?
Le principe est simple : la propulsion repose sur la 3e loi de Newton qu’on peut grosso modo résumer par « à toute action correspond une force de réaction de même intensité et de sens opposé »(vous retrouverez des explications simples ici sur Kidiscience).

Ainsi, des gaz chauds sont expulsés à grande vitesse de la fusée qui, en réaction, subit une force de poussée et décolle (et peut atteindre une cible éloignée). Pour parvenir à ce résultat, il faut produire ces gaz chauds à haute pression -par le biais d’une combustion- et contrôler la fusée, comprendre sa vitesse, les forces aérodynamiques qui s’exercent sur elle… Cela passe par le bon choix du combustible  (carburant), d’une soigneuse conception de la chambre de combustion, de la zone d’injection du carburant, des buses d’injection, du mélange avec le comburant, du refroidissement de l’ensemble aux endroits stratégiques …

Les premiers pas

Le V2 (ou fusée A4) est développé au centre de recherche de Pennemünde par des équipes autour de Wernher von Braun : cette fusée à ergols liquides (et sa charge explosive) est capable d’atteindre une altitude maximale de 90 km et une cible située à 300 km. Des milliers d’exemplaires sont fabriqués dans l’usine souterraine de Mittelwerk, avec comme main d’oeuvre des prisonniers des camps de concentration ! 

Le moteur-fusée de l’A4 (ou missile V2) avec sa turbopompe, son générateur de gaz et sa tuyère (visible à La Coupole d’Herfaut)

Mais le missile V2 est un échec pour les Allemands, d’un point de vue miliaire… Tout n’est pas perdu pour Wernher van Braun qui se rend compte que la fusée qu’il a mis au point pourrait servir de base pour la conquête spatiale (il a déjà en tête d’aller sur la Lune).

Un des ouvrages écrit par Wernher von Braun (1953)

C’est ainsi, qu’il décide après la guerre, de suivre les Américains en quête d’experts en fusées et intègre la NASA, deux ans après sa création afin de participer au lancement de la conquête spatiale.

La fusée Saturn V qui a envoyé des hommes sur la Lune et dont il sera question un peu plus loin, est donc l’héritage technologique direct de l’arme de guerre qu’est le missile V2, développé par Wernher von Braun, au service de l’Allemagne nazie. Incroyable quand même !

Comment parvenir jusqu’à la lune ?
Alors lancer des missiles, ou mettre un satellite en orbite basse c’est une chose mais aller jusqu’à 380.000 km de distance puis revenir, c’est une autre histoire.
Quel design ? Comment assurer une puissance suffisante ?
L’idée première est de construire une fusée géante qui irait directement sur la lune, s’y poserait et en redécollerait après la sortie des astronautes.
C’est Houbolt, ingénieur aérospatiale de la NASA qui propose et défend l’idée d’un « rendez-vous spatial » en orbite lunaire.

John Houbolt présente la trajectoire avec rendez-vous en orbite lunaire

Pour lui, la meilleure option est de faire décoller une fusée connectée à un vaisseau conçu en deux parties : un des modules (le module de commande et de service) restera en orbite lunaire tandis qu’un autre, plus petit (le module lunaire LEM pour Lunar Excursion Module), descendra sur la Lune. Après la mission sur le sol lunaire, le module pourra remonter pour s’arrimer de nouveau au module de commande avant le retour sur Terre.

Wernher von Braun n’est pas très chaud au départ car le rendez-vous en orbite lunaire présente des risques et s’il est manqué, qu’adviendra-t-il des astronautes au retour de la Lune ? Mais l’ingénieur allemand (ou américain) finit par se laisser convaincre.

Les avantages par rapport à un vol direct sont :
– un gain de poids et donc une moindre consommation de carburant,
– une descente vers la Lune et remontée avec un petit vaisseau qui posera moins de problème, en l’absence de connaissance de la nature du sol.

La fusée Saturn V

La propulsion

Chacun des moteurs de la fusée Saturn V est à ergols liquides, comme cela avait été conçu pour le missile V2. Les ergols, c’est tout simplement la désignation du combustible (ou carburant) et du comburant (l’oxygène par exemple) qui sont stockés séparément à l’état liquide (à plus ou moins basse température, cela dépend du type de carburant) et basse pression (2 ou 3 bar). L’ensemble des 2 ergols est désigné par « propergol ».

Alors pour obtenir une forte poussée, il faut une grande vitesse de gaz en sortie ! Cela nécessite :
– de choisir le bon couple d’ergols (assurant une forte impulsion sans explosion)
– de mettre les ergols sous forte pression (ce qui a aussi pour avantage de diminuer la taille de la chambre de combustion d’où un gain de masse et une meilleure stabilité de combustion). Pour ne pas devoir les stocker sous pression, ce qui augmenterait le poids de la fusée, la compression se fait « in situ » par le biais de turbopompes (pompes entraînées par une turbine à gaz),
– d’assurer une combustion efficace et d’accélérer encore les gaz de combustion grâce à une détente dans la tuyère.

Ainsi chacun des ergols est d’abord comprimé (délicate étape de compression) puis ils réagissent ensemble (étape de combustion, une réaction très exothermique) pour produire des gaz chauds sous pression qui s’échapperont par la tuyère, cette dernière permettant de les accélérer davantage.

Un moteur se compose donc :
– d’une zone de compression des ergols (des turbopompes pour les fortes poussées),
– d’une chambre de combustion,
– de systèmes d’injection,
– d’une tuyère.

Schéma de principe du moteur-fusée avec turbopompes

Les turbopompes sont des pièces complexes : notamment à cause des fortes pressions, de leur vitesse de rotation élevée, des débits  et des températures extrêmes mis en jeu. La turbine qui assure la rotation des turbopompes est animée par des gaz issus du générateur de gaz (là, s’y déroule la combustion d’une petite partie des ergols). Cette technologie a été mise au point avec le développement des V2.

Après cette mise sous pression, les ergols sont injectés sous forme de très fines gouttelettes dans la chambre de combustion. La proportion relative de chacun d’eux (comburant/carburant) est un paramètre clé (on parle de rapport de mélange) : on vise les conditions stœchiométriques afin de prévoir l’exacte quantité nécessaire d’ergols à transporter et d’optimiser une fois encore le poids.
Enfin, un dernier petit détail qui apparaît sur le schéma : le refroidissement des matériaux est assurée par circulation des ergols autour de la tuyère. En retour, les ergols s’y réchauffent, ce qui est favorable à la qualité de la combustion.

Wernher von Braun devant les moteurs du 1er étage de la fusée Saturn V

Vue éclatée de la fusée Saturn V avec ses 3 étages (crédit photo Forum des Sciences de Villeneuve d’Ascq)

L’organisation en étages de Saturn V

Alors que le V2 ne comportait qu’un seul étage et un moteur, il en est tout autre pour Saturn V. A des fins d’optimisation de la taille des réservoirs (et donc du poids de la fusée tout au long de son parcours), la propulsion se fait par étapes : décollage, correction de trajectoire, mise en orbite. Chaque étage s’allume l’un après l’autre et une fois les réservoirs d’ergols épuisés, ils se détachent de la fusée afin de l’alléger : les moteurs de l’étage suivant prendront le relais.

La fusée Saturn V se compose de 3 étages.
Le 1er étage comporte 5 moteurs appelés F-1 developpés par les ingénieurs de la NASA qui brûlent un mélange d’oxygène liquide (LOX) et de kérosène (C12H26), un couple d’ergols qui était à l’époque relativement connu. Le kérosène se stocke liquide à température ambiante.
Ce sont des moteurs de forte puissance, qui ont nécessité de nombreux ajustements afin d’assurer une bonne stabilité de combustion. Les gaz sont éjectés à une vitesse de 2700 m/s. Cet étage est exclusivement dédié au décollage de la fusée (durée de fonctionnement 2 minutes 39).

Le deuxième et troisième étage, fonctionnent avec d’autres types de moteurs (5 moteurs J-2 pour le second étage et 1 moteur J-2  pour le 3e) fonctionnant avec un autre carburant : l’hydrogène liquide (LH2). La densité énergétique massique de l’hydrogène est bien meilleure que celle du kérosène mais la densité de H2 est faible, son stockage nécessite donc de gros volumes (et une température de – 252 °C). Les gaz de combustion sont éjectés à une vitesse de 3900 m/s.
Ce type de moteur est capable de se rallumer en plein vol et la poussée peut être modulée en modifiant le rapport de mélange entre oxygène et hydrogène.

Bref, au fur et à mesure du déroulement de la mission, du décollage jusqu’à sa route vers la Lune, les étages de la fusée s’allument, s’éteignent et se rallument (3e étage) pour assurer la propulsion, la mise en orbite terrestre, la correction de trajectoire, le transfert vers l’orbite lunaire.
L’exposition « 1961 – 1972 : Premiers pas humains à la surface de la Lune » au Forum des Sciences de Villeneuve d’Ascq (visible jusque Décembre 2019) l’explique très bien.

Panneau de l’exposition « 1961 – 1972 : Premiers pas humains à la surface de la Lune » – Forum des Sciences de Villeneuve d’Asq

L’allumage des différents étages de la fusée et départ vers la Lune

Sur la route de la Lune

Les différentes étapes pour l’alunissage

Et le vaisseau ?

Le vaisseau d’Apollo est constitué :
– d’un module de commande en forme de cône, là où se trouve l’équipage,
– d’un module de service où se trouve le moteur pour le propulser,
– d’un module lunaire.

Sur la partie supérieure, on peut voir aussi la tour de sauvetage utile pour la phase de décollage. Elle permet l’éjection du module de commande pour sauver les hommes d’équipage, en cas de grave incident lors du lancement.

La suite du « Rendez-vous avec la Lune » est à retrouver dans ce second épisode.

Compléments
Vous pouvez retrouver d’autres billets sur cette thématique, notamment à destination des enfants, publiés sur Kidi’science (Ici, et ).

 

5 comments for “Rendez-vous avec la Lune !

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