Suite de la visite guidée au Laboratoire PC2A de l’Université de Lille 1 (Laboratoire de Physico-Chimie des Processus de Combustion et de l’Atmosphère) dont les thématiques de recherche sont centrées sur l’étude de l’atmosphère et la qualité de l’air.
Comme précisé dans la première partie, les différentes études ont toutes pour but final de mettre au point des modèles afin de pouvoir décrire et anticiper !
Plusieurs sujets pour comprendre l’atmosphère sont donc abordés au PC2A :
– dispersion et caractéristiques de grains de pollen et les liens avec la pollution,
– étude et caractérisation des aérosols par la télédétection,
– étude des mécanismes chimiques des réactions liées aux polluants atmosphériques,
– dispersion d’iode en cas d’accident nucléaire…
Voici, quelques extraits choisis (avec grande subjectivité je dois dire).
Pourquoi étudier le pollen dans l’atmosphère?
Parlons tout d’abord des grosses particules de pollen. Pourquoi s’y intéresse-t-on ?
En fait, face au réchauffement, on assiste à une modification de la répartition d’espèces végétales, ce qui engendre une tendance à la concentration de pollen. Par ailleurs, il semble que la pollution de l’air joue un rôle dans l’allergénicité des pollens. Il faut donc comprendre comment les polluants gazeux et particulaires peuvent modifier les pollens, les rendant plus allergisants et comment s’opère la dispersion des allergènes.
En fait, des molécules telles que les oxydes d’azote (NOx) et l’ozone (O3) peuvent modifier la nature chimique des composants en surface des grains de pollen. Parmi ces composants de surface, on trouve des lipides (acide gras saturés et insaturés), des alcools, des composés phénoliques que des polluants peuvent transformer et par ce biais, rendre le pollen plus allergisant.
Pour comprendre tous ces aspects, différents types de pollen (principalement le pollen d’ambroisie) sont soumis à des concentrations connues de NOx ou d’ozone. Les composés chimiques de surface des grains pollués sont alors comparés à ceux du pollen « sain ». L’analyse se fait par chromatographie après extraction par solvant des composés de surface.
Et puis la pollution peut aussi agir sur l’évolution du grain de pollen, son vieillissement, sa faculté à se casser et à donner des particules de plus petite taille susceptibles d’impacter la santé humaine de façon plus significative encore (augmentation des risques d’asthme).
La modification de l’état de surface peut également impacter négativement la capacité de germination du grain de pollen… ou encore jouer sur la capacité à induire la formation de nuages (important dans un contexte de réchauffement du climat). Bref, on voit bien pourquoi travailler sur l’interaction pollen/pollution est à l’ordre du jour.
Pourquoi et comment étudier les aérosols atmosphériques ?
Les aérosols atmosphériques sont un ensemble de particules solides ou liquides en suspension dans l’air. Ils peuvent être d’origine naturelle (sols, volcans, forêts, océans, desert…) ou anthropique (poussières, suies… liées aux industries, aux processus de combustion en général).
Pour étudier leurs impacts* sur le climat par exemple, il faut pouvoir les observer, déterminer leur concentration et caractéristiques. Leur interaction avec la lumière est le principe des méthodes de télédétection.
*Les aérosols jouent un rôle clé pour le climat : en effet, ils peuvent d’une part modifier l’impact radiatif de la terre (en absorbant et diffusant le rayonnement en provenance de la terre et du soleil) et d’autre part servir de noyaux de condensation afin de condenser la vapeur d’eau, et donc favoriser la formation de nuages. Leur connaissance est donc primordiale pour les modélisations sur le climat.
Un rayonnement incident qui rencontre des particules d’aérosol va être modifié par des phénomènes d’absorption et de diffusion. On va donc chercher leur spectre (en infrarouge), opération à décliner pour différents types d’aérosols puisque le résultat sera différent selon leur nature chimique et physique (distribution de tailles de particules, indices de réfraction). La télédétection dépend des propriétés optiques des aérosols et les incertitudes sont fortes sur les indices de réfraction.
Depuis plusieurs années, le laboratoire PC2A s’attache à mettre au point des méthodes permettant de déterminer ces indices de réfraction pour différents types d’aérosols : des particules les plus simples bien calibrées (particules sphériques de silice amorphe) vers des particules minérales et volcaniques.
Quelques mots sur le banc expérimental développé.
Il comprend un générateur d’aérosols (mise en suspension mécanique de poussières), un système de filtre à très haute efficacité pour déterminer la concentration de l’aérosol, deux granulomètres (pour la mesure de la distribution de taille des particules), deux spectromètres (Infrarouge pour l’un, UV/visible pour l’autre) pour la mesure du spectre d’extinction*.
*Le spectre d’extinction permet de déterminer pour quelles longueurs d’onde, la lumière est absorbée ou diffusée par l’aérosol.
L’intérêt de mesurer en parallèle la granulométrie et le spectre d’extinction (par absorption/diffusion) est de mieux étudier le lien entre ces deux paramètres…
Quelles réactions en phase gazeuse au sein de l’atmosphère ?
Mais dans l’atmosphère, il est tout aussi important d’étudier les réactions en phase gazeuse relatives aux polluants et là aussi, les radicaux libres (dont nous avions parlé ici) jouent un rôle majeur. Ainsi OH• (le radical hydroxyle) ou HO2• (radical perhydroxyle) sont fortement impliqués dans les différents cycles des réactions atmosphériques notamment dans des réactions d’oxydation conduisant à l’apparition de polluants secondaires.
Le travail de ce groupe du PC2A cherche à étudier en laboratoire les cycles des réactions et notamment à déterminer les constantes de vitesse, les produits de réaction et la réactivité des radicaux. Pour OH•, c’est assez difficile, car d’une part le radical a une forte réactivité et d’autre part, sa concentration dans l’atmosphère est faible. Une partie de l’approche intègre également une étape de modélisation.
Pour étudier la réactivité de OH•, le dispositif expérimental combine une chambre de simulation de l’atmosphère et le système de mesure FAGE (Fluorescence Array by Gas Expansion).
Il s’agit d’exciter par laser le radical puis de détecter les photons de fluorescence (issus de la désexcitation). La technique FAGE où on travaille à basse pression et on provoque l’expansion du gaz permet de limiter les collision et d’augmenter le temps de vie de cette fluorescence !
Une autre partie du laboratoire s’intéresse à la chimie des halogènes et plus particulièrement celle de l’iode. La problématique est de comprendre la chimie atmosphérique, celle qui permet d’expliquer comment se transforment les espèces moléculaires contenant de l’iode (I2, HI, HOI CH3I, HIO2 IxOy). C’est important dans un contexte d’accident nucléaire grave lorsque de l’iode est relâché dans atmosphère et qu’il faut anticiper pour protéger les populations en déterminant où se feront les dépôts d’iode (bien que les phénomènes naturels liés aux échanges océan-atmosphère soient aussi importants à étudier dans un contexte de changement climatique). Le laboratoire travaille donc en collaboration avec l’IRSN afin d’ajuster les modèles qui, jusqu’il y a une dizaine d’années encore (avant l’accident de Fukushima) intégraient uniquement la dispersion physique. Il faut désormais, pour avoir un modèle plus juste, intégrer des paramètres thermodynamiques et chimiques relatifs à des réactions concernant les espèces gazeuses et leurs interactions avec des particules d’aerosols.
Bref, une visite enrichissante et des sujets qui montrent que comprendre l’atmosphère est une affaire complexe qui nécessite beaucoup de temps, de moyens, et de connaissances.