Il y a quelques jours, je me suis offert une petite pause dans la campagne des Weppes, dans le Nord, là où j’habite (Beaucamps-Ligny précisément)… une agréable promenade entre les champs, sous les arbres à avancer nonchalamment sans compter le temps, les yeux écarquillés à la découverte des trésors insoupçonnés de la Nature pour qui sait les observer… Alors ma fille et mon appareil photo sous le bras, j’ai (enfin nous avons) saisi quelques moments de vie d’animaux, petits et grands et quelques chouettes couleurs de champs, de végétaux en fleurs, en graine … banals pour certains mais si beaux à la fois.
Alors découvertes en tous genres : des champs, des cultures, des rangées d’arbres, des fleurs, des plantes, de la soie, des graines, des racines, des couleurs, de la salive et des bulles, du lichen, des pièges, du calcaire, des aiguilles, des ailes, des poils, des ocelles, de la cellulose, de la lignine, du crin et un œil bleu (notez bien le singulier !). Et oui, rien que cela ! Je ne vous parle même pas des odeurs.
Evidemment, je n’ai pas pu m’empêcher de compléter mes modestes clichés par quelques recherches, pour en savoir un peu plus 😉 !
Les cultures
En pleine campagne, on trouve des champs évidemment … C’est reposant (enfin surtout pour celui qui regarde !), d’ailleurs il paraît que c’est bon pour la santé d’observer la nature et la verdure (source).
Des champs avec de jolis sillons parallèles : des parallèles qui se ne coupent jamais (par définition) sauf à l’infini ; on les voit ici qui convergent vers l’horizon.
Nous sommes dans le Nord, on retrouve champs de blé (le blé « tendre » dans nos latitudes), de pommes de terre et champs de betteraves…
Les blés sont verts et ce sont de beaux grains (appréciation toute subjective) : ils sont destinés principalement aux coopératives (ex : Groupe Advitam) qui gèrent la collecte de céréales et la mise sur le marché ; par exemple, il peut s’agir d’alimenter les moulins de la Bassée pour la fabrication des farines « des Weppes » (nous en parlions dans un précédent post « un peu de grain à moudre« ). En effet, sur nos terres, ce sont surtout des variétés boulangères qui sont semées.
Les betteraves sucrières (de la famille de chénopodiacées), semées depuis le début mars ou la mi-mars, en sont à une dizaine de centimètres. Comme on peut le voir, la levée n’est pas de 100 %, c’est logique. Les plans semblent précisément répartis tout au long de la rangée et pour cause, tout est parfaitement calculé afin d’optimiser les coûts et l’utilisation de produits phytosanitaires (rendement, qualité et environnement sont au cœur des préoccupations).
L’agriculteur, exploitant de 4 champs de betteraves cette année, nous explique que 17 cm précisément séparent chaque graine grâce à l’utilisation du semoir de précision. Cette distance permet de laisser suffisamment de place pour le développement de chaque racine et optimiser le coût. Les betteraves sucrières subissent de plein fouet la concurrence de la canne à sucre (du Brésil) et les cours mondiaux du sucre sont bas depuis plusieurs années.
On sait ce qu’on pourra admirer d’ici quelques mois : une racine charnue dans laquelle la plante a fait sa réserve de sucre (sacchararose = un glucose et un fructose attachés) grâce à la photosynthèse (à partir de lumière et de dioxyde de carbone atmosphérique fixé, les feuilles fabriquent des molécules organiques dont le sucre qui descend ensuite via la sève dans les cellules des racines).
Bref, une bonne dose de lumière est un paramètre clé pour optimiser la teneur en sucre.
Voici la récolte des betteraves sucrières dans un champ voisin, en octobre dernier…
Elles sont stockées très peu de temps en bout de champ, là où les camions de chargement des coopératives sucrières (par ex Tereos) viendront les charger. Il ne fait pas bon perdre trop de temps car la betterave se conserve mal et craint les gelées. Elles terminent leur vie en sucreries dont il en sort du sucre (évidemment) et des drêches pour l’alimentation animale. Pour un hectare cultivé, la production de betteraves est en moyenne de 100 t (variable entre 85 et 110 t) et la production de sucre qui en découle est de 16 t environ.
L’agriculteur nous dit quelques mots sur les produits phytosanitaires notamment ceux permettant d’éradiquer les adventices (mauvaises herbes). De façon à limiter leur usage, de nouvelles méthodes sont testées : une machine permet à la fois un binage mécanique (désherbage et aération) au niveau de la terre entre les rangées de culture et un désherbage chimique qui se limite désormais à la zone plantée. Cela représente une économie de 60% en produits herbicides.
En ce qui concerne l’ajout d’engrais, il est ajusté selon les résultats des analyses de terre régulièrement menées notamment le « reliquat d’azote ».
Passons aux pommes de terre.
Elles sont cultivées sur billons (rangées de petites buttes aplaties sur le sommet et cultivées sur le dessus). Lorsque, sur chaque butte, on distingue trois rangées comme sur la photo ci-dessus, c’est qu’il s’agit de la culture de plants de pommes de terre (on favorise la multiplication au détriment de la taille) ou la culture d’espèces de petit format telles que la « Charlotte ».
D’autres types de végétaux
On reste dans le domaine des végétaux mais ici, on ne les cultive pas, ils viennent naturellement. Ceux dont on va parler maintenant sont épiphytes. Ils se développent à la surface d’autres végétaux dont ils se servent comme support. Vous avez tous vu cela sur les écorces des arbres ou sur les branches : du lichen qui ressemble à des algues ou des champignons …
Vous m’en direz tant ! Effectivement le lichen est un savant mélange entre une algue qui assure la photosynthèse et donc l’apport de sucre et un champignon qui assure la réserve d’humidité (extraite de l’air) et de sels minéraux et l’attachement au support. La couleur est également assurée par le champignon dont les pigments protègent contre les rayonnements nocifs. La vie est partout et s’organise pour tirer parti de tout.
On observe ici des lichens corticoles (présents sur des écorces) qui se présentent sous formes de feuilles ou de petites croûtes caoutchouteuses de diverses couleurs variant du brun-gris au jaune lumineux et au vert. Bon personnellement, je trouve ça assez joli !
Et alors ?
Et bien rien de spécial car sa présence est plutôt bon signe car ce n’est pas du tout symptomatique de mauvaise santé des arbres : les lichens fruits d’une symbiose bien rodée, sont indépendants de l’arbre et n’en puisent aucune ressource. Ils ne s’en servent que comme support.
La présence de lichen (sensible à de faibles concentrations de dioxyde de soufre SO2 dans l’air) est même un bon indicateur de l’absence de pollution atmosphérique (c’est ce qu’on nomme la biosurveillance – voir ce lien).
De la salive, où ça ?
Vous avez sûrement observé cela un peu partout sur les arbustes ou diverses plantes à la jonction des feuilles : une bonne dose de crachat avec des tas de bulles peu appétissantes. Si vous cherchez bien, en fouillant cette jolie mousse, il s’agit du travail d’une larve : celle de diverses espèces de cercopes, notamment le « cercope des près » ou « cicadelle écumeuse » ou encore « philène spineuse« . La bave s’appelle aussi le « crachat du coucou » ou « écume printanière » et en ce moment, car c’est la saison, il y en a partout.
La substance est bien de la salive, pleine de bulles : c’est donc une mousse qui isole très bien thermiquement la larve, et les tient à l’abri des regards des prédateurs ; j’ai même vu quelques fourmis noyées dans la substance en tentant de s’approcher. Bon sachez quand même que les glandes sont situées dans l’abdomen de la bête, et l’écume sort part son anus ! On fait ce qu’on peut.
Une fois la métamorphose terminée, la mousse a disparu et la larve a donné naissance à l’insecte adulte en photo ci-dessous jusqu’à la prochaine ponte.
Ces bestioles font partie de l’ordre de hémiptères, des cousins des cigales. Souvent phytophages, elles ne font que de faibles dégâts dans nos jardins. Pour les cultures, c’est autre chose !
Autres insectes ailés (…ptères)
Alors dans ma balade, j’ai eu droit à un joli coléoptère (des fourreaux pour les ailes) caché sous une feuille…Désolée, on ne le voit pas de face : son exosquelette semble, comme pour tous les coléoptères, particulièrement rigide. Pour l’identification de la bestiole par contre, c’est plus difficile : éventuellement le géotrupe du fumier, très classique sur les chemins forestiers (charmant le nom !)
Et puis les plus classiques diptères mouches et bourdons (groupe des hyménoptères -ailes en membrane-) profitent des beaux jours …
Alors juxtaposés ainsi, ça saute aux yeux ! Les bourdons sont fortement poilus. Rappelons que les poils jouent ici plus d’un rôle.
Ils permettent en premier lieu de collecter au mieux le pollen.
Et puis c’est une sacrée bonne isolation thermique pour maintenir l’insecte au chaud, c’est la raison pour laquelle on le retrouve aux plus hautes latitudes et altitudes. C’est tellement efficace qu’une espèce de bourdon (équipée d’une épaisse couche de poils) existe sur les terres d’Arctique.
Autre chose, il semblerait que les poils de couleur soient un sorte de signal répulsif pour les prédateurs.
Enfin, des récentes études montrent que c’est aussi un moyen de percevoir le champ électrique émis par les fleurs pleines de nectar (lien ici).
Du genre rampant…
Evidemment, j’ai eu le bonheur de croiser la route d’un gastéropode – estomac dans le pied – à coquille qui était de sortie. Oui parce que les limaces font aussi partie des gastéropodes et n’ont pas de coquille (quoi que !). Plusieurs questions se posent, trouvé-je. Comment tient-il dans sa coquille ? Comment reste-t-il accroché à sa feuille ? Comment mange-t-il ? Quelle est la composition de sa coquille ?
La coquille, très variable en forme et couleur est néanmoins toujours hélicoïdale alors forcément, les viscères de la bête sont toutes en torsion à l’intérieur ce qui ne semble pas très confortable (enfin de notre point de vue d’humain). Mais le limaçon y est très bien et s’y retire …
Cette coquille est majoritairement en carbonate de calcium (constituant du calcaire) qui est sécrété par un épais pli de la peau. Pour la matière première, il faut donc un apport de calcium suffisant : absorbé via les plantes ou « en rongeant » des roches calcaires. Parce que OUI, l’escargot a des dents et même des dents très dures disposées sur la langue, la radula (nous en avions parlé lors de l’article sur la patelle).
Quant à la bave qui permet l’adhérence et le fluide lubrifiant pour ramper, il s’agit de mucus riche en collagène, élastine et allantoïne (et des composés précurseurs comme l’acide hyaluronique). Inutile de vous dire que l’élevage d’escargots à des fins de production de ces protéines (marché de l’esthétique) va bon train.
La suite dans un prochain épisode
Inutile de vous préciser que je me suis régalée à me promener, à photographier le mieux que je pouvais et à mener l’enquête… Dans ma liste annoncée en introduction, il manque quelques petites choses : des fleurs, de la soie, des graines, des racines, d’autres couleurs, des pièges, des aiguilles, des ocelles, de la cellulose, du crin et l’œil bleu. Il reste donc encore quelques spécimen à identifier et à détailler : restés connectés !
La suite de la balade est ici…
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