L’office du Tourisme des communes du Pays des Weppes organise de très belles sorties pour découvrir notre région : les balades dans la Nature, la mise en valeur du patrimoine architectural ou industriel, les sorties thématiques (ce qui m’a permis de découvrir Les Moulins de ma région par exemple)… Mais c’est aussi un formidable point d’entrée pour rencontrer des passionnés de Nature !
Récemment, une très belle exposition y était organisée, consacrée aux oiseaux de nos campagnes des Weppes, par le biais du travail photographique de 3 ornithologues qui, depuis leur plus jeune âge consacrent du temps et de l’énergie à étudier, protéger, et photographier différentes espèces présentes chez nous.
Les photographies de l’exposition sont splendides d’une part par leur qualité artistique (la mise en lumière, les couleurs, les contrastes) et d’autre part parce qu’elles permettent de découvrir de multiples détails, la beauté du vol, une expression, un regard, une attitude, un plumage et ça donne bougrement envie d’aller plus loin …
Voici une ou deux photos qui m’ont particulièrement touchée, elles mettent en valeur la fascinante Chouette chevêche (dont le nom officiel est désormais « Chevêche d’Athéna »), emblématique de notre contrée « des Weppes » riche en bocages et en pâtures. Nous en avions déjà parlé dans un précédent post d’ailleurs, à l’occasion de la nuit de la Chouette (notamment les caractéristiques spéciales des plumes leur permettant de se déplacer silencieusement).
J’ai eu le plaisir de rencontrer les 3 ornithologues à l’origine de cette belle exposition. Il s’agit d’Hélène Jouin Spriet, Michel VanWarreghem et Pierre Bonnel qui n’ont pas ménagé leur temps pour me raconter leur passion et me livrer plusieurs anecdotes.
Mais laissez-moi vous les présenter.
Hélène a commencé à étudier les oiseaux à Paris avec un ornithologue du Museum National d’Histoire Naturelle de Paris. Elle aime découvrir les habitats, les oiseaux partout où elle passe. Elle fait partie de l’Association Lestrem Nature et laisse sa passion la conduire, partout où elle passe, à scruter, comprendre les oiseaux et figer des instants précieux par la photographie.
Michel, passionné depuis son enfance, est initié par son père avec qui, il parcourt la campagne et découvre la beauté des oiseaux, leurs habitudes, leur lieu de vie. Il n’a de cesse d’approfondir ses connaissances et la pratique de la photographie qui, insiste-t-il, doit se faire dans le respect de la vie des oiseaux (ce qui n’est pas toujours le cas pour tous) lui permet une observation encore plus précise, et de fixer des moments forts.
Pierre, originaire des Weppes est amoureux de nos contrées et ça se voit ! Depuis l’âge de 8 ans, il est passionné par les oiseaux et est très investi dans les actions de protection des espèces de la région. Il explique qu’à travers cette exposition, il s’agissait avant de tout de sensibiliser un maximum de personnes (dont des enfants) à la beauté de la Nature, sa biodiversité et permettre peut-être d’aider à la protection des espèces fragiles.
Pierre et Michel sont tous deux membres du GON (Groupe Ornithologique du Nord-Pas-de-Calais) ce qui leur permet de rencontrer d’autres passionnés, de participer à différentes actions de sauvegarde, de protection, de recensement des espèces, de formation en ornithologie.
Les 3 espèces emblématiques des Weppes
Focus sur le Busard des roseaux
Il s’agit d’un rapace diurne de grande envergure (de l’ordre de 1m 20), le plus grand de tous les busards. C’est une espèce protégée car vulnérable (arrêté modifié du 17/04/81) qui se nourrit de petits mammifères, petits oiseaux, de poissons, amphibiens, insectes…
Son habitat naturel, ce sont les zones marécageuses notamment pour la nidification mais la disparition progressive des zones humides oblige l’espèce à trouver d’autres espaces : il prend alors ses quartiers, assez fréquemment en Nord-Pas-de-Calais, dans les champs de céréales, avec un nid à même le sol. C’est là que le travail de l’ornithologue prend tout son sens afin de protéger l’espèce des travaux de fauche, tout ceci en coordination avec les agriculteurs. En fait, tout dépend du type de céréales qui sont cultivées puisque cela conditionne la date de la moisson.
On peut se demander ce qu’il advient avec le réchauffement climatique qui a tendance à provoquer l’avancement des dates des moissons ?
Pour les champs de blé et de colza, la présence des nids ne posera pas de souci puisque leur moisson intervient assez tardivement.
Ce n’est pas le cas pour les champs d’escourgeon (orge à « six rangs ») dont les moissons sont plus précoces et peuvent intervenir avant que les « petits » soient capables de quitter le nid.
Bref, depuis la mi-mars, un gros travail de repérage et de protection des nids de Busards des roseaux est entrepris au sein de ces cultures. Localiser un nid, c’est beaucoup d’heures d’observation des futurs parents qui transportent des matériaux par exemple.
Après la ponte (4 ou 5 œufs), c’est environ 35 jours dédiés à la couvaison jusqu’à l’éclosion. Les jeunes restent au nid une quarantaine de jours jusqu’à ce qu’ils soient capables d’effectuer leurs premiers vols.
Lorsqu’un nid est repéré, et qu’il y a un risque, la décision de le déplacer est prise mais cela nécessite un accord préfectoral : il faudra choisir le bon timing (en accord avec l’agriculteur) pour le déplacement (le plus tard possible). Le nid est déplacé rapidement et hors de la zone de danger mais sans dépasser une distance maximale de 150 m pour ne pas trop perturber les parents. Cela peut aussi être l’occasion de baguer les petits pour pouvoir plus tard, suivre leurs périple.
En règle général, les parents poursuivent l’élevage des jeunes oiseaux sans problème. Ils sont nourris encore quelques semaines puis émancipés, ils quittent la région et le pays en partance pour l’Afrique, le Portugal, l’Angleterre sur les zones côtières.
Une spécificité des Busards est le fait de se passer les proies en vol, entre mâle et femelle mais également entre parents et jeunes. Cela doit être sacrément impressionnant à observer !
Pierre précise qu’actuellement, les mesures de protection ont porté leurs fruits et les populations sont stables avec environ 10 couples par an dans la région. Mais si la surveillance se relâche, les populations s’effondrent vite. Quelques chasseurs peu soucieux des enjeux sont également responsables de la destruction des nids, une pratique assez révoltante, quand on sait que l’espèce est protégée. Il ajoute que les agriculteurs ont un rôle clé à jouer dans cette politique de protection et qu’ils sont généralement de bon alliés.
Focus sur le Faucon pèlerin
Restons dans le monde des rapaces avec le Faucon pèlerin car figurez-vous que Michel suit pour la 3e saison, un couple de faucons qui a élu domicile sur un clocher : celui de l’Eglise Saint-Vaast à Armentières*. D’habitude, cette espèce aime trouver refuge et nidifier le long des falaises, sur des corniches. Mais là, visiblement, les hauteurs des clochers lui conviennent.
Michel raconte qu’il y a 2 ans, lors des premiers repérages, la femelle n’était pas mature sexuellement (l’observation de son plumage a permis de lui donner son âge approximatif). L’année suivante, la nidification n’a pas pu avoir lieu car le couple a été dérangé par la présence d’un jeune mâle qui tournait dans la même zone.
Cette année est couronnée de succès car pour la première fois, 3 petits ont pu voir le jour. Mais quelle frayeur, lorsque l’un d’eux est tombé du nichoir : fort heureusement, il a été recueilli, soigné puis remis aux bons soins de ses parents !
* Le Faucon pèlerin n’est finalement pas emblématique des Weppes puisqu’il ne s’y reproduit pas. Il n’y vient que pour chasser. Il se reproduit plutôt dans les villes avoisinantes comme Lille et Armentières.
Focus sur les Chouettes chevêches
On termine avec l’un des plus petits rapaces : la Chouette chevêche.
Les Chouettes chevêches sont nocturnes, mais lorsqu’elles s’occupent de leurs petits, leurs besoins alimentaires sont plus importants et elles se mettent aussi à chasser de jour. Elles se posent même parfois sur les routes, car des insectes y séjournent à proximité ce qui évidemment les met en danger : les collisions avec les véhicules sont fréquentes. Mais la menace vient aussi de la disparition de leurs lieux favoris pour nicher : des arbres à cavités dans les champs et vergers, et de la réhabilitation des anciennes fermes. Des actions de protection sont utiles dont l’installation de nichoirs sur les toits, ou la taille en têtard des arbres..
On peut également les repérer dans les grandes prairies d’herbe rases où elles peuvent se percher sur des piquets. Mais ne peuvent-elles pas alors devenir cibles de chasseurs peu scrupuleux ?
Voilà un bon moment passé à en apprendre davantage sur les oiseaux de ma région, recueillir des anecdotes et voir le sacré travail mis en oeuvre pour protéger les espèces.
Merci à l’Office du Tourisme d’avoir permis à cette expo photos de voir le jour tout proche de chez nous !