Je vous le disais dans le précédent post consacré au vieillissement (petite synthèse sur l’état des connaissances sur le sujet), une manifestation dédiée au « bien vieillir » Ageing Fit, s’est déroulée le 2 et 3 février 1017 à Lille (Grand Palais) et fut organisée par Eurasanté (agence de développement économique de la filière santé des Hauts de France), le Pôle de Compétitivité Nutrition-Santé-Longévité (ou NSL permettant de fédérer les acteurs de l’agroalimentaire, des biotechnologies et de la santé) et l’association France Silver Eco (aide au développement de la Silver Economie et d’une industrie innovante au service du bien vieillir et du Silver Age*).
* ou l’âge d’argent (plus valorisant que « 3e âge »)
Je vous propose donc un reportage de cet événement « Ageing fit « . Cette première convention d’affaires entièrement dédiée à l’innovation dans le secteur de la Silver Economie et la santé accueillait industriels, associations, start-ups, assureurs et mutuelles, structures de soins, institutions de recherche et tous les acteurs clé qui gravitent autour du monde de la population vieillissante.
Le cœur de l’affaire : comprendre et répondre aux enjeux du vieillissement par le biais de conférences, de présentations de produits, de pitchs d’innovations, de solutions sur toute une gamme de thèmes tels que l’alimentation, la sécurité, les loisirs, le transport, la santé, l’habitation …
Autour de la nutrition
On démarre du côté de la nutrition parce que d’une part Eurasanté et le pôle NSL, organisateurs de la manifestation, sont très ancrés dans cette thématique et d’autre part, comme le disait si justement, une des chercheuses de l’institut Pasteur, le contenu de notre assiette est l’un des tout premiers leviers pour préserver et agir sur la santé.
Ainsi sur le stand d’Eurasanté, on découvre le projet « Eldernutr » qui a germé en octobre 2014 (démarrage officiel en février 2015 pour un peu plus de deux ans) et dont l’objectif est de délivrer un guide de bonnes pratiques pour l’alimentation des seniors ainsi qu’un outil d’e-learning pour que tous les acteurs impliqués soient sensibilisés à cette problématique et possèdent le même niveau de connaissances.
L’idée est partie du constat que la nutrition est en règle générale assez peu adaptée aux seniors. C’est paradoxal lorsqu’on fait qu’il faut à tout prix chercher à éviter la dénutrition et lutter contre diverses maladies liées à l’âge tels que les problèmes de neuro-dégénérescence, les maladies cardiovasculaires et du métabolisme.
L’approche ElderNutr concerne plusieurs secteurs : les aspects de la nutrition, de l’agroalimentaire, de la santé et de la formation ; les partenaires du projet sont l’Université de Vives (Belgique), l’Université de Wageningen (Pays Bas), Forum Berufsbildung (Allemagne), Eurasanté/Pôle NSL (France), la Municipalité de Plovdiv (Bulgarie) et l’Université d’Agrobusiness et du Développement Rural (Bulgarie).
Très actif également sur la question de la nutrition, l’institut Pasteur de Lille, présentait son service nutrition (dirigé par Pr J.M Lecerf) et les nombreux travaux de recherche, de vulgarisation (les journées thématiques, les conférences 5 à 7 dont je reparlerai bientôt !) et de formation dédiées à cette thématique. Pour revenir à l’événement AgeingFit, plusieurs formations centrées autour des seniors et de leur alimentation ont été développées (quelle nutrition en cas de maladie d’Alzheimer, comment cultiver le plaisir de manger, comment garantir le bon équilibre des repas en EHPAD).
Sensible au sujet de la maladie d’Alzheimer (voir ce post-ci, cet autre ou celui-là), j’ai été particulièrement attentive au fait que la nutrition était un vrai problème pour les personnes touchées par la maladie. Quand le soignant se heurte au fait que la personne malade oublie de manger, néglige sa soif ou ne sait plus se servir d’une fourchette, ça questionne sérieusement. La notion de bien-être, de convivialité autour du repas est également une notion importante à cultiver.
Pour le bien-être et la stimulation des aînés
Quand l’âge s’avance et que des difficultés motrices et cognitives commencent à apparaître, les activités qui apportaient bien-être et stimulation cognitive sont alors plus complexes à mener et elles sont souvent abandonnées : cela accentue l’isolement, la perte de motivation et diminue les efforts qui pourraient ralentir les effets de l’âge ou des maladies invalidantes.
Plusieurs solutions pour retrouver de la joie de vivre étaient présentées à Ageing Fit.
Faire du sport régulièrement par exemple, a montré de nombreux atouts : autant pour le corps (musculation) que pour l’esprit (santé mentale, bien-être).
La société HUR (de Finlande) nous présente des équipements de renforcement musculaire à des fins de prévention, entretien, rééducation (après tous types de pathologies). En se basant sur des travaux de recherche en amont , l’équipe a pu mettre au point du matériel adapté (simple, confortable, efficace et sécuritaire). Les appareils sont destinés à équiper des cendres de bien-être, des EHPAD. Des études à posteriori montrent de bons résultats (amélioration des fonctions exécutives et réduction des chutes) suite à l’utilisation régulière de ce type d’équipement [1]
Et si on regardait du côté du numérique et de la réalité augmentée ? Thérapies digitales bien sûr mais aussi robots, exosquelettes feront peut-être bientôt partie du quotidien de nos vieux jours, si ce n’est pas déjà fait. Ils offrent une quantité de services et de surveillance qui vont bien au-delà de la simple « assistance » : ces objets qui, il n’y pas si longtemps faisaient encore partie de la science fiction, permettent de stimuler, de motiver et de redonner goût à de d’anciennes activités délaissées.
Citons le produit développé par Activ84Health (prononcez « Activate for Heath »), société Néerlandaise. Ce vélo un peu spécial, allie l’activité sportive à la stimulation cognitive car il s’agit de se promener dans un environnement virtuel (grâce à Google Maps) mais connu du senior … Idéal pour reconnecter ses souvenirs, stimuler la mémoire ou découvrir de nouveaux horizons tout en voyageant sans danger : une agréable expérience dynamique qui procure bien-être, émotion, liberté et stimulation. Cette innovation a gagné le prix du programme d’assistance à l’autonomie à domicile AAL (Active Assisted Living)
Dans le même ordre d’idée, mais avec un concept spécialement dédié aux seniors souffrant de la maladie d’Alzheimer, un médecin italien Dr Cilesi a créé, il y a 5 ans la thérapie par le voyage. Dans une institution de Milan, les résidents prennent place dans un décor recréant l’environnement du train avec une gare, des guichets… et parcourent virtuellement des kilomètres de voie ferrée avec un décor qui défile sous leurs yeux. Cette thérapie a donné de bons résultats en limitant les fugues, les déambulations ainsi que la prise médicamenteuse. A la maison de retraite de la Treille à Valenciennes (Nord), l’expérience a démarré en début d’année 2017 (lien). A suivre !
Dans l’espace dédié aux innovations, on découvre un exosquelette : celui développé via le projet AXO-suit (qui rassemble les talents de 3 universités et 5 entreprises) qui s’inscrit dans le cadre du programme AAL.
L’idée est d’aider les seniors dans plusieurs tâches devenues difficiles telles que le jardinage ou la gestion des courses… Ainsi soutenues, ils sont plus disposés à maintenir leurs activités et donc restent plus autonomes, ce qui augmente leur bien-être et stimule leur performance cognitive.
Restons dans la notion de bien-être porté par la robotisation mais cette fois-ci dans un tout autre domaine : l’affectif ! On parle ici de « robots sociaux » et « robots émotionnels« . Saviez-vous qu’on peut apporter réconfort à des patients atteints d’Alzheimer grâce à une peluche de rééducation robotisée ? La maladie provoque souvent chez ces personnes une capacité de communication qui va en s’amenuisant et des troubles du comportement. Les robots émotionnels suscitent alors des émotions positives chez le malade (joie, tendresse, empathie, interaction sociale…). Une étude [2] a montré que le contact avec un robot de ce type, augmentait le confort de vie des patients (meilleure communication) et améliorait sensiblement les troubles du comportement ainsi que l’état de stress (l’étude souligne toutefois qu’il ne remplace pas la prise en charge humaine). Bien sûr, ces premiers résultats encourageants doivent être confirmés par d’autres études .
Bref, dans les pitchs d’innovation, un pré-prototype de peluche koala « Laô Koala » était présenté par l’association 3Decembre basée à Amiens. Munie de tas de capteurs (détection de mouvements, de sons, du toucher…), la peluche vibre, bouge et interagit avec son entourage. « Laô » est en phase de développement du prototype : cela nécessite un travail de recherche impliquant des équipes du CHU afin d’optimiser quels capteurs essentiels (et en quel nombre) sont à intégrer. Ce projet fut repéré en présélection au Silver Surfer 2.0 (un appel à projets développé par Eurasanté pour répondre aux enjeux du handicap et du vieillissement).
Quelques mots sur l’entreprise Bruxelloise Gripo Balls qui a développé de tous petits objets qui offrent un aide précieuse au quotidien pour l’utilisation d’un stylo, d’un peigne, d’une brosse à dents, d’un couvert… Ces gestes tous simples peuvent vite devenir une tâche complexe pour ceux qui souffrent de polyarthrite, d’arthrose, d’hémiplégie ou tout autre pathologie invalidante. Il s’agit de petites balles lestées et d’un bracelet métacarpien grâce auxquels plusieurs types d’ustensile peuvent s’insérer au contact de la main. L’effort à faire est moindre et surtout, le geste est accompagné, facilité ce qui est fondamental pour favoriser la rééducation (stimulation de la plasticité neuronale par exemple, suite à un AVC).
Question de sécurité
Rester en sécurité est un thème important quand il s’agit de prendre soin de nos aînés seuls à domicile et ce sujet était évidemment abordé sous différents angles lors de la manifestation Ageing fit.
Alors il était bien sûr question de Téléassistance, version « nouvelle génération », puisque de nouvelles fonctions apparaissent comme la détection de chute ou la télémédecine (Senioradom par exemple).
Encore une fois, la robotique offre également une aide précieuse (sans se substituer à l’homme mais au contraire pour favoriser le lien social) : un petit coup de cœur pour un robot humanoïde, tellement mignon (son petit nom est d’ailleurs Cutii).
Cette innovation, en développement depuis 1 an 1/2 par la start-up Roubaisienne (Nord) Yumii, accompagne les seniors dans leur quotidien en simplifiant leur communication vidéo avec leurs proches et aidants, soignants.
Commandé par la voix, Cutii contacte une personne de l’entourage de son propriétaire pour apporter du soutien, rompre l’isolement, partager des moments chaleureux ou donner l’alerte.
Notons que Yumii est lauréate du CES 2017 Innovation Awards (Consumer Electronic Show de Las Vegas), le salon mondial de l’innovation et des objets connectés et ce, dans la catégorie « Tech For a Better World ».
La sécurité, c’est aussi sur la route… et lorsque les années arrivent, la vigilance et les réflexes perdent en acuité ! Différentes études ont effectivement montré que les seniors sont significativement impliqués dans plus d’accidents de la route que les autres catégories de la population ce qui est souvent lié à des déficiences cognitives notamment un diminution de la vitesse de traitement de l’information. Une étude a prouvé que des programmes d’entraînement permettaient d’améliorer les fonctions cognitives et la survenue d’accidents de la route [4].
C’est sur cette base qu’a été développé le projet « Routabaga » un stage de prévention routière innovant réservé aux seniors de façon à ce qu’ils repèrent leurs points forts et leurs faiblesses. Présenté de façon ludique, le concept fait travailler les réflexes, la vision, la mémoire et la concentration.
Ce projet ainsi que » Laô », font partie de l’incubateur « La Machinerie » basée à Amiens.
Le mot de la fin pour le grand sponsor de la manifestation : Apreva, qui s’engage bien au-delà de la protection sociale complémentaire. Apreva mène en effet de nombreuses actions de prévention et de sensibilisation visant à préserver notre santé présente et future : combattre les effets négatifs du stress chronique (nous en parlions ICI) et les risques cardio-vasculaires sont deux exemples des thèmes fétiches. La pratique du sport, d’exercices de respiration, de relaxation sont prônées.
En bref… pour terminer
Ageing Fit 2017 fut un voyage passionnant au cœur de la Silver Economie : on soigne nos vieux jours aux petits oignons.
Il est assez rassurant voire touchant de voir que la valeur clé qui ressort de cette manifestation (et donc des actions en cours pour mieux vieillir) est le « bien-être » : il se cristallise sur les notions d’émotion (Laô, Activ84health… ), de liberté (Axo-suit, Gripo Balls…) et de liens sociaux enrichis (Cutii …).
Il y aurait bien d’autres sujets, projets, idées, concepts, produits déjà sur le marché à présenter… Il me fallait faire une sélection ; j’ai choisi de ne m’arrêter que sur mes plus gros coups de coeur.
Références
1- Van het Reve E.and de Bruin, « Strength-balance supplemented with computerized cognitive training to improve dual task gait and divided attention in older adults: a multicenter randomized-controlled trial », BMC Geriatrics 14:134, 2014
2- Wu Y-H, et al. » Robots émotionnels pour les personnes souffrant maladie d’Alzheimer en institution. » NPG Neurologie – Psychiatrie – Gériatrie, Volume 14, Issue 82, Pages 194-200, (2014) doi: 10.1016/j.npg.2014.01.005
3- Comparison of Verbal and Emotional Responses of Elderly People with Mild/Moderate Dementia and Those with Severe Dementia in Responses to Seal Robot, PARO, Frontiers in Aging Neurosciences, doi: 10.3389/fnagi.2014.00257
4- Ball K. et al., « Cognitive Training Decreases Motor Vehicle Collision Involvement of Older Drivers », J Am Geriatr Soc. 58(11): 2107–2113, 2010 doi: 10.1111/j.1532-5415.2010.03138.x
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