« Tout in haut de ch’terril « , voilà comment j’aurais pu intituler ce post pour lancer un petit clin d’oeil au dialecte local (qui m’est cher parce qu’il me rappelle ma grand-mère ;-)), ici en Nord Pas-de-calais mais ne prononcez pas le « L » à « terril » pour respecter l’authenticité du mot.
Alors depuis que, du haut de mes 7 ans (peut-être avant), j’ai découvert « ces hautes montagnes » dans mon environnement, je m’étais toujours promis d’aller y faire un petit tour afin de les inspecter d’un peu plus près, ne serait-ce que pour découvrir de quoi ils sont faits et éventuellement voir quel panorama des alentours pourrait s’offrir à moi. Voilà, une bonne trentaine d’années plus tard, au bas mot, c’est arrivé, grâce aux initiatives du CPIE (Centre Permanent d’Initiatives pour l’Environnement), la Chaîne des Terrils, basé à Loos-en-Gohelle (Pas-de-Calais). J’en avais déjà parlé ICI (découverte coccinelles).
Bref, je n’ai pas été déçue du voyage… Nous avons donc grâce à notre guide voyagé dans l’Histoire mais aussi dans le monde des techniques d’extraction minière ; puis au détour des chemins on y a parlé Sciences de la Vie (biodiversité, mimétisme, adaptation des espèces, caractéristique des milieux) et même linguistique ! Passionnant n’est-il pas ?
L’histoire du charbon et de son utilisation comme combustible
Le charbon est un combustible formé lentement, sous l’effet de conditions physico-chimiques adéquates à partir de biomasse : celle constituée par la végétation luxuriante qui s’est développée à la fin de l’ère primaire, il y a plusieurs centaines de millions d’années.
Les conditions physico-chimiques particulières sont une forte humidité de l’air chaud ainsi que du CO2 en forte concentration. Sous l’effet de glissement de terrains, des végétaux sont enfouis, par la suite recouverts d’eau stagnante et donc de sédiments alluvionnaires. Sous l’effet de la pression et de la température élevées, la couche de végétaux se transforme peu à peu en une roche organique qui s’enrichit au fil du temps en carbone (on passe alors de l’état de tourbe, la lignite, le charbon bitumineux et l’anthracite).
D’ailleurs, on retrouve quelques vestiges de certains végétaux dans les roches voisines (pas vu personnellement 🙁 ).
Notre guide nous rappelle qu’on « connaît » le charbon depuis fort longtemps : les hommes préhistoriques l’exploitaient déjà (des puits et des galeries creusées il y a 9000 ans ont été retrouvés), puis l’utilisation de ce minerai se « transmet » aussi durant l’Antiquité. Dans le Nord-Pas-de-Calais, on le redécouvre vers 1660 dans le Boulonnais là où une veine de charbon remonte et affleure (ce qui permet l’exploitation avec peu de moyens).
L’extraction minière prend alors son essor, grâce à plusieurs compagnies minières privées qui n’ont de cesse que d’améliorer leurs techniques (celles-ci sont importées de Belgique, notamment pour le cuvelage – garnissage des parois du puits).
Nous nous trouvons donc ici sur les sites d’exploitation des puits N°11 et N°19 : la fosse 11-19 dite Pierre Destombes (administrateur de la Compagnie) à Loos en Gohelle. Le puits N°11-est en exploitation depuis 1894 et le N°19, tout proche, depuis 1954. A proximité des puits en service, on trouve des puits dits d’aération : ils ne permettent pas de remonter du charbon mais d’apporter de l’air frais au niveau des galeries pour éviter les asphyxies.
La fosse 11-19 ferme en 1986 : un bon nombre d’installations ont été conservées et rénovées ainsi que bien sûr les terrils, objet de notre visite.
Le site des terrils
Au pied des terrils (ici cônes 74 et 74a), on retrouve donc le chevalement du puits N°11 : cette structure métallique permet de faire descendre et monter les mineurs et le minerai et se compose d’une structure portante (pour supporter les molettes où passent les câbles d’extraction) et d’une charpente métallique à base carrée (avant-carré).
Parmi les autres bâtiments conservés et rénovés, on retrouve les douches (ou baignoires selon le grade), les bureaux des géomètres et conducteurs de travaux, la lampisterie, puis la salle des machines, des compresseurs et la salle des recettes.
A l’arrière, la tour en béton est la tour d’extraction du puits N°19 (pas de chevalement).
On a une meilleure vue, d’en haut du terril !
Il manque le lavoir et une partie du triage qui ont été détruits.
Alors le terril finalement… de quoi s’agit-il ? L’extraction du charbon entraîne une partie de la roche, du stérile qu’il faut séparer du charbon. La tour d’extraction, qui accueillait 6000 tonnes/jour de charbon est également équipée d’un système de triage pour concentrer le charbon (le lavoir complète le procédé) : la partie stérile part alors au terril (qui contient néanmoins une petite proportion de minerai combustible).
La région comportait 300 terrils (1 milliard 500 M tonnes de roche), il en reste 200 actuellement.
On connaît bien les terrils de forme conique (les plus caractéristiques) mais selon la technique et la place disponible, il existe d’autres formes (ex : les terrils tabulaires).
La découverte sur les terrils
C’est le moment de partir à l’assaut des terrils. Un petit rappel des précautions s’impose ; il ne faut pas sortir des sentiers prévus, car l’érosion est un problème important, accentué fortement par les visiteurs peu respectueux.
On découvre alors le sol schisteux, les vestiges de traverses en bois et la végétation qui, malgré le sol pauvre parvient à se développer.
Les traverses en bois sont juste posées sur le terril : le poids des rails les maintient en place.
La végétation
La végétation est arrivée par la voie des airs (le vent transporte les graines), des oiseaux ou introduite par l’homme. Telle qu’on la voit actuellement, elle est âgée de 40 ans : elle est peu fournie car la pousse met entre 3 et 4 fois plus de temps que dans la nature.
Les conditions sont très difficiles de par la maigre qualité du sol, la forte teneur en métaux lourds (Zinc et Plomb), mais aussi sa température. Des facteurs comme l’orientation du terril (impact pour l’ensoleillement) ou la granulométrie du sol ont aussi leur importance mais tout cela constitue une forte sélection qui converge vers des plantes qui sont adaptées.
On a pu admirer un aulne glutineux (pourtant plutôt amateur d’endroits humides), des mûres de la ronce commune.
Cap sur les couleurs … jaunes
Ces 4 espèces de plantes en fleurs sont :
– l’onagre (en haut à gauche)
– le pavot des dunes (en bas à gauche)
– le seneçon en haut à droite,
– la reseda en bas à droite.
L’onagre porte aussi le nom d’hermione ou herbe aux ânes. Ses feuilles sont comestibles et présentent même quelques propriétés médicinales.
La pavot des dunes (ou pavot cornu Glaucium flavum) est une plante vivace de la famille des papavéracées qui contient dans ses tiges un latex toxique.
Le seneçon, est cette petite plante aux fleurs jaunes qui évoluent en petites têtes blanches en soie hirsutes comme les cheveux des personnes âgées : d’ailleurs seneçon tient son nom de « senecio » ou vieillard (donne le mot sénescence). Cette plante est toxique pour la plupart des mammifères (contient des alcaloïdes contenant deux cycles pyrroles) et allergène pour l’homme.
La réséda est une des plantes pionnières sur les terrils.
Mais la plus belle fleur, celle qui régale de nombreux insectes et oiseaux : c’est la cardère, une sorte de chardon, aussi appelé « petit estaminet », ou « cabaret des oiseaux ».
Comme on peut le voir sur la photo de droite, les feuilles opposées sont soudées à la base ce qui permet de « stocker » de l’eau de pluie : une source appréciable pour les oiseaux (d’où le terme « cabaret »). C’est important de « retrouver » ces plantes à l’état sauvage, car elle a pratiquement disparu. Avant, elle était cultivée sur de grandes parcelles à proximité des manufactures de draps (en Picardie en particulier) : en effet, ses capitules secs étaient enfilés sur des supports puis utilisés pour carder les draps de laine …
La faune
Les petites mares qui ne manquent pas de se former sur les terrils attirent grenouilles et crapauds. Nous n’avons pas eu la chance d’en voir.
Mais la végétation spéciale, qu’on ne retrouve pas partout attire des insectes amateurs de chaleur et de sécheresse : ils n’y trouvent pas d’équivalent dans la nature.
Nous avons eu la chance de « voir », malgré un magnifique mimétisme le criquet « Oedipode turquoise » qui est de couleur identique, avec des nuances notables que les schistes sur lesquels il se trouve ! Hallucinant.
Enfin, en sortant du site, j’ai eu la chance de découvrir une charmante sauterelle, cachée dans les grandes herbes. Je pense qu’il s’agit de la grande sauterelle verte.
Voilà, charmante journée…
Je referai sans hésitation et je recommande vivement ces sorties CPIE, chaîne des terrils, pour renouer avec la mémoire de nos ancêtres, mais aussi pour redécouvrir les joies de la balade et les lieux de refuge d’espèces parfaitement adaptées.
1 comment for “Découverte du bassin minier : les terrils”