On nous le répète depuis un bon moment déjà : les antibiotiques, de par leur usage massif, deviennent inefficaces contre certains pathogènes. La réalité est bel et bien là : les micro-organismes ont évolué et trouvé des parades aux différents types d’attaques mises en place par les antibios qui, en augmentant la pression sélective éradiquent les pathogènes les plus vulnérables et les souches les plus résistantes deviennent majoritaires. La résistance se renforce d’autant plus que le recours aux molécules antibiotiques est fréquente et de type « large spectre ». L’OMS a dressé un rapport, on ne peut plus clair (en avril 2014) sur la question : les infections causées par des bactéries résistantes ont fortement augmenté ces dernières années provoquant une hausse de la mortalité liées notamment au staphylocoque doré (colonisant peau et muqueuses) ou encore entérocoques pathogènes provoquant septicémies, infections urinaires ou autres réjouissances… La mortalité risque même de dépasser celle liées au cancer dans les décennies à venir : une vraie menace sur la santé publique !
Et puis sans aller jusque là, en devenant de plus en plus résistants, les pathogènes peuvent exercer une forte pression et entrer en compétition avec les commensaux qui nous habitent (nos micro-organismes « amis », nous en avions parlé ici) ce qui modifie sensiblement notre microbiote avec toutes les conséquences que cela implique.
Il faut donc, nous aussi, absolument nous adapter en trouvant de nouvelles voies thérapeutiques.
Recherche de nouvelles voies thérapeutiques
Et bien figurez-vous que la recherche va bon train pour élucider le problème de la virulence des pathogènes, des mécanismes de résistance, de compétition entre espèces mais tout cela reste encore assez confus.
Bien sûr, on pourrait chercher de nouvelles molécules qui agissent sur les pathogènes. Mais l’idéal serait de trouver une nouvelle voie : entraver leur stratégie de colonisation en est une. Et si on se tournait vers la mise en culture de micro-organismes producteurs d’antibiotiques ?
Lesquels et comment les trouver ?
On sait que les bactéries issues du microbiote humain (logé un peu partout) peuvent produire des « bactériocines » : substances antibactériennes envers certaines familles et certains gènes responsables de la synthèse ont été identifiés. Mais cette fois-ci les chercheurs d’équipes allemandes se sont penchés sur … notre appendice nasal !
Car oui, le microbiote des voies aériennes supérieures est des plus diversifiés. Plusieurs recherches précédentes avaient passé au crible ces populations et une souche avait montré sa capacité à stopper le développement du fameux staphylocoque doré : la souche staphylocoque lugdunensis IVK28 !
Cette brave famille pourrait bien nous sortir du pétrin en produisant une substance antibactérienne, la lugdunine, un peptide antibiotique C40H62N8O6S), une molécule cyclique possédant dans sa structure un noyau thiazolidine (thioether + amine) : petit cliché pour les amateurs.
Les équipes allemandes ont publié très récemment (juillet 2016) le fruit de leurs recherches sur le sujet. Ils suggèrent que l’un des mécanismes d’action de la Lugdunine est une destruction rapide des ressources énergétiques des bactéries. Pas de chocolat, pas de bras 😉
Des tests in vivo ont été réalisés de façon concluante sur des infections de peau de souris et ont montré que la production de lugdunine entravait bien la colonisation par le chevalier doré et l’empêchait de pénétrer dans les tissus plus profonds. L’étude a de plus fait état qu’aucun phénomène de résistance ne pointait le bout de son nez 😮
La colonisation microbienne du nez est variable d’un individu à l’autre. Les équipes allemandes citées en référence ont passé en revue plus de 180 nez de patients hospitalisés. Ceux ayant la souche S. lugdunensis étaient 6 fois moins colonisés par le S. doré !
Bref, cette étude a largement prouvé que la lugdunine (ou les souches microbiennes en produisant) est une piste sérieuse pour tenter de palier les déficits des antibiotiques actuels sur les souches résistantes !
Le nez est l’avenir de l’homme !
Référence
Alexander Zipperer et al., « Human commensals producing a novel antibiotic impair pathogen colonization », Nature, vol. 535, no 7613, 28 juillet 2016, p. 511-516