Épuration des eaux : une station up to date ! (partie I)

Il s’agit du 2e article dédié au traitement d’eau de la Métropole Européenne de Lille sur ce blog. Je suis particulièrement sensible à ce sujet (épuration de l’eau) car il s’agit d’un enjeu majeur pour la santé et l’environnement.
Le premier article, concernait les systèmes mis en jeu pour le traitement des eaux de la piscine des Weppes où la MEL a investi dans un procédé dont la qualité environnementale est optimisée : à relire ici.

Nous partons aujourd’hui, dans un système à portée beaucoup plus grande puisqu’il ne concerne plus uniquement des activités de loisirs mais le quotidien de tous : celui du traitement d’eau pour la distribution d’eau potable dans le réseau public. Alors, focus sur la station d’épuration Ovilléo de Marquettes-Lez-Lille et là encore, on conjugue efficacité, modernisme et souci de l’environnement !

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Cette visite a été organisée par le Cerdd (Centre Ressource Développement Durable) impliqué dans la veille sur le développement durable et les problématiques « climat », la diffusion de ressources, l’organisation de circuits découvertes (DD Tour).
C’est donc grâce à un DDTour mis en place dans le cadre du salon Environord (présentation de ce salon dans cet article), que la station de Marquette nous a ouvert ses portes.

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Caractéristiques générales
Nous sommes accueillis par un mur végétalisé extérieur et intérieur, comportant 150 espèces végétales différentes : c’est joli et très écologique car la biodiversité était une des préoccupations majeures du projet Ovilléo !

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Une présentation de la station nous a été faite par Mr Leprêtre, vice-président de la MEL et Mme Motte, ajointe au chef de service.
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La station de traitement des eaux dans sa configuration actuelle est très récente puisqu’elle a été inaugurée en septembre 2015 (le projet a démarré en avril 2011). C’est l’une des plus grandes stations d’épuration de la région des Hauts de France et notamment de la MEL qui en compte 9. Elle permet de traiter les eaux usées de 37 communes de la MEL (85 communes en tout) avec une capacité de traitement de l’ordre de 600 000 Equivalent-Habitant (cette unité correspond à une certaine charge polluante pour 150 l d’eau).

L’ensemble des équipements a été mis en place sur le même site que l’ancienne station qui datait de 1969 et qui ne permettait plus de répondre aux évolutions des réglementations environnementales ; en effet, celles-ci* imposent un traitement poussé pour l’azote et le phosphore en vue de protéger les milieux aquatiques de l’eutrophisation (accumulation d’éléments nutritifs qui engendre le développement d’espèces envahissantes). Des technologies de pointe performantes et tournées vers un développement durable (environnement et énergie font partie intégrante du projet) ont donc été mises en oeuvre pour traiter jusqu’aux niveaux les plus bas la pollution azotée et phosphorée.

Outre son côté innovant, performant et écologique, la station Ovilléo allie aussi une dimension esthétique (intégration de la station dans un environnement urbain et humain mais aussi dans un environnement naturel) et pédagogique (la station est conçue pour être présentée au public avec des couloirs de visite vitrés, des panneaux didactiques et des maquettes « transparentes » explicitant le principe des deux procédés innovants mis en jeu – explicités en partie II).

*citons la directive sur les eaux résiduaires (DERU), la Directive Cadre sur l’Eau (DCE) et le plan National d’action sur l’assainissement (2012-2018)

Les différentes étapes de l’épuration
Les eaux usées et eaux pluviales arrivent par des collecteurs au niveau de la station. Le but est simple finalement : éliminer les substances en suspension, en émulsion et dissoutes (jusqu’aux limites imposées par la réglementation) par des moyens physico-chimiques et biologiques. Les éléments dissous sont finalement précipités et éliminés sous forme de boues, qui feront elles-aussi l’objet de processus spécifiques avant valorisation ou mise en décharge.

La File eau
Ce type de traitement est réservé aux débits inférieurs à 2.8 m3/s. En cas de débit supérieur, c’est la File pluviale qui est mise en oeuvre (le traitement y est moins poussé).
La pollution est combattue en éliminant les éléments du plus grossier au plus fin par une série de traitements : un prétraitement, un traitement primaire, un traitement biologique, un traitement final (traitement tertiaire).

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Le prétraitement consiste en un dégrillage (élimination des solides de granulométrie supérieure à 25mm), un pompage, un tamisage (élimination des solides plus fin de granulométrie supérieure à 6mm).

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Installations de dégrillage avec bennes de récupération des déchets

Le tamisage est suivi d’une étape de déshuilage-désablage : l’eau passe dans un bassin à faible vitesse d’écoulement ce qui favorise la décantation des grains de sable tandis que les graisses moins denses ont tendance à flotter. Des surpresseurs d’air introduisent de la turbulence et un brassage ce qui favorise la séparation de la matière organique (huiles) de la matière minérale (sable) et la flottation.

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Le traitement primaire affine encore la séparation des solides en suspension, en ciblant les particules encore plus fines. Il repose sur le principe des décanteurs à lamelles : des plaques disposées parallèlement dans le bassin permettent d’augmenter la surface de décantation. Les lamelles sont disposées en oblique ce qui facilite le glissement des solides sédimentés glissent vers le fond du décanteur.

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Principe du décanteur à lamelles

On récupère des boues (les boues primaires) en sous verse, qui feront l’objet d’un traitement spécifique.
L’eau épurée poursuit son chemin vers le traitement biologique.

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Décantation primaire (décanteur à lamelles) d’Ovilléo

Le traitement biologique consiste mettre l’eau au contact de micro-organismes (bactéries) qui vont consommer la pollution dissoute (pollution organique azotée, carbonée et phosphorée ce qui explique en gros la DBO* et DCO**). De façon à optimiser les transformations chimiques, les bassins sont séparés en 3, avec dans chaque partie des conditions Réd-Ox différentes, des supports de nidification de façon à optimiser la nitrification, la dénitrification et la réduction d’autres espèces. C’est le procédé HybasTM développé par Veolia qui est ici l’oeuvre (développé dans la partie II).

**DCO : demande chimique en oxygène ou quantité d’oxygène consommée par toutes les matières réductrices.

*DBO : demande biochimique en oxygène, consommé par les micro-organismes pour dégrader les matières biodégradables.

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Bassins de traitement biologique de la station Ovilléo

Les produits issus du traitement biologique (mélange de solides et bactéries) sont des boues décantables appelées boues biologiques. Pour assurer la séparation avec l’eau épurée, les 6 clarificateurs (49 m de diamètre, toiture végétalisée) entrent en action.

Le principe est une décantation des matières en suspension. L’injection du mélange (eau+boues) se fait par le fond au centre du bassin : de plus forte densité, les solides gravitent et s’accumulent dans la partie basse du bassin (les boues sont donc épaissies) et l’eau claire est évacuée en surverse en se déversant dans une goulotte en périphérie puis dirigée vers le traitement tertiaire. Le temps de séjour est un paramètre important (suffisamment long pour permettre la décantation mais pas trop long).

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Le traitement tertiaire consiste en une filtration finale sur micro-tamis, de façon à retenir au maximum le phosphore particulaire des fines matières en suspension.

L’eau est épurée, conforme à ce qu’on attend (du moins tout est prévu pour), mais toutes ces opérations ont laissé place à une certaine quantité de boues… que le site va évidemment traiter et même bien mieux : valoriser.

La File Boues
L’objectif premier du traitement des boues est de réduire leur volume et leur teneur en eau (les deux paramètres sont liés) sachant qu’en amont, les boues contiennent à 98 % d’eau.
Différentes étapes interviennent :
– les boues sont biodégradées dans un digesteur (T°=35 °C et absence d’O2, production de biogaz),
– passage dans un réacteur de thermolyse selon le procédé Exelys™ de Veolia,
– deuxième fermentation dans un digesteur (temps de séjour plus court, production de biogaz),
– une centrifugation,
– un séchage sur tapis

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NB : Le procédé Exelys™ permet, par un apport de chaleur complémentaire via de la vapeur, de couper des liaisons interstitielles au sein des boues et de les rendre ainsi plus accessibles aux micro-organismes pour la seconde fermentation : cela optimise la production de biogaz tout en diminuant le volume final des boues.

En sortie de cette chaîne, les boues contiennent entre 2 et 10 % d’eau. Elles sont valorisées dans l’épandage agricole ou la cimenterie (en valorisation énergétique, en remplacement d’une partie du combustible fossile).
Les boues issues du traitement des eaux en cas de fortes pluies sont traitées à part : déshydratées et chaulées, elles sont acheminées vers un centre d’enfouissement ou en cimenterie.

circuit_boues

Le biogaz produit (60 % de CH4 avec CO2 et H2S) est stocké dans les gazoducs : il permet de couvrir environ 94% des besoins en énergie thermique du site (le complément est assuré par du gaz naturel).
Le biogaz alimente :
– des moteurs à cogénération (production d’électricité et de chaleur récupérée pour les besoins d’Exelys™),
– des chaudières pour les sécheurs,
– des chaudières pour le chauffage des bâtiments.
Le surplus est éliminé par torchère (1% de la production de Biogaz environ).

La seconde et 3e partie de cet article s’attacheront à expliciter les grandes lignes des deux procédés innovants ExelysTM et HybasTM  ainsi que l’aspect environnement, écologie et gestion de l’énergie du site.
Le 2e volet est ici.

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