La période des fêtes de Pâques s’achève déjà, et pour certains, ce fut la période des œufs ou autres joyeusetés chocolatières.
Mais savez-vous comment on obtient ces belles friandises ? Certes à partir des fèves de cacao, mais quel procédé, quelles réactions se cachent derrière la transformation ?
De l’arbre à la fève
Le fruit du cacaoyer (arbre originaire du Mexique et qui pousse naturellement en forêt tropicale) est la cabosse, un fruit charnu qui peut contenir jusqu’à 75 graines. Une cabosse peut peser jusqu’à 400 g pour 15 à 20 cm de long et fait étonnant, elle peut pousser directement sur le tronc de l’arbre !
La récolte des fruits est réalisée lorsque ces derniers sont matures (couleur jaune orangée) : cela produit deux fois par an.
La première étape consiste à fendre la cabosse pour extraire les fèves et la pulpe (cette opération est réalisée localement en utilisant un gourdin ou une machette).
Cette séparation est suivie d’une fermentation dont le but est d’éliminer la pulpe et de réduire l’amertume. Trois types de fermentations se succèdent :
– une fermentation alcoolique : les levures, introduites lors de l’éclatement des cabosses, transforment la pulpe en éthanol, (ce type de fermentation intervient également dans la première fermentation du moût de raisin),
– une fermentation lactique (l’alcool est transformé en acide lactique),
– une fermentation acétique qui est exothermique (donc produit de la chaleur) ce qui détruit le germe et conduit également à la scission des protéines en polypeptides (voire en acides aminés) et à la décomposition des glucides en sucres simples ; cette fermentation intervient également lors de la vinification (en quantité contrôlée sinon gare au vinaigre !).
L’ensemble de ces modifications réduit l’amertume en changeant la configuration de certaines molécules, et donne les éléments chimiques précurseurs, nécessaires à la future phase de torréfaction.
L’étape qui suit, est un séchage (à l’air libre) permettant de diminuer l’humidité de 60 à 7 %. Les graines sont alors régulièrement retournées pour optimiser l’opération qui s’accompagne d’un brunissement des graines.
Des fèves sont alors prêtes (avec la bonne humidité : pas de pourrissement en cours de route) à être expédiées partout dans le monde, vers les chocolateries.
Le chocolat noir
La première étape en chocolaterie est une phase de torréfaction. Il s’agit d’un grand four, constitué d’un tambour en rotation : le mouvement continu des grains permet d’éviter leur calcination. Le but est uniquement un apport de chaleur nécessaire aux réactions chimiques.
Les graines y séjournent une trentaine de minutes et la température y est de l’ordre de 140-160 °C. La chaleur permet encore une fois de libérer de nouveaux arômes tout en abaissant l’humidité de 7 à 2 %. Les réactions chimiques mises en jeu ici sont les réactions de Maillard, dont nous avions déjà parlé ici.
Le principe général est que sous l’action de la chaleur, les acides aminés (issus des protéines coupées) réagissent avec certains sucres et donnent naissance à des molécules aromatiques (le goût !). Ces réactions s’accompagnent également d’un brunissement caractéristique (comme celui de la croûte de pain). Les restes de micro-organismes sont par la même occasion, éliminés.
L’étape suivante consiste en un broyage :
– un broyage grossier
– un broyage plus fin à chaud (60°C) qui permet d’obtenir une pâte visqueuse : la pâte de cacao.
Cette pâte, montée à une température plus élevée (100 °C) devient alors liquide. Des opérations de pressage permettent alors d’extraire facilement la partie grasse : le beurre de cacao. Celui-ci peut alors être tempéré : ceci modifie sa forme cristalline et le rend plus stable.
Après extraction d’une grande proportion du beurre de cacao les fragments solides de la pâte de cacao, appelés « tourteaux » sont concassés : c’est la poudre de cacao.
Le chocolat noir résulte d’un délicat mélange entre pâte de cacao, beurre de cacao et sucre. Là encore, le chocolatier va ajuster la forme cristalline de la partie grasse par une opération de tempérage. Elle consiste à faire fondre le chocolat à une température bien précise (30-35 °C). Les différents types de cristaux qui constituent le beurre de cacao (on parle de polymorphisme cristallin) sont alors modifiés : certaines formes subsistent, d’autres disparaissent (fusion qui conduit à une état amorphe). Les formes favorisées sont celles qui vont assurer la conservation du chocolat, et son esthétique (brillant, uniforme et lisse).
Le chocolat au lait et le chocolat blanc
Différents ingrédients sont ajoutés pour modifier le goût du chocolat : lait en poudre (chocolat au lait), sucre, vanille (chocolat blanc) ce qui modifie la teneur en cacao. Il est également autorisé de remplacer le beurre de cacao en partie par d’autres graisses d’origine végétale.
Des vertus pour le chocolat ?
Pour terminer, j’aimerais préciser le nom scientifique du cacaoyer : Theobroma cacao. « Theobroma » vient du grec « Théo » (Dieu) et « Broma » (nourriture*) : la nourriture des Dieux.
NB : La bromatologie est l’étude des aliments, dont la gastronomie moléculaire fait partie.
Bref, avec une étymologie pareille, il y a fort à parier que les produits issus des fèves du cacao soient bourrés de vertus ! Il y a effectivement une molécule qui exerce de nombreux effets chez l’homme : la théobromine, une molécule proche de la caféine. Mais comme pour cette dernière, attention à la dose chez certains individus. Nous en reparlerons en détails dans un prochain article (voir ICI) !
Note : Cet article fait partie des sujets abordés, de façon romancée, dans mon livre « Le Monde et Nous »
Références
http://fr.wikipedia.org/wiki/Chocolat
http://fr.wikipedia.org/wiki/F%C3%A8ve_de_cacao
http://fr.wikipedia.org/wiki/Cacaoyer
http://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_la_culture_du_cacao
http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9action_de_Maillard
http://www.chocolaterie-caroline-d.be/fab%20hocolat.htm
7 comments for “De la cabosse au chocolat !”