Aujourd’hui, un message un peu particulier puisque je souhaite participer à ma façon à la journée spéciale « Fête de l’esprit critique », mouvement initié par les membres des Skeptics in the Pub francophones, des initiatives locales pour la diffusion de l’esprit critique et des événements associés.
Alors que vous dire ?
Je dois d’abord confesser que je n’ai pas toujours été sceptique, ce qui ne veut pas dire que je gobais n’importe quoi car j’ai toujours plus ou moins eu ce sentiment de mal-être indéfinissable qui s’emparait de moi lorsque, assez jeune, j’entendais parler par exemple d’horoscope ou de techniques d’imposition des mains pour soulager la douleur ! Cependant, je n’étais pas sceptique dans le sens où je ne doutais pas autant que maintenant. J’étais même à 100.000 lieues de me rendre compte de l’existence de tous les biais de nos propres raisonnements et des manipulations dont on pouvait faire l’objet par le simple choix des mots ou de certaines tournures de phrases, du choix même des notions présentées par un auteur de publication (je ne parle pas de publications scientifiques, les vraies).
Puis j’ai démarré ma thèse après une école d’ingénieur où on ne nous avait pas du tout sensibilisés à l’esprit critique. Il faut dire qu’à cette époque (pas si lointaine, mais avant les années 2000…) nous n’en étions qu’aux balbutiements d’Internet et donc l’information circulait plus lentement et il y en avait moins… Donc les fake news n’avaient pas la gloire qu’on leur connait de nos jours.
Revers de la médaille, quand on vous balançait des théories fumeuses, telles que celles sur l’homéopathie par exemple, on n’avait pas beaucoup de moyens pour aller chercher des études à grande échelle avec des essais randomisés en double aveugle.
Bref, quand je suis arrivée en thèse, j’ai fait pas mal de bibliographie pour creuser et cerner mon sujet…ça a duré un très long moment (au moins 6 mois). C’est chouette parce qu’on a le temps de les étudier en long en large et en travers tes fameuses publications (qu’il fallait commander par la poste pour la plupart), de voir qu’elles ne se valent pas toutes d’un point de vue qualité de l’information et qu’on peut vite raconter n’importe quoi si on ne choisit que certaines d’entre elles pour en tirer une synthèse… Il est effectivement parfois un peu tentant de faire du « cherry picking », cette pratique qui consiste à ne sélectionner que certaines publications scientifiques et de ne pas tenir compte des autres, parce que les résultats « ne collent pas » avec ce, à quoi on s’attend !
Et puis, sont venus plusieurs mois de manipulations sur un banc d’essai et là, aussi, il a fallu apprendre à réaliser des essais fiables, reproductibles, prendre soin de ne faire varier qu’un seul paramètre à la fois pour obtenir des conclusions fiables, faire attention à faire des prélèvements iso-cinétiques dans une conduite sinon l’échantillon prélevé risque de ne pas être représentatif de ce qui se passe dans la veine, puis ensuite sonne l’heure de traiter les données de façon efficace et fiable…
Bref, petit à petit, les idées se mettent en place, et on apprend à raisonner « juste » et à se méfier d’un résultat obtenu trop vite ! Il faut refaire, pour être sûr, tester d’autres configurations pour remettre en question un résultat avant d’enfin pouvoir crier victoire !
C’est une belle école, mais ce n’est pourtant pas toujours suffisant pour pouvoir parer à toute éventualité, toute croyance douteuse qui se profile à l’horizon, chez vos amis par exemple (surtout lorsque persuadés de détenir LA vérité, ils essaient de vous convaincre !).
Certaines personnes ont une solide formation de scientifique et ne parviennent pas à rester sceptique et à adopter la pensée critique en dehors de leur domaine d’expertise !
Et puis d’autres personnes n’ont pas de formation scientifique et ont une pensée tout à fait raisonnable et raisonnée face aux informations qui leur parviennent. Ils fréquentent les bons milieux, ou tout simplement l’environnement culturel dans lequel ils ont grandi ont développé une approche plus nuancée…
Alors pour éviter de se laisser embarquer, comprendre comment se méfier de ses propres biais cognitifs, apprendre à déconstruire une croyance, ou voir les sophismes, les erreurs de raisonnements dans une publication ou dans un discours, ce qui m’a bien aidée, ce sont deux ouvrages (il y en a d’autres, mais ceux-là sont pour moi les références).
Le premier est le « petit cours d’autodéfense intellectuelle » de Normand Baillargeon (avec des illustrations de Charb). L’auteur explique qu’il se sent très consterné par la dérive de la pensée et de la rationalité dans de nombreux milieux y compris ceux de la vie académique et la montée en puissance des média dont le traitement de l’information n’est pas toujours des plus rigoureux ! Il y détaille par de nombreux exemples les méthodes mises en oeuvre via le langage ou les raisonnements afin de chercher à faire adhérer à une idée par le public ou le lecteur.
On passe en revue tous les biais possibles qu’il est possible de repérer pour ne pas se laisser berner ! Un petit passage du côté des mathématiques car nous ne sommes généralement pas très forts en statistiques ni en probabilités. Une dernière partie est consacrée au traitement de l’information issue de l’expérience personnelle, des sciences expérimentales, des médias.
Le second ouvrage « La démocratie des crédules » de Gérald Bronner est paru en 2013, aux Editions PUF. On y décortique aussi pas mal de biais et le rôle clé d’Internet pour diffuser des idées douteuses et comment elles prennent le dessus ! Passionnant !
Voilà, en un mot, je vous conseille ces deux ouvrages… On progresse chaque jour dans la voie du scepticisme et de la pensée critique ! C’est chouette, ça n’empêche pas encore quelques petites erreurs de parcours !
Bonne découverte.
N’oubliez pas d’aller lire mon billet sur cette même thématique écrit en collaboration avec Gilles sur KidiScience.
2 comments for “Rester vigilant face à l’information !”