la sécheresse et ses conséquences : comment les étudier ?

Il y a quelques jours, c’était la journée de la Terre, le 22 avril dernier. L’une des menaces pour les années à venir, face au changement climatique, est la sécheresse. Que sait-on du phénomène ? Quels sont les facteurs jouant un rôle sur ses effets notamment sur les arbres, les forêts ? A quoi peut-on s’attendre ? Il y a beaucoup d’interrogations.

Cette semaine encore, je vous propose une petite revue de presse du dernier numéro de Science (sorti le 17 avril 2020) un numéro spécial dédié à la sécheresse. Que sait-on ? Comment l’étudie-t-on ? Quelles inquiétudes ?

Ce que nous disent les cernes des arbres
Les cernes des arbres, ces cercles concentriques sur la section transversale du tronc, on le sait, servent à déterminer leur âge. Mais savez-vous qu’on peut y lire bien plus que cela ?
C’est l’objet du livre de Valérie Trouet « Tree Story : The History of the World Written in Rings  » sorti de presse, il y a à peine quelques jours. Dans ce numéro de Science, Lori Daniels nous en fait une alléchante présentation.
Valérie est dendroclimatologue : elle étudie le climat passé à partir des cernes des arbres.

La largeur des cernes est liée, selon le milieu, aux phénomènes de sécheresse, aux températures. Ce sont les principaux facteurs et il semble assez intuitif de se dire que la croissance d’un arbre n’est pas optimale s’il a manqué d’eau par exemple : il produit moins de matière. Mais d’autres phénomènes aux interactions beaucoup plus complexes entrent en jeu  et nécessitent d’y regarder d’un peu plus près pour dénouer les liens en croisant les données avec d’autres disciplines. On remonte ainsi au climat du passé et à l’histoire d’un environnement.

Cernes d’un noisetier

Ainsi, l’étude de très vieux arbres couplée à des données sur des phénomènes particuliers du monde marin (observations sur les coraux par exemple) ou des informations issues des glaciologues, a permis d’enrichir les connaissances sur les liens entre océan et climat.
Ce type d’approche permet aussi d’apprécier l’impact des phénomènes naturels tels que des éruptions volcaniques sur l’évolution des températures.
Ainsi dans cet ouvrage, l’auteur parvient à débunker les arguments des climato-sceptiques et montre comment la dendroclimatologie permet de discriminer les différents phénomènes (naturels de ceux induits par l’Homme).

Impact de la teneur en  CO2 sur le comportement des plantes
Un certain nombre d’études cherchent à comprendre comme la végétation peut réagir à une augmentation de la teneur en CO2, notamment comment ce gaz peut jouer sur l’efficacité avec laquelle un végétal absorbe l’eau, et sur le phénomène d’évapotranspiration. En effet, avec une augmentation du CO2, les plantes ont une meilleure utilisation de l’eau disponible : ainsi, il convient d’ajuster au mieux les modèles, qui jusqu’ici ne tenaient compte que des risques liés à l’augmentation de l’aridité sans intégrer ce phénomène de meilleure efficacité d’utilisation de l’eau.
Ainsi, les observations et les expériences prouvent bien qu’une teneur en CO2 plus élevée augmente la résilience via une utilisation de l’eau plus efficace, mais l’augmentation de la température accroît l’évapotranspiration… Quel effet l’emporte sur l’autre ? Voilà toute la complexité de la chose. Cette question fait l’objet des recherches actuelles.

Comment des plantes peuvent-elles s’adapter à la sécheresse ?
Un article particulièrement intéressant met en lumière la physiologie des plantes et les stratégies mises en oeuvre pour s’adapter aux périodes sèches afin d’empêcher les pertes d’eau, de maintenir la teneur en eau au sein de leurs cellules, d’assurer l’apport de ce précieux liquide aux organes vitaux.
Face à la sécheresse, les végétaux peuvent :
– accélérer leur cycle de développement ce qui évite de se retrouver dans une phase où le déficit en eau est particulièrement délétère,
– augmenter la quantité d’eau interne,
– supporter ce manque d’eau (en limitant les effets négatifs).

Evidemment, tout cela va dépendre de l’intensité et durée de l’épisode de sécheresse, du gradient d’humidité au sein du sol, de l’espèce végétale, de l’étape de développement.
Les chercheurs s’intéressent aux mécanismes de résistance développés par certaines plantes.
Certains d’entre eux ont été identifiés :
–  Au niveau cellulaire par exemple, les signaux de sécheresse favorisent la production de métabolites qui protègent la plante du stress (des enzymes empêchent les dégâts cellulaires),
– Au niveau des racines, on observe des modifications morphologiques permettant d’améliorer les capacités d’absorber l’eau : avec des racines plus profondes ou plus étalées en surface,
– La fermeture des stomates (les pores à la surface des feuilles qui s’ouvrent ou se ferment selon la turgescence des tissus alentours) pour éviter la perte d’eau est régulée par une hormone (objet de certaines études),
– Le développement du système vasculaire de la plante qui  permet l’échange d’informations entre les racines et les jeunes pousses affecte la résistance à la sécheresse.

Les plantes sont sensibles à la sécheresse par leurs racines : des cellules particulières impliquant par exemple des cellules souches (en bleu) s’activent pour permettre une meilleure résilience [A]. Les racines modifient par exemple leur architecture [C] pour capter au mieux soit l’humidité superficielle maximize access to superficial humidity soit celle des couches plus profondes.

En comprenant au mieux tous ces aspects, et en se focalisant sur les traits génétiques qui y sont liés, les végétaux les plus résistants à la sécheresse pourraient être sélectionnés.

Références :

Lori Daniels, « What tree rings can tell us », Science, 17 Apr 2020:
Vol. 368, Issue 6488, pp. 256-260

Trevor F. Keenan, « Ecosystem aridity and atmospheric CO2, Science, 17 Apr 2020: Vol. 368, Issue 6488,  pp. 251-252

Gupta A. et al., « The physiology of plant responses to drought », Science 17 Apr 2020: Vol. 368, Issue 6488, pp. 266-269

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