La banquise fond et s’amenuise d’années en années. Sa surface diminue d’environ 10 % tous les dix ans sous les effets du réchauffement de la planète. Le processus s’accélère au-delà même de tous les calculs et modèles permettant d’évaluer l’évolution du climat (environ 4 fois plus vite que ce que donnent les prédictions). Pourquoi cette accélération fulgurante ? Quels sont les paramètres prépondérants sur la fonte de la glace polaire ?
Un article y est consacré dans le dernier numéro du magazine « La Recherche » (N°481) : « Pourquoi la banquise disparaît plus vite que prévu ».
Tout d’abord une petite mise au point
Différence entre banquise et Icerberg
La banquise est de l’eau de mer glacée, sous l’effet de températures très basses (la glace apparaît bien en dessous de 0°C, le sel venant « perturber » la mise en place du réseau cristallin).
Un icerbeg est de la glace d’eau douce, tel qu’un glacier de montagne qui est retourné à la mer
Ce que disent les études de la banquise
La banquise est étudiée par les scientifiques par différents moyens : des stations dérivantes (sur la glace), des balises et les satellites. Ces moyens permettent de confronter la réalité aux données fournies par les modèles. Or, on constate un fort décalage entre simulation et mesures de terrain. Pourquoi ?
Comment disparaît la banquise ?
L’une des explications les plus fréquemment rencontrées de la fonte de la banquise est l’absorption de chaleur plus importante au pôle, conséquence du réchauffement climatique.
L’augmentation des températures à la surface de la terre a inévitablement comme effet de provoquer la fonte de la glace. Or, celle-ci de couleur blanche, réfléchit une bonne part du rayonnement solaire. C’est ce qu’on appelle l’albédo. La disparition de la glace, diminue donc l’albédo : une part plus importante du rayonnement solaire est absorbé, le réchauffement et la fonte sont accentués. La disparition progressive de la banquise a des conséquences qui alimentent sa cause : c’est ce qu’on appelle une boucle de rétroaction positive.
On pensait avoir tout compris avec cette première boucle qui rend compte d’un emballement de la situation mais ce n’est pas suffisant.
D’autres explications jusqu’ici négligées
* Des propriétés mécaniques modifiées
Le phénomène d’albédo est lié au comportement de la surface de la glace (capacité à réfléchir les rayons lumineux). Mais comme souvent en science, toutes les propriétés physico-chimiques sont à considérer.
La glace qui fond va voir ses propriétés mécaniques modifiées. En effet, de plus faible épaisseur, elle est plus fragile : elle va donc se déformer plus aisément, se fissurer sous l’effet de contraintes (telles que le vent) et se fragmenter : la surface d’eau, libre de glace, augmente. L’albédo diminue, ce qui accélère le réchauffement et la fonte : c’est la 2e boucle de rétroaction positive. Mais ce n’est pas encore tout.
Le phénomène de dérive
La glace flotte sur l’eau … C’est un fait. Nous en avions déjà parlé sur ce blog il y a quelques années …ici pour rappel. La raison en est simple : la présence de liaisons hydrogène rigides qui écartent les molécules d’eau les unes des autres à l’état solide, conduit à une moindre densité de la glace.
La glace qui flotte sur l’eau se trouve donc à l’interface avec l’eau liquide sous-jacente et l’atmosphère sus-jacente. Entraînée par les courants marins, et les vents plus ou moins violents (voire les marées le long des côtes), la glace va glisser et dériver sur l’eau. Cette dérive (d’autant plus marquée que les morceaux de glaces sont fragmentés) peut amener les plaques hors de la zone polaire (vers l’Atlantique par ex) ce qui accélère la fonte.
Encore une fois, ce processus conduit à une diminution de l’aldébo et donc une accélération du réchauffement. C’est la 3e boucle de rétroaction positive
La salinité
Enfin, l’effet de la salinité joue également un rôle. Dès que la fonte est amorcée, il se forme « des mares » à la surface de la banquise, qui absorbent intensément l’énergie solaire et qui sont concentrées en sel (le sel reste présent sous forme de cellules de saumure entre les cristaux de glace) ce qui accélère la fonte.
Ces effets « boule de neige » n’ont jusqu’alors pas été pris en compte dans les modèles pour la simple raison qu’ils sont très aléatoires, avec des paramètres très fluctuants (caprices des vents, courants qui changent, dynamique des glaces, incertitude sur la salinité) et en très forte interaction* les uns sur les autres. Bref, leur modélisation n’est pas évidente.
* par exemple la salinité joue sur la solidité de la glace, sur la plongée des eaux en profondeur donc sur les courants et sur les phénomènes de fragmentation et dérive.
Pourquoi l’hiver polaire ne suffit pas
La dynamique du processus fait que le regel hivernal ne parvient pas à compenser tous les effets conjugués que nous avons présentés.
En effet, aux débuts de l’hiver, même si la congélation de l’eau superficielle plus douce est facilitée (par rapport à l’eau plus salée située plus en profondeur), la dynamique s’essouffle vite car la couche de glace formée « isole » l’eau sous-jacente. L’épaississement est lent et ralentit au fur et à mesure du temps.
Les effets de la fonte de la banquise
Contrairement à la fonte des glaciers montagneux, aucun effet sur le niveau des mers (principe d’Archimède) n’est à noter.
Mais l’océan se réchauffe ce qui modifie ses interactions avec l’atmosphère donc le climat. Le flux de chaleur océan (libre de glace) vers l’atmosphère est environ 100 fois plus élevé que lorsqu’il est couvert de glace.
Il y a également modification de la salinité et donc de la circulation thermohaline (redistribution de la chaleur sur tout le globe)
Néanmoins, de grosses incertitudes demeurent sur l’aspect quantitatif de ces phénomènes.
Pour en savoir plus :
La recherche N°481, Novembre 2013, par P. Rampal et J. Weiss, p 54-57
– http://www.cnrs.fr/cw/dossiers/dospoles/alternative13.html
– http://fr.wikipedia.org/wiki/Climat_polaire
– http://fr.wikipedia.org/wiki/Circulation_thermohaline
– http://www.nasa.gov/centers/goddard/news/topstory/2005/arcticice_decline.html
4 comments for “Quand la banquise flotte, dérive et fond !”