Musée de l’Institut Pasteur de Lille : un petit musée plein d’histoire, d’instruments, d’échantillons et de documents originaux. Deux blogueuses et un article à quatre mains.
Souvenez-vous, il y a quelques semaines, je vous parlais de Louis Pasteur, dont j’ai découvert la vie passionnante et passionnée grâce à l’ouvrage dédié à Pasteur d’Erik Orsenna. Oui, mais voilà, j’ai souhaité en savoir plus et tout naturellement, je me suis dit que la meilleure façon de connaître un homme de sciences aussi illustre était de visiter un musée qui lui était consacré.
Nous étions deux contributrices du Café des Sciences : Ludmilla Science était à mes côtés au musée de l’institut Pasteur de Lille (fondé en 1973). Il retrace l’histoire de l’Institut, la vie et les travaux de Pasteur mais aussi ceux d’Albert Calmette et Camille Guérin. Nous avons rencontré Monsieur Duriez, ancien technicien de laboratoire de l’Institut Pasteur, et nous avons bu les paroles de notre hôte : Histoire, anecdotes, et résultats scientifiques sont évoqués avec une passion sincère.
Si ce n’est pas déjà fait, je vous suggère de commencer votre visite virtuelle par la lecture de l’article de Ludmilla (ICI) qui vous présente une vue d’ensemble du musée et vous explique son approche « médiation ».
En ce qui me concerne, j’ai choisi d’évoquer quelques informations de la vie et de la recherche de Pasteur qui m’ont surprise et marquée… Alors vous me suivez ? Ces travaux, vous ne les connaissez peut-être pas.
Une âme d’artiste
Saviez-vous que Pasteur dans sa jeunesse se passionnait pour le dessin et tout particulièrement le pastel ? Les résultats sont assez bluffants. On peut donc admirer au musée Pasteur de Lille quelques unes de ses œuvres dont celle-ci qu’il a réalisée à l’âge de 20 ans (portrait de son père avec qui il entretenait une relation attachante).
Dommage qu’il n’ait pas continué… Ceci dit, grand bien lui en prit car cela lui a permis de s’intéresser à d’autres domaines pour le plus grand bien de l’humanité.
Autour du vin
L’un de ses premiers sujets de réflexion est lié à la lumière du moins à l’effet de la lumière sur certaines molécules. Bref, ses travaux démarrent, à l’âge de 22 ans (alors qu’il étudiait la chimie à l’ENS) sur des cristaux issus de l’acide tartrique, qui comme son nom l’indique se trouve au sein du tartre, dépôt blanchâtre à l’intérieur des tonneaux de vin ou sur des bouchons de bouteilles (les viticulteurs cherchent à l’éviter à tout prix car au sein du vin, il affecte sérieusemebt son goût).
Petite note entre parenthèses
L’acide tartrique est un des principaux acides présent dans le vin : il s’associe avec le potassium ou le calcium ce qui donne normalement un composé soluble. Selon les conditions de température, la teneur en alcool, la limite de solubilité peut être dépassée et des cristaux apparaissent (nucléation) et grossissent (croissance) : ce sont les tartrates. Les producteurs de vin, de nos jours, contrôlent très bien ce phénomène.
Voici à quoi ressemblent les cristaux pour l’observateur lambda (ie non muni de microscope).
Et enfin, la molécule d’acide tartrique de formule brute (C4H6O6)
Le rôle clé de Pasteur
Pasteur découvre alors que certains cristaux de tartrates issues de la production vinicole dévient la lumière polarisée alors que d’autres échantillons, pourtant de même nature chimique ne la dévient pas. Les observations au microscope ne permettent cependant pas, dans un premier temps, de distinguer les différences entre les deux types de cristaux. Voilà, un bien grand mystère sur lequel butent de nombreux scientifiques.
Mais Louis Pasteur ne ménage pas sa peine et son énergie. Il observe, compare, vérifie puis valide son hypothèse. Deux composés de même nature chimique peuvent cristalliser de façon légèrement différente selon la façon dont les atomes s’orientent dans l’espace : c’est le cas lorsque la molécule est asymétrique ; la distribution spatiale des atomes joue un rôle énorme. Lorsque les composés cristallisent, il en résulte que certaines facettes des cristaux sont inclinées dans une direction ou dans une autre. Et cela a un impact important.
La preuve : le cristal parvient selon la position des atomes, à dévier la lumière polarisée dans un sens ou dans un autre et dans certains cas aussi, il n’y a pas d’effet.
Dans le cas des cristaux étudiés par Pasteur, il s’agit de tartrates (optiquement actifs) et de paratartrates (optiquement inactifs) et on comprend la présence de différents arrangements spaciaux étant donnée la configuration asymétrique de la molécule d’acide tartrique. Selon le niveau de température à laquelle elles sont soumises, les solutions cristallisent en une forme cristalline (les tartrates) ou en une autre (en toute rigueur dans ce 2e cas, c’est plutôt un mélange des deux). Ainsi les cristaux de paratartrates n’apparaissent que lorsque la température est suffisamment élevée : seuls, ils sont néanmoins difficiles à synthétiser.
Ces travaux constituent véritablement le point de départ d’un nouveau domaine d’études : la stéréochimie.
le début des travaux en microbiologie
Alors Pasteur a percé le secret subtil des cristaux, grâce à son travail acharné, l’oeil rivé sur son microscope. Il est persuadé que la dissymétrie des molécules telle qu’il l’a mise en évidence pour les tartratres / paratartrates, est une des caractéristiques des organismes vivants. Oui, mais il veut aller plus loin. Et il cherche à élucider les problèmes pratiques des industriels en région Nord – Pas-de-Calais. Les cuves de distillerie de betterave par exemple, sentent parfois étrangement mauvais. Le vin, le produit phare de sa région maternelle, est parfois, de façon à priori aléatoire, de qualité très médiocre (un vin acide). Pourquoi ? C’est ainsi qu’il va alors s’intéresser à la fermentation des sucres en alcool mais aussi la fermentation lactique, acétique…
Grâce à son microscope et un travail acharné, il montre que chaque type de fermentation est le fruit du travail de minuscules êtres vivants : des levures ou des bactéries, un type particulier, pour chaque support. Riche de ces connaissances, il élabore alors différents protocoles pour éviter la contamination et le développement microbien. Les produits sont sauvés (betterave, vin, bière) et l’économie qui en découle.
Mais surtout, un deuxième domaine scientifique à l’initiative de Pasteur est né : la microbiologie.
Et la suite ?
Il y aurait encore tant à dire… Citons les travaux pour contrer la théorie de la génération spontanée, pour comprendre les causes des maladies qui déciment l’élevage de vers à soie, des volailles, des moutons, des vaches… les premiers pas de la vaccination… Les nombreux instituts Pasteur, à travers le monde, continuent l’oeuvre de Pasteur.
Nous remercions chaleureusement Mr Duriez ainsi que Ségolène Binet et Carole Leclercq du Service Communication de l’Institut Pasteur qui nous ont accueillies dans leur univers.
N’oubliez pas la partie I de l’article, dédié au musée Pasteur.
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