10 choses insolites sur les araignées

Récemment à la MRES de Lille (Maison Régionale de l’Environnement et des Solidarités regroupant une centaine d’associations), une conférence (en deux parties) sur le thème du Monde des araignées, était organisée par le GON (Groupe ornithologique et naturaliste du Nord – Pas-de-Calais). Le GON a pour but d’améliorer la connaissance régionale sur les insectes, araignées, oiseaux et leurs habitats, et de participer à leur sauvegarde.
Cette rencontre avec Sylvain Lecigne, auteur de l’atlas* préliminaire des araignées du Nord – Pas-de-Calais, animateur de la centrale araignées du GON et intervenant à l’université catholique de Lille a permis de découvrir moultes caractéristiques (morphologies, aspect), modes de vie, habitudes et autres informations parfois insolites sur le monde des araignées. Le but était également de sensibiliser le public sur la nécessité d’observer les araignées, et de diffuser ces données au niveau du SIRF (Système d’information régional sur la Faune).

Je n’ai pas la prétention de synthétiser toutes les informations qui nous ont été communiquées, tant ce fut dense… je souhaite juste faire ici un petit focus sur des espèces, des caractéristiques, des comportements qui m’ont paru originaux voire surprenants et qui méritent d’être connus du plus grand nombre.

* pour plus d’informations sur l’atlas, prendre contact avec le GON

1- De jolies petites arachnides ?
Les arachnides est un groupe qui comprend aussi les scorpions et les acariens donc a priori, tout cela ne nous évoque pas des images d’animaux esthétiquement remarquables. Détrompez-vous. Revenons à nos jolies amies, parfois riches en couleurs. Vous en doutez ? Evidemment, il ne faut pas se focaliser sur les araignées noires, brunes ou grises qu’on trouve dans nos arbustes ou nos maisons (en règle générale) ! Celles-là en général ne sont pas spécialement admirées par la plupart des humains.
Mais voici quelques exemples bien choisis.
Avez-vous déjà entendu parler de l’araignée paon (Maratus volans) de la famille des Salticidés ou araignées sauteuses? Elle a de jolies couleurs, mais on la rencontre surtout sur le continent australien.

Araignée paon mâle en parade nuptiale (crédit Jurgen Otto) CC BY-SA 2.0

Ou encore l’Erèse coccinelle ? Eresus kollari

Eresus kollari par RuB (Ruddy BENEZET) — Travail perso

Et puis quant aux formes, je ne résiste pas à regarder du côté des planches de Haeckel, un biologiste dont les dessins ont sublimé la Nature, on en parlait dans un précédent post

Les araignées possèdent 4 paires de pattes et un corps en deux parties (le céphalothorax et l’abdomen) –                                      Planche d’Arachnides E. Haeckel

2- Les organes reproducteurs mâles ressemblent à des gants de boxe
Les araignées possèdent des pédipalpes (des « pattes-mâchoires » correspondant aux mandibules des insectes) qui sortent du prosoma (partie antérieure) et permettent la préhension. Chez le mâle, ces pédipalpes sont équipés de protubérances qui font penser à des gants de boxe : ils abritent en fait les organes reproducteurs (bien que la réserve de spermatozoïdes se trouve au niveau de l’abdomen, sans aucune communication avec « les gants de boxe »).

Alors, comment cela se passe-t-il ? Et bien, pour assurer le lien entre le lieu de production et l’organe reproducteur, le mâle dépose son sperme sur une toile dédiée à cet effet (la toile spermatique) puis il vient aspirer le fluide avec ses pédipalpes qu’il stocke dans les « gants de boxe ». Le voilà prêt à trouver compagne et assurer la descendance.

3- L’envol au bout d’un fil ?
Saviez-vous que le mode de dispersion principal de l’araignée est le vent ? Comment s’y prend-elle pour parcourir plusieurs centaines de mètres ? Cette pratique concerne surtout les tous jeunes individus ainsi que des adultes de petite taille.
L’abdomen levé face au vent, sur la pointe des pattes, l’araignée laisse agir les courants d’air qui dévident le fil et déclenchent l’envol lorsque la force exercée par le vent devient suffisante. On appelle ce phénomène « ballooning » ou « kitting » en anglais qui traduit bien l’idée de voyage dans les airs…
J’ai cherché une vidéo pour bien comprendre. En voici une sous la forme d’un modèle, mais l’idée est là.

4- Des mères dévouées jusqu’à la mort
Nous avons parlé aussi « maternité » (un sujet qui m’est cher…). Pas déçue du voyage car imaginez-vous que certaines espèces d’araignée ont un comportement maternel assez époustouflant. C’est le cas l’espèce terricole, « Coelotes terrestris  » : la mère après la ponte, reste à proximité des petits et les nourrit avec des proies qu’elle régurgite. Parfois, cela va bien plus loin puisque si elle meurt : la descendance en profite pour finir les restes… Gloups !

Les petits (Coelotes terrestris) se nourrissent de la dépouille de maman Dessin Valentin Baugé

5- Des araignées végétariennes ?
On les croit toutes insectivores et même de redoutables prédateurs mais certaines espèces ont été observées en train de consommer quelque grain de pollen, ou encore du nectar, de l’exsudat, des graines, de la sève… Une étude récente a dressé le bilan de ce type de comportement [1].

6- Et si on coinçait la bulle ?

Encore un comportement vraiment particulier et insolite : il existe une espèce d’araignée qui vit entièrement sous  l’eau, bien qu’elle ne puisse respirer en milieu aquatique. Comment fait-elle ? L’argyronète (Argyroneta aquatica) se débrouille pour respirer en installant une bulle d’air sous l’eau. Cette réserve est alors coincée grâce à une toile accrochée à des plantes aquatiques. Pour gonfler la bulle, l’araignée fait des allers-retours entre la surface et son repère immergé : elle puise alors de l’air qu’elle coince entre ses poils pendant le voyage sous l’eau.

7- Des vérins dans les pattes ?
Certaines espèces d’araignées réalisent des bonds impressionnants : celles de la famille des Salticidae ou araignées saltiques ! Elles possèdent une vue exceptionnelle (vision à 360 ° grâce à leurs 8 yeux) ce qui leur permet de chasser à vue et de parfaitement connaître les détails de leur environnement. Mais la performance des sauts qu’elles réalisent, est liée à un système hydraulique niché dans leurs pattes arrières. L’araignée qui décide de sauter met rapidement sous pression l’hémolymphe (l’équivalent du sang) qui se comporte comme un fluide hydraulique dans un vérin et donne la détente des pattes nécessaire  pour la propulsion (pour en savoir plus, voir ICI). Le contrôle-commande est opéré par le céphalothorax. Certaines équipes d’ingénierie se sont d’ailleurs inspirées de ce  mécanisme pour concevoir des systèmes hydrauliques intégrés à des robots.

8- Passées maîtres en matière de camouflage ?
On reste dans le domaine des araignées sauteuses mais ici avec des espèces, qui, pour mieux échapper à des prédateurs -quoi que, pas tous- présentent la morphologie (et le comportement) de fourmis. Ce sont des espèces myrmécomorphes (plusieurs centaines, tout de même). Les pattes avant sont cependant en surnombre par rapport à une fourmi : elles sont alors agitées par les araignées pour simuler des antennes.
Le mimétisme est aussi parfois utilisé pour mieux attirer de « vraies » fourmis qu’elles consomment.

9 Des organes ultra-sensibles aux vibrations
Les araignées sont très fortes pour repérer les vibrations, normal quand on cherche à repérer rapidement et efficacement une proie… Cette grande sensibilité est due à la fois à la présence de poils spéciaux (les soies fines appelées trichobothries) et l’existence d’organes lyriformes.

Trichobotries (1) et poil tactile (2) Source

Les organes lyriformes sont situés sur les pattes et les chélicères (mâchoires de l’araignée servant à mordre): il s’agit de petites rainures plus ou moins parallèles forgées dans la cuticule (entre 8 to 200 µm en longueur et 1–2 µm de largeur) et reliés à des neurones sensitifs. Ils permettent à l’araignée de mieux ressentir sa position et son environnement, mais aussi les vibrations extérieures avec une grande sensitivité.

Aspect d’un organe lyriforme sur une patte d’araignée Source

10- Une aide précieuse pour des applications médicales
J’avais déjà un peu évoqué le sujet de l’utilisation du fil de soie d’araignée à des fins médicales dans un précédent article, mais de récentes publications scientifiques montrent que les recherches dans ce domaine vont bon train et ont permis de belles avancées [3].

Le fil de soie d’araignée associe résistance et élasticité. Il présente également une incroyable biocompatibilité, c’est pourquoi c’est un excellent matériau pour des applications dans le domaine médical (fils de sutures en chirurgie ou renforts de ligaments). Pour obtenir en bonne quantité du fil à ces fins, c’est plus difficile : la voie actuelle consiste à produire des protéines recombinantes à partir de différents organismes tels que les bactéries E. coli : un gène permettant de synthétiser une protéine intéressante est introduite dans le génome de l’espèce productrice). Ainsi, les recherches en cours sont axées sur une version courte de protéine de soie d’araignée, appelée « 4RepCT ». Cette dernière est capable de former de la fibre de soie. Des greffages chimiques peuvent même être introduits et générer de nouvelles propriétés (notamment antibiotiques).
Des recherches concernent aussi la possibilité de délivrer un médicament vers une cible précise en imbriquant les molécules thérapeutiques dans un matériau polymère sous forme de film à base de fibres de soie d’araignée [4].

Bref, en un mot, ces bestioles sont fascinantes.

Abonnement à la page le Monde et Nous ICI

Références
1- Martin Nyffeler, Eric J. Olson, and William O.C. Symondson, « Plant-eating by spiders », Journal of Arachnology 44(1):15-27. 2016

2- Erko M et al., « Microand nano-structural details of a spider’s filter for substrate vibrations: relevance for low-frequency signal transmission », J. R. Soc. Interface 12: 20141111, 2015

3- Harvey D. et al., « Antibiotic Spider Silk: Site-Specific Functionalization of Recombinant Spider Silk Using “Click” Chemistry », Advanced Material. 2017, 1604245

4- Hardy JG. et al., « Engineered spider silk protein-based composites for drug delivery. », Macromolecular Bioscience, 13(10), 2013

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.