Étant née assez loin du lieu de culture des oliviers, j’ai longtemps (très longtemps) cru que les olives vertes et noires étaient issues de deux arbres différents. En fait, il n’en est rien et la différence de couleur s’explique uniquement…
Catégorie : Nature
Réserves d’eau en plein désert : un petit verre de brouillard ?
Le Scarabée du Désert « Stenocara » (famille des coléoptères) a plus d’un tour dans son sac pour se désaltérer. Cette charmante bête vit en plein désert de Namibie, sur la côte sud-ouest de l’Afrique : une région très sèche (peu de précipitations), avec de hautes températures, de forts vents mais aussi un brouillard matinal qui provient de l’océan Atlantique (pouvant atteindre 100 km d’étendue à l’intérieur des terres, et ce entre 60 et 200 jours par an). Or il s’avère que ce soit la seule ressource en eau, disponible dans cette région aride.
Oui mais comment collecter efficacement ces minuscules gouttes d’eau en suspension dans l’air ?
L’insecte mais aussi certaines herbes de dunes (« stipagrostis sabulicola ») ont réussi l’exploit de tirer bénéfice du brouillard pour satisfaire leurs besoins en eau. Quel est donc ce secret, qui atteste d’une parfaite adaptation à un environnement pour le moins extrême.
L’adaptation du scarabée « Stenocara »
Son secret vient à la fois de ses caractéristiques physiques et de son comportement en cas de brouillard.
Ses élytres, sont constituées d’une série de micro-rainures (distantes de 0.5 à 1.5 mm) et de micro-bosses (diamètre compris entre 100 et 500 µm). Ce relief particulier induit des propriétés physico-chimiques différentes, qui combinées, permettent de piéger les minuscules gouttelettes d’eau en suspension dans l’air (tel que le brouillard du petit matin). D’un point de vue comportemental, l’animal grimpe au sommet d’une dune de sable (le brouillard y est plus dense), et se met en position adéquate : l’arrière train en l’air et en « plein vent ». Les paramètres qui déclenchent ce comportement sont la température et la présence de brouillard.
Lorsque les gouttes de brouillard (1 à 40 µm de diamètre), sous l’effet du vent, percutent le sommet d’une bosse sur le dos du scarabée : elles s’accrochent car sa surface est hydrophile (nature chimique telle qu’ il y a une bonne affinité : donc l’association eau-surface est favorable).
Au fur et à mesure que les gouttes adhèrent, elles coalescent (elles fusionnent) et forment ainsi une plus grosse goutte qui finit par être très lourde. Le poids l’emporte sur les forces de d’attraction qui la retenaient à la bosse : bref, elle se détache et tombe dans le sillon voisin de surface hydrofuge (couverte de cire) qui la repousse (mauvaise affinité de la cire avec l’eau). Alors la goutte glisse et dévale le dos incliné de la bête, guidée par la rainure cireuse. Elle se trouve bien vite rejointe par d’autres gouttes ayant connu le même destin. Ainsi collecté, le liquide finit son voyage dans la bouche de l’animal.
En résumé, la nature non uniforme de la carapace (on parle d’anisotropie), la posture inclinée du scarabée en haute altitude permettent le double exploit de faciliter la capture de micro-gouttelettes d’eau (qui auraient dû finir emportées par les vents) puis de favoriser leur écoulement vers un même point.
Après cette aventure désaltérante, l’insecte a gagné 10% de son poids. Cela lui suffit pour la journée.
A chacun sa technique
Toutes les espèces de scarabées du désert de Namibie ont développé une technique particulière pour survivre et récupérer l’eau du brouillard. Des études sur le long terme des populations de ces coléoptères ont en effet montré le déclin de toute espèce incapable de collecter cette ressource en eau.
Certains scarabées par exemple construisent des tranchées dans le sable pour y piéger les micro-gouttelettes.
Les bosses des élytres ne sont pas présentes chez toutes les espèces. Certaines n’ont que des rainures : dans ce cas, la taille de l’insecte joue. Des petits corps permettent d’optimiser l’écoulement de l’air autour d’eux, de façon plutôt favorable à la capture des gouttes d’eau (comme cela a été montré pour les espèces végétales pourvues de petits feuilles).
Adaptations des herbes de dunes
Généralement les feuilles des plantes sont plutôt hydrophobes (propriété assurée par la présence de cire): ce qui a pour effet d’éviter l’installation de pathogènes, d’assurer leur flottabilité (pour les plantes aquatiques), de faciliter la chasse aux proies pour les plantes carnivores…
Mais dans certaines régions sèches, il y a tout intérêt au contraire à essayer de capter la moindre source d’eau. Tout comme le scarabée du désert, les herbes du désert « Stignostis Sabulicola » tirent profit des minuscules gouttes du brouillard matinal. Cette espèce est capable de récupérer environ 4,5 mm3 par mm2 de surface de feuille. Les gouttelettes s’accrochent donc aux feuilles, coalescent les unes aux autres : la grosse goutte formée descend jusqu’à la racine.
Cette faculté de cette plante tient à deux caractéristiques :
– la nature rugueuse de ses feuilles (présence de petits poils et de plaquettes de cire érodées) provoquant une structure tridimensionnelle,
– la présence de sillons disposés de long de la feuille.
Ces éléments réunis permettent :
– une bonne adéquation entre la taille de la rugosité et le diamètre de la goutte (qui aura de fortes chances de se faire épingler)
– de jouer sur la mouillabilité de la feuille en développant un hystérèse de l’angle de contact (adhérence, coalescence favorisées)
– de guider les gouttes jusqu’en bas des feuilles (par les sillons)
Notons de plus (d’après des récentes recherches) que la cire qui recouvre la surface des feuilles n’est apparemment pas hydrophobe, mais présente au contraire des groupes hydrophiles, attirant les gouttes d’eau.
Applications pour l’homme
Les surfaces artificielles qui imitent la carapace du scarabée du désert constituent une véritable quête pour les chercheurs en vue de développer des points d’eau dans les endroits difficiles (régions arides pour équiper les toits d’habitats de tuiles collectrices de brouillard, ou au sommet des gratte-ciel en vue d’éviter l’étape de pompage).
Plus généralement, les applications aux développements de surfaces super hydrophiles ou super hydrophobes touchent de plus en plus de domaines :
– emballages : bouteilles de conditionnement (vive le ketchup qui coule sans problème)
– l’industrie du verre (lunettes anti-buée)
– l’industrie textile (vêtements auto-nettoyants)
– la production électrique (modification des caractéristiques des condenseurs pour améliorer le transfert de chaleur de la source froide et donc le rendement de l’installation).
Nous reviendrons sur certaines de ces applications dans de prochains articles.
Autres articles liés
– L’effet Lotus
– Chez Sirtin
– Sur le blog Science étonnante
– Sur le blog Pourquoi le ciel est bleu
Ressources
http://fr.wikipedia.org/wiki/Stenocara
http://fr.wikipedia.org/wiki/Cire_%C3%A9picuticulaire
Retrouvez d’autres idées d’applications inspirées par la Nature dans ce charmant petit livre pour enfants, édité par Delachaux et Niestlé
Références
Wagner et al. « Quantitative assessment to the structural basis of water repellency in natural and technical surfaces. », Journal Experimental Botany. Vol 54(385), pp1295-303, 2003
Nørgaard, Dacke, « Fog-basking behaviour and water collection efficiency in Namib Desert Darkling beetles », Frontiers in Zoology, Vol 7 (23), 2010
Martorell C., Ezcurra E, « The narrow-leaf syndrome: a functional and evolutionary approach to the form of fog-harvesting rosette plants », Oecologia, Vol 151(4), pp 561-73, 2007
Roth-Nebelsick A. et al., « Leaf surface structures enable the endemic Namib desert grass Stipagrostis sabulicola to irrigate itself with fog water », Journal Royal Society, Interface/The royal Society, Vol 9(73), pp 1965-74, 2012
Seely. M., et al., « Long-term data show behavioural fog collection adaptations determine Namib Desert beetle abundance », South African Journal of Science, Vol 101, pp 570-572, 2005
Zhai L., et al., « Patterned Superhydrophobic Surfaces : Toward a Synthetic Mimic of the Namib Desert Beetle », Nano Letter, Vol 6 (6), 2006
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