Qui n’a jamais conseillé l’adresse d’un bon resto à ses amis ? En règle générale, les animaux au sein d’une même espèce ou même d’une communauté, se passent le mot pour l’accès aux ressources alimentaire et nous, humains, ne dérogeons pas à la règle !
Le monde des abeilles et de tous les insectes à l’organisation sociale élaborée ne cesse de nous émerveiller : leur communication est époustouflante. Chez les abeilles mellifères par exemple, dès que l’une d’elles a repéré une zone intéressante, elle rentre au nid et se met à exécuter en boucle, une sorte de danse riche en symboles : des cercles, des mouvements d’abdomen, des angles bien précis. Cet « imbroglio », du moins à nos yeux d’humains, permettent pourtant d’indiquer très précisément à toutes les autres abeilles, les coordonnées de la ressource ainsi que sa qualité ! Les abeilles spectatrices qui observent la danse, sont effectivement capables de décoder le message ! C’est un système de communication très élaboré et toutes les espèces d’abeilles adoptent ce comportement, avec des subtilités propres à chacune d’elles.
Un certain nombre de chercheurs étudient ce sujet mais continuent à s’interroger sur les secrets de cette forme de communication : s’agit-il d’un caractère inné ou nécessite-t-il un apprentissage par les pairs ?
Une étude publiée récemment dans Science (voir Référence) lève le voile sur cette question.
Ainsi, l’équipe chinoise à l’origine de la recherche a voulu tirer l’affaire au clair en regardant si de jeunes abeilles, tout juste âgées d’une ou deux semaines isolées de leurs semblables, plus expérimentées étaient capables des mêmes prouesses.
Dans le groupe test, les jeunes abeilles ont bien entamé leur danse pour indiquer une bonne adresse après une sortie fructueuse. Mais, la qualité de leur communication n’était pas au rendez-vous : leurs informations n’étaient pas constantes dans le temps, les distances n’étaient pas toujours correctement indiquées, les suiveuses avaient du mal à décoder et donc à se repérer !
Les abeilles du groupe de contrôle (jeunes abeilles restées au contact de leurs sœurs, plus âgées) n’ont présenté aucune de ces lacunes.
Après une vingtaine de jours, les résultats du groupe test se sont améliorés mais les distances indiquées étaient toujours légèrement erronées même lorsque les abeilles étaient en fin de vie. Une fenêtre d’apprentissage avait bel et bien été manquée.
Les auteurs de l’étude ont avancé deux scénarios pour tenter d’expliquer leurs observations :
– la mise au point de la danse nécessite un certain temps d’apprentissage mais l’objectif finit par être atteint (un peu comme notre apprentissage de la marche),
– l’apprentissage aboutit à un résultat différent selon que l’abeille ait été initiée ou non et l’initiation permettrait en plus un ajustement par rapport à l’environnement particulier du nid !
En comparant ces résultats aux comportements d’autres espèces, les auteurs penchent pour la seconde hypothèse.
La communication pour le partage des ressources chez les abeilles mellifères repose sur une bonne part d’inné (les symboles sont connus, visiblement préprogrammés) mais nécessite une initiation afin de pouvoir correctement faire le lien entre le symbole et sa signification.
L’étude conforte l’idée que des comportements complexes sont rarement entièrement innés.
Voilà, le sujet de cette petite histoire m’a particulièrement plu. J’aime beaucoup ces notions d’inné/acquis, et je soutiens l’idée que les apprentissages sont primordiaux, l’écoute, le partage aussi ! C’est le point central de mon livre !
Référence :
– S. Dong, T. Lin, J. C. Nieh, K. Tan, « Social signal learning of the waggle dance in honey bees », Science 379, 1015 (2023).