Réchauffement dans le désert : quelle résilience pour la faune ?

Chaque espèce vivante se trouve particulièrement bien adaptée à l’environnement dans lequel elle vit, même si les conditions qui y règnent nous paraissent vraiment difficiles… Dans le désert par exemple, on trouve des animaux qui parviennent parfaitement à tirer leur épingle du jeu. Oui, mais jusqu’à quel point ? Que va-t-il leur arriver dans un contexte de réchauffement climatique où certains seront poussés jusqu’à leur limite ? Dans quelles mesures la biodiversité est-elle menacée ? Toutes les espèces sont-elles toutes sensibles de la même façon et quels sont les facteurs les rendant particulièrement vulnérables ? Tout cela dépend, on s’en doute de leurs capacités d’adaptation.
Le dernier numéro de Science (Février 2021 Vol. 371 Issue 6529) fait le point sur les recherches d’équipes américaines sur la question. En voici les grandes lignes.

Dans le désert, les animaux doivent pouvoir résister aux températures élevées et à la rareté de l’eau. Pour estimer la résilience des espèces, dans des conditions de plus en plus sévères, les scientifiques ont comparé le comportement de petits mammifères (souris, rats…) et d’oiseaux présents dans le désert des Mojaves (Californie) en réponse au réchauffement et à la sécheresse en visitant des sites particuliers (entre 2013 et 2016), dont l’état des lieux avait été dressé au début du 20e siècle (entre 1908 and 1953).
Ainsi, environ 34 espèces de petits mammifères étudiés sur 90 sites d’observation et 135 espèces d’oiseaux répartis sur 61 lieux ont été étudiés (les sites sont présents dans des zones protégées). Les scientifiques s’attendaient à une réponse identique dans les deux groupes, s’agissant tous les deux d’animaux à sang chaud qui se doivent d’évacuer efficacement le surplus de chaleur pour survivre. La réponse fut toute autre.

Souris cactus du désert

Ainsi au cours du siècle dernier, la présence de petits mammifères est restée stable (une baisse observée uniquement sur 3 des 90 lieux d’observation) tandis que celle des oiseaux s’est, pour la plupart, effondrée sur 90 % des sites observés. De plus, la colonisation par de nouvelles espèces n’a que rarement été observée pour les oiseaux.

Afin d’expliquer ces résultats, les auteurs de l’étude ont combiné des observations comportementales et des modélisations. Dans les deux communautés, l’augmentation des températures s’est traduite de façon similaire par une baisse d’activité mais ce qui fait toute la différence est le coût énergétique pour assurer le refroidissement. Il est beaucoup plus élevé chez les aviaires et l’écart ne fait que se creuser au fur et à mesure du réchauffement terrestre. Les simulations issues des modèles montrent que ce coût important pour assurer la thermorégulation est l’un des principaux facteurs expliquant la moindre résilience des oiseaux.

Des nuances à apporter
Alors bien sûr, tout n’est pas tranché : le transfert de chaleur au sein d’un plumage ou d’un pelage de mammifère n’est pas si facile à modéliser par exemple. Mais les grandes lignes du tableau sont là et les différents facteurs impliqués dans la résilience ont pu être mis en avant.
Au sein de la communauté des oiseaux, le coût de la thermorégulation est en lien avec la taille : plus grand, il a plus de difficultés à maintenir sa température (alors que le contraire était attendu).
Le comportement et le régime alimentaire sont aussi des paramètres qui jouent fortement sur le coût énergétique du refroidissement et donc sur la résilience des espèces. En effet, selon le type de ressources consommées, l’apport en eau est modifié et certaines espèces s’adaptent mieux que d’autres en se tournant vers des nourritures à forte teneur en eau en cas de sécheresse, l’hydrater es alors assurée : des baies sont généralement plus riches en eau que des graines ! Mais ce n’est pas uniquement cela qui distingue les deux groupes d’animaux étudiés.

Verdin, Visitor’s Center, Anza Borrego Desert State Park, Borrego Springs, California

Les auteurs de l’étude se sont concentrés sur l’importance de la présence de micro-habitats au niveau des zones désertiques : des lieux particuliers où les animaux peuvent se mettre à l’abri et éviter les heures les plus chaudes. Ainsi, les petits rongeurs peuvent facilement s’enfouir dans le sol en creusant des petites cavités, sous réserve qu’ils puissent s’abriter suffisamment profondément.
La plus grande résilience des petits oiseaux par rapport aux grands pourrait donc aussi s’expliquer par le fait qu’ils soient capables de se nourrir dans des zones ombragées, sous réserve qu’elles soient présentes. C’est le cas de l’auripare verdin (Auriparus flaviceps) une espèce de passereau présent dans les zones désertiques de Californie).

Conclusion :

Le réchauffement climatique dont les prédictions n’ont de cesse de s’affiner va poser de plus en plus de problèmes pour la faune et pas seulement aux pôles mais également, comme le montre cette étude, dans les régions arides : les besoins en eau seront particulièrement accrus et les espèces aviaires seront les plus touchées. Afin de modéliser au mieux les menaces, l’approche doit prendre en compte la physiologie et le comportement des espèces. En attendant, il n’a jamais été aussi important de préserver les habitats quels qu’ils soient : anfractuosités, haies, toutes espèces de plantes, petits arbustes.

Références :
Riddell E. A. et al., « Exposure to climate change drives stability or collapse of desert mammal and bird communities », February 2021, Science 371, 633 (2021), DOI: 10.1126/science.abd4605

Riddell E. A. et al., « Cooling requirements fueled the collapse of a desert
bird community from climate change », PNAS | October 22, 2019 | vol. 116 | no. 43 | 21609–21615

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