Le 14 février dernier, pour faire dans l’original, j’ai passé ma soirée à Lilliad Learning Center dont je vous parlais ici, pour une soirée dédiée à l’amour, organisée par l’Espace Culture, université de Lille ! Que se passe-t-il dans le cerveau pour séduire ou quand on tombe amoureux ? Quand survient le coup de foudre ? Quand la magie s’estompe ?
Le Professeur Sablonnière, médecin biologiste, professeur et chercheur à l’INSERM, nous a présenté un certain nombre de résultats d’études dédiées à ces questions. Je vous présente ici de façon non exhaustive, quelques unes de ces informations, celles qui m’ont semblé surprenantes, incroyables, drôles ou tout simplement utiles pour mieux comprendre nos relations aux autres (amis, petits amis, conjoints, enfants, adolescents).
Info N°1 : Quand tout commence : le gène KISS active la puberté !
En 2005, une équipe de scientifiques américains (université de Pittsburgh) ont cerné le gène qui déclenche la puberté. Baptisé « gène KISS », il s’active dans l’hypothalamus au moment de l’adolescence, et fabrique une protéine, la kisspeptine, qui stimule le mécanisme conduisant à la production des hormones sexuelles.
Des mutations sur le gène KISS* a d’ailleurs pour conséquence le déclenchement d’une puberté précoce.
* pour l’appellation de ce gène, rien à voir avec le baiser ou le nom du groupe mythique, c’est tout simplement l’enseigne de la chocolaterie familiale d’un des chercheurs impliqué dans l’étude.
Info N°2 : Une relation amoureuse, c’est le fruit d’un riche panel d’hormones et neurotransmetteurs !
Les sentiments et émotions que nous ressentons lors des différentes étapes d’une relation amoureuse qui s’étale dans le temps, sont liés à la présence de nombreux neurotransmetteurs (qui permettent la connection entre neurones) et hormones.
Citons la dopamine, les endorphines, la noradrénaline, le cortisol, la sérotonine, la testostérone, l’hormone vasopressine (chez l’homme/mâle), l’hormone ocytocine (chez les femmes/femelles) qui agit sur le long terme (l’attachement). Cela explique toutes les sensations de bien-être avec une petite dose de stress ressenties lorsqu’on tombe amoureux …
Info N°3 : L’étude des campagnols a révélé les mécanismes biologiques à l’oeuvre dans le cerveau
Une équipe de chercheurs d’Atlanta a comparé la vie de couple de deux espèces de campagnols. Le comportement du campagnol des montagnes qui ne semble pas très fidèle à sa compagne, s’oppose à celui du campagnol des champs qui reste tout sa vie, attaché à sa partenaire. Les auteurs montrent que cette différence s’explique par une quantité différente de récepteurs à l’ocytocine (femelles) et à la vasopressine (mâles) dans le cerveau : l’espèce qui possède le plus de récepteurs est la plus fidèle.
De plus, en administrant de l’ocytocine et vasopressine aux campagnols des montagnes, ils se mettent à adopter le même comportement fidèle que celui de leurs cousins des champs.
Au contraire, en bloquant l’action de l’ocytocine, la femelle ne s’attache pas à son compagnon et le quitte de suite après l’accouplement.
Info N°4 : Dès la naissance, le « petit Homme » se prépare à s’attacher à ses futures « conquêtes » !
Les études sur les campagnols ont permis de comprendre énormément de détails sur les mécanismes biologiques expliquant l’attachement. En particulier, le comportement des animaux et a fortiori de l’Homme à tous moments de sa vie stimule la production d’ocytocine. Pour nous humains, cela passe énormément par le « toucher ».
Ainsi à la naissance, la tétée déclenche des pics d’ocytocine ce qui facilite l’attachement de la mère à son enfant, afin qu’elle s’en occupe au mieux.
Inversement, un bébé qu’on touche, qu’on câline, dont on prend soin, développera plus de récepteurs à l’ocytocine au niveau de son cerveau (mécanisme épigénétique) et cela lui est très utile à court terme pour reconnaître et s’attacher à ses parents mais aussi sur le plus long terme, tout au long de sa vie, pour faciliter son attachement aux autres. Un enfant privé de soins et de gestes tendres, voire soumis à des traumatismes, sera plus susceptible d’avoir des problèmes relationnels dans sa vie d’adulte.
Info N°5 : Il existe un gène du « divorce »
Et oui, il existe un gène pour lequel un variant peut réduire la capacité à s’attacher durablement à son partenaire. Ce gène qui code les récepteurs à ocytocine peut présenter une mutation qui modifie la capacité de l’ocytocine à se lier aux récepteurs.
Des études ont montré que les couples pour lesquels cette variance apparaît, étaient plus susceptibles de divorcer.
Info N°6 : Par IRMf, on peut « voir » les circuits qui s’activent
L’IRM fonctionnelle permet l’étude fonctionnelle du cerveau. Mais que traque-t-on exactement par cette technique?
En fait, lorsqu’un neurone (ou plus exactement un ensemble de neurones) travaille, son activité électrique et métabolique est modifiée ce qui se traduit par une variation du débit sanguin et de la concentration en oxygène de l’hémoglobine. L’IRMf repose donc sur la mesure du signal BOLD (Blood oxygen level-dependent) représentatif de la concentration en oxygène dans les capillaires qui entourent les neurones qui s’activent.
Info N°7 : L’amour rend bel et bien aveugle !
Des tests en imagerie cérébrale réalisés sur des « amoureux » au début de leur relation, montrent nettement une désactivation du cortex préfrontal ! Ainsi, quant il s’agit de réfléchir sur l’être aimé, il y a suspension du jugement !
Info N°8 : L’Homme est sensible aux phéromones
Les phéromones, ce sont ces molécules volatiles émises en petite quantité, qui n’excitent pas le sens olfactif, donc non odorantes mais qui sont reconnues par le partenaire de la même espèce en déclenchant des réactions d’attirance !
Une sorte de communication supplémentaire, au-delà des sens habituels que nous connaissons.
Est-ce que cela existe chez l’Homme ? Beaucoup de débats ont eu lieu sur la question. Mais il semble bien que de telles molécules dérivées des hormones sexuelles existent et jouent un rôle : l’androstadiénone émise par l’homme et l’estratétraénol émise par la femme sont présentes notamment dans la sueur axillaire.
Les preuves sont issues encore une fois par l’imagerie cérébrale. De telles observations ont montré que ces molécules, activent des régions de l’hypothalamus d’un partenaire sexuel ou social.
L’androstadiénone favoriserait même la coopération entre hommes !
Néanmoins, par rapport à d’autres moyens de communication que l’humain a développés au cours de l’évolution, l’effet des phéromones reste quand même relativement restreint.
Merci au professeur Bernard Sablonnière pour cette belle soirée. Si vous voulez en savoir plus, vous pouvez visionner la conférence ici ou découvrir son ouvrage sur la question « La chimie des sentiments ».
Références :
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