[Réchauffement climatique] : pourquoi il est si important de se limiter à 1,5°C ?

Le réchauffement climatique pèse lourd sur la biodiversité. J’avais écrit un court article de synthèse pour présenter les grandes lignes de ces impacts sur Kidi’science et il était question de la vie marine (les coraux, les poissons, le phytoplancton), des amphibiens, mais aussi des espèces terrestres.

Illustration : Alain Prunier

Finalement, je me rends compte qu’il y a un grand absent dans cette modeste présentation, ce sont les insectes : or ils souffrent énormément des effets du réchauffement climatique.

Une publication scientifique vient tout juste de paraître dans Science [1] et présente les travaux d’une équipe de Norwich (Centre de Recherche sur le Changement Climatique, Angleterre) en collaboration avec des chercheurs de l’université James Cook (Townville, Australie). L’étude fait le point sur les effets du réchauffement sur la biodiversité et notamment les insectes, en regardant quantitativement si les efforts qui permettraient de limiter le réchauffement à 1,5°C (au lieu de 2°C) seraient efficaces sur les populations.

Le contexte
La COP 21 (ou 21e conférence des parties) s’est tenue à Paris en novembre 2015. Y ont participé des dirigeants de nombreux pays (mais aussi des scientifiques) qui se sont mis d’accord sur le seuil d’écart de température moyenne (par rapport à l’ère pré-industrielle) à ne pas dépasser d’ici 2100. Cela a donné lieu à l’élaboration d’un texte et les signataires se sont engagés sur une valeur de 2°C à ne pas dépasser. Mais il est aussi question de développer des stratégies visant à atteindre le 1,5°C.
Alors on se dit, fichtre, 0,5 °C d’écart, ce n’est pas grand chose ! On se demande même si l’effort en vaut la chandelle.

Cadre de l’étude 

Les chercheurs de l’étude dont il est question ici, ont cherché à quantifier l’impact d’une baisse de 0,5°C de la valeur cible sur la biodiversité. L’étude a porté sur plus de 115.000 espèces terrestres (soit un chiffre 3 fois plus élevé par rapport aux précédentes études) et 34.000 espèces d’insectes et autres vertébrés. Ils ont en particulier étudié le nombre d’espèces qui souffrirait du réchauffement avec une chute de population supérieure à 50 %.

Les résultats
Ils sont sans appel. Limiter le réchauffement à 1,5°C (au lieu de 2 °C) divise par deux le nombre de plantes et d’espèces vertébrées qui accuseraient une perte de plus de 50% de leur population.

L’effet est encore plus marqué pour les insectes et invertébrés : le nombre d’espèces menacées serait alors diminué de 66%.

Ce sont bien les insectes les plus susceptibles de souffrir de pertes dues au changement climatique (et des données réelles font déjà bel et bien écho à ce phénomène) et donc ceux qui bénéficieraient le plus de nos efforts pour maintenir le cap sur +1,5°C. L’explication réside dans le fait que la vitesse de dispersion des insectes, est beaucoup plus faible et donc une capacité moindre à retrouver un environnement adéquat.

Parmi les insectes, les plus fragiles sont les diptères, les coléoptères et Hémiptères.
Pour un maintien à une cible de +1,5°C, les auteurs précisent que les risques sont vraiment diminués sur les pollinisateurs (Syrphes -des mouches qui ressemblent à des abeilles-, Apidés ou abeilles sociales, Calliphoridae -mouches vertes et bleues).

Exemple de pollinisateur particulièrement impacté par le réchauffement (un membre de la famille des Syrphes)

Donc oui, l’effort pour limiter le réchauffement à 1,5°C vaut le coup, surtout pour les insectes qui sont d’une part particulièrement sensibles (les risques semblent augmenter linéairement avec la température entre 1,5 et 4,5 °C) et qui d’autre part jouent un rôle souvent marqué dans la survie d’autres espèces (ils sont au cœur de réseaux trophiques ou participent à la pollinisation, dispersion de graines…).
Il faut donc s’attacher à cet objectif plus sévère.

Quelles pistes pour limiter le réchauffement à 1,5°C

Différents scénarios existent : ils visent à réduire de façon drastique la production des émissions de gaz à effet de serre. Certains d’entre eux reposent sur des technologies à base de bioénergie (à partir de biomasse) équipées de systèmes de captage stockage du carbone (m’est d’avis que ce n’est pas pour demain). Néanmoins d’autres questions se posent, telle que la classique compétition entre cultures à des fins alimentaires et celles pour l’énergie (à moins que les voies de 2e génération prennent leur essor…). Les auteurs n’évoquent pas les scénarios où le nucléaire (non émetteur de GES) aurait une plus grande place. Mais il s’agit là d’un autre sujet, sur lequel il sera intéressant de revenir.

Les auteurs précisent également qu’il faut garder en tête la possibilité pour les écosystèmes de s’adapter naturellement au changement climatique, si tant est, qu’il soit « limité ». Mais le garder en tête permet par exemple la création de réseaux de zones protégées pour aider les espèces à s’adapter et se disperser. Plusieurs mesures de conservation ont déjà montré leur efficacité.

Références :
1- R. WarrenJ. PriceE. GrahamN. ForstenhaeuslerJ. VanDerWal, « The projected effect on insects, vertebrates, and plants of limiting global warming to 1.5°C rather than 2°C », Science, Vol. 360, Issue 6390, pp. 791-795, 2018:, DOI: 10.1126/science.aar3646

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