Pour fabriquer un embryon, un ovule et un spermatozoïde sont nécessaires (quoi qu’on ait pu lire ou entendre, suite à une étude mal interprétée).
Alors on a tous appris (ou vu) que l’ovule est gros et que le spermatozoïde est tout petit et rapide. Je me suis toujours demandé pourquoi une telle différence.
Ma curiosité a été satisfaite tout récemment car je viens juste de recevoir le numéro de décembre du magazine « La Recherche » (N°518) : un dossier spécial est consacré aux dernières révélations des recherches sur les premiers instants de la vie (après la rencontre des gamètes, puis la division cellulaire lors du développement de l’embryon, l’implantation dans la muqueuse utérine, et puis aussi lors des premiers mois de vie au « grand air »). J’ai un peu creusé les premiers thèmes et je vous propose un petit résumé des informations du magazine assorti de quelques petits détails glanés dans les publications d’origine.
Une histoire d’ADN maternel et paternel : et celui de l’embryon alors ?
Juste après la fécondation, l’ADN maternel et paternel se retrouvent au sein de la première cellule, appelée zygote mais curieusement, les deux molécules ne fusionnent pas. Alors que fabriquent-ils donc s’ils ne fusionnent pas ? Comment pourront-ils former l’ADN de l’embryon ?
Chacun d’eux reste dans son coin enfermé dans une sorte de noyau, indépendant l’un de l’autre (il y a donc deux « pro-noyaux » dans la première cellule) sans que les gènes ne s’expriment. Les deux ADN subissent en fait une profonde restructuration, une réorganisation nécessaire parce qu’au sein des noyaux des gamètes, ces deux molécules sont compactées autour de très petites protéines (surtout au niveau du spermatozoïde très petit et donc avec un ADN nettement plus compacté) [1]
Bref, cette préparation consiste grosso modo à « décompacter » l’ADN afin que tous les gènes puissent s’activer correctement. Nous y reviendrons un peu plus loin.
Une question se pose alors : comment la première cellule peut-elle se dupliquer (et l’embryon, continuer son développement) alors qu’elle ne contient encore aucune feuille de route via un ADN propre ? C’est là que le rôle de la maman est d’ores et déjà « primordial » car c’est le cytoplasme de l’ovocyte (la solution qui entoure le noyau dans une cellule) qui entre en action. Il se trouve qu’il est chargé de réserves et pas n’importe lesquelles : toutes les protéines et autres molécules dédiées au bon déroulement de l’ensemble des phases requises pour les toutes premières divisions du zygote.
Mais ce n’est pas tout, et c’est pourquoi l’ovule paraît si gros comparé aux autres cellules : il a non seulement pour mission d’apporter tout ce qu’il faut pour assurer les premières divisions cellulaires embryonnaires mais en plus, il facilite la réorganisation de l’ADN paternel. Pour cela, il contient énormément de protéines (qu’on appelle les « facteurs maternels ») qui permettront à l’ADN paternel de s’enrouler en certains points précis : c’est donc l’ovocyte qui, à ce stade de l’embryogenèse, permet à l’ADN paternel de se restructurer. L’une de ces protéines est la nucléoplasmine 2 qui permet de décondenser d’ADN paternel.
Mais le rôle de l’ovocyte va encore plus loin : d’après les études menées sur le sujet, certaines modifications de l’ADN de l’ovocyte lors de sa formation, semblent être transférées dans l’embryon et activeraient le programme génétique de celui-ci. Citons la protéine MATER pour (Maternal Antigen that Embryos Require), la protéine ZAR 1 (zygote arrest 1) mais également encore une fois la protéine nucléoplasmine 2 qui a également un rôle dans la régulation de la transcription de gènes [2].
Alors finalement, quand exactement les ADN parentaux se mélangent-ils ? Les chercheurs supposent que c’est seulement au stade de l’apparition de 8 cellules qu’enfin, les deux ADN se mélangent (vers le 3e jour).
Les usines à énergie de l’embryon proviennent de la mère
Vous connaissez les mitochondries, ces petites usines à énergie, présentes au sein des cellules. Elles permettent par exemple la respiration cellulaire, l’apoptose (mort programmée), le métabolisme et possèdent leur propre génome.
Après la fécondation, seules celles issues de l’ovule sont conservées. Les mitochondries issues du père sont bel et bien éliminées. Plusieurs travaux de recherches ont mis en évidence que la coexistence des deux patrimoines, est préjudiciable pour la survie de l’embryon.
Comment se fait l’élimination ? Visiblement ce sont plusieurs mécanismes qui œuvrent. Ils font en effet intervenir [3]:
– une enzyme (l’endonucléase G) qui dégrade l’ADN mitochondrial présent et s’active au sein du spermatozoïde après la fécondation ,
– l’autophagie (dégradation des éléments indésirables par les lysosomes),
– le protéasome (complexe d’enzymes qui dégrade certaines protéines non conformes) qui cible des protéines marquées par une cible (l’ubiquitine) : justement les mitochondries spermatiques.
Bref, via ces trois mécanismes, percés à jour pour l’instant chez des modèles non humains (ver, bovins et primates), on comprend mieux que les mitochondries paternelles n’ont que peu de chance de s’en sortir.
L’ovule et la division de l’œuf : le pourquoi des trisomies
L’ovule ou l’œuf qui se transformera en embryon après la fécondation fait l’objet de nombreuses recherches notamment parce les scientifiques tentent de comprendre les anomalies entraînant des fausses couches.
Pour commencer, il est primordial de saisir les subtilités de la division cellulaire de l’ovocyte conduisant à l’ovule : il s’agit d’une division asymétrique (la méiose) produisant un globule polaire et ovule. Or cette asymétrie est nécessaire pour que l’ovule prenne une taille suffisante pour y stocker les réserves cruciales pour le futur embryon [4]. Le mécanisme pour atteindre l’asymétrie implique notamment le ramollissement (contrôlé) de la membrane ovocytaire. Ensuite, les divisions futures, celles qui concernent l’œuf, reprennent un parfaite symétrie (ouf !).
Bref, une division bien particulière de l’ovocyte qui explique en partie un nombre important d’erreurs dans la répartition des chromosomes dans les cellules filles (aneuploïdie) [5]. De plus, le système de surveillance présent dans toutes les cellules et qui permet en cas d’erreur dans le processus de division, d’arrêter la machinerie n’est pas aussi efficace chez l’ovocyte que pour les autres cellules : des erreurs sont possibles et ne sont pas forcément éliminées – avec des conséquences sur l’embryon telles que un nombre incorrect de chromosomes -.
Bien maintenant, avançons sur le chemin de la grossesse…
Le paradoxe immunologique
Comment l’organisme maternel parvient-il à tolérer l’embryon alors qu’il contient des cellules présentant des molécules « étrangères » pour la mère ? Voilà une question qui taraude les esprits des chercheurs et fait l’objet d’intenses travaux. Et plus les recherches avancent, plus on découvre des mécanismes pour le moins surprenants !
Saviez-vous par exemple, que contrairement à ce qu’on pourrait penser, le système immunitaire maternel est bel et bien actif [6] ? Son action est primordiale pour l’implantation de l’embryon au niveau de l’endomètre ? Pourquoi ?
La paroi de l’utérus étant lisse, l’adhésion n’est pas chose aisée. La recrudescence de certains lymphocytes, stimulés par la progestérone, est salvatrice car elle déclenche une réaction inflammatoire au sein de l’utérus qui remet en question ses propriétés anti-adhésives et l’embryon peut s’accrocher.
Le « non-rejet » de l’embryon s’explique, en partie, par le fait que la carte d’identité immunologique de ses cellules ne met en avant que certaines molécules : les moins actives, celles qui ne déclenchent pas les réactions immunitaires de la mère à leur encontre. Mais elles déclenchent l’apparition d’un autre type de cellules immunitaires : des cellules utérines « tueuses ». Sans ces dernières, des études (sur un modèle « souris ») ont prouvé que la grossesse n’allait pas au bout.
En fait, ces cellules tueuses au niveau de l’utérus changent un peu de statut en « mettant en veille » leur rôle de guerrier (sauf en cas d’attaque pathogène) : elles ont alors plutôt comme fonction de fournir des facteurs de croissance jouant un rôle dans la modification des vaisseaux sanguins nécessaires à l’embryon.
Bref, des recherches passionnantes sur l’ovule (évidemment il y en a tout autant sur le spermatozoïde) mais je suis fière de mes gamètes aux super pouvoirs (il doit m’en rester un petit stock) !
On avait déjà parlé des travaux sur l’ovogenèse dans ce précédent billet.
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Vous pouvez lire une autre version de cet article sur les Vendredis Intellos.
Références :
1- Burns K. H. et al. « Roles of NPM2 in Chromatin and Nucleolar Organization in Oocytes and Embryos », Science 300, p633, 2003
2- Kim KH, Lee KA. » Maternal effect genes: Findings and effects on mouse embryo development », Clin Exp Reprod Med. 41(2): 47–61., 2014
3- Zhou et al., « Mitochondrial endonuclease G mediates breakdown of paternal mitochondria upon fertilization », Science, 353, 2016, DOI: 10.1126/science.aaf4777
4- Sun SC, Kin NH., « Molecular mechanisms of asymmetric division in oocytes. », Microscopy and microanalysis, 19(4), 2013
5- MacLennan M. et al., « Oocyte development, meiosis and aneuploidy », Seminars in Cell & Developmental Biology, 45, 2015
6- Chouat G., « Immune cells in uteroplacental tissues throughout pregnancy: a brief review », Reproductive BioMedicine Online, Vol 14. No 2. 2007