C’est l’été, les jardins sont en pleine floraison avec peut-être, de magnifiques roses aux parfums enivrants ? Nous humains, apprécions particulièrement les jolies fleurs aux couleurs vives qui sentent si bon ! Une belle stratégie pour attirer les pollinisateurs… On n’attire pas les mouches avec du vinaigre ! Quoi que !
Effectivement parfois, c’est tout le contraire car, ne vous en déplaise, certaines fleurs émettent des odeurs nauséabondes, fétides, proches de ce que peuvent dégager les cadavres en cours de putréfaction. Je voulais évoquer certaines d’entre elles aujourd’hui : ellesi présentent en plus un autre point commun : elles sont gigantesques.
Il s’agit par exemple des fleurs de la famille des Rafflesia et la fleur de l’Arum Titan.
C’est vrai qu’on est assez loin des images édulcorées de jolies petites fleurs qui dégagent des parfums enivrants… Mais à chacun son truc : chaque espèce, selon l’environnement dans lequel elle vit, les moyens dont elle dispose, a développé une technique pour vivre et perpétuer l’espèce.
Alors quelles sont leurs caractéristiques ? Pourquoi émettent-elles des odeurs nauséabondes ? Que sont les molécules volatiles ? Quelle utilité de telles caractéristiques ? Quel est le lien avec l’environnement ?
Les plantes de la famille « Rafflesia »
On les trouve dans des plaines ou zones forestières de Taïlande, Malaisie, Bornée, les Philippines.
Figurez-vous que ces plantes, sont assez mal loties, puisqu’elles n’ont ni racines, ni tiges, ni feuilles… Bref, pas terrible comme équipement pour aller chercher les nutriments ou les fabriquer par photosynthèse (pas de feuille donc pas de chlorophylle).
La seule solution est alors de parasiter une autre espèce qui possède tout ce qu’il faut. Pour cela, la Rafflesia possède des filaments qui s’insèrent dans les racines et tiges d’une plante hôte (qui est généralement du type « plante vigne ») et lui permettent de prendre une bonne partie des nutriments déjà « prêt à l’emploi ».
Elle se développe alors dans l’ombre, puis finit par éclater au grand jour et nous gratifier d’une fleur aux dimensions astronomiques : l’une des plus grandes du règne végétal. Certaines peuvent atteindre 1 m de diamètre.
Alors pourquoi ?
La couleur rouge sombre tacheté, la dimension et les effluves putrides convergent vers un même but : attirer les mouches de type charognards, celles qui consomment les cadavres et y pondent leurs œufs. Ces mouches sont dotées d’un système olfactif très développé, attirées sur de longues distances par les effluves putrides. Mais des études ont regardé de près ce phénomène de mimétisme et leurs résultats indiquent que c’est bien la combinaison des stimulus olfactif et visuel qui attirent les insectes.
Bref, la mouche se laisse tenter, s’approche de la fleur, et finit par être enduite de pollen. Celui-ci finira transporté vers l’organe femelle (d’une autre fleur).
L’évolution semble aussi avoir favorisé ce type de plantes capables d’imiter visuellement (couleur et grandeur) et olfactivement des corps en décomposition.
Quelles sont les molécules responsables des odeurs nauséabondes (pour l’homme) mais irrésistibles (pour la mouche) ?
Les composés identifiés sont légions. Mais celles qui détiennent le palmarès de l’attraction des diptères sont :
– le p-crésol (qu’on retrouve dans les déjections des vaches car cette molécule est issue de la coupure de protéines),
– l’acide butanoïque (l’odeur forte du beurre rance, le parmesan, ou le vomi)
– le 3-méthyl indole ou scatol (naturellement présent dans les excréments, métabolite d’un des acides aminés constituants les protéines, sachant qu’à faible concentration il a une -bonne- odeur florale)
– les methyl (mono-di ou tri) sulfures, produits finaux de décomposition des protéines.
D’autres plantes puantes
Les plantes à odeur nauséabonde ne sont pas si rares que cela… donc fini le stéréotype des fleurs aux belles couleurs et parfum exaltant.
Voici d’autres spécimen.
L’arum mange-mouches originaire de Corse, Sardaigne et Iles Baléares dégage des odeurs de viande pourrie (riche en diméthyl sulfures). Celle-ci pousse le mimétisme avec un cadavre encore plus loin : elle est capable de produire de la chaleur (thermogenèse), une façon supplémentaire d’attirer les pollinisateurs et de diffuser plus largement les substances volatiles.
Les recherches sont encore en cours pour tenter de comprendre les mécanismes mis en oeuvre pour la thermogenèse.
N’oublions pas l’arum titan des forêts tropicales humides. Les fleurs peuvent atteindre 3 m avec de bien entendu, des odeurs de viande en décomposition et là aussi, une augmentation de la température de la fleur, favorable à la diffusion du parfum.
Pour en savoir plus :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Rafflesia
https://en.wikipedia.org/wiki/Helicodiceros
https://fr.wikipedia.org/wiki/Arum_titan
http://www.podcastscience.fm/dossiers/2013/06/15/comment-les-animaux-mangent-vraiment/comment-page-1/
Références utilisées
Vereecken & McNeil , « Cheaters and liars : chemical mimicry at its finest », Canadian Journal of Zoology, 88(7):725–752, 2010
Jürgens A1, Dötterl S, Meve U. »The Chemical Nature of fetid floral odours in stapeliads », New Phytol., 172(3):452-68, 2006
J.F. Barcelona , P.B. Pelser , D.S. Balete, L.L. Co , « Taxonomy, ecology and conservation status of Philippine Rafflesia « , Blumea 54 : 77–93, 2009
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