De la pure cellulose dans mon jardin ?

Je n’en reviens pas ! Cet hiver, pour la première fois, mon jardin a produit de la cellulose pure (ou presque) et pourtant, je ne me suis pas mise à la culture de coton. Certes mes connaissances en botanique sont assez limitées, mais je ne savais pas qu’une autre plante que le coton pouvait produire ces fibres duveteuses quasiment blanches si fines et pures qu’on voit bien à l’œil nu, qu’elles ne demandent qu’à être filées… Enfin, en réalité, elles ne demandent qu’à s’envoler pour disperser la multitude de petites graines qui y sont accrochées.

Voici de quoi il s’agit :une jolie plante à fleurs très décoratives pour le jardin.

Anemone_hupehensis

Son nom ? C’est l’anémone japonaise (« Anemone hupehensis ») qui arbore en été de magnifiques fleurs aux pétales mauves (il s’agit même plutôt de sépales pétaloïdes) et à cœur jaune muni de grandes étamines (qui ne manquent pas d’attirer moultes pollinisateurs) et ce jusqu’au début de l’automne. Ensuite, si l’hiver est clément, la fleur évolue en donnant des petites boules plumeuses auxquelles sont accrochées de multitudes de graines !

anemone_cellulose2

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Pourtant, la plante se multiplie abondamment par voie végétative (des sortes de rhizomes rampent sous la terre, puis ressortent un peu plus loin): c’est effectivement un moyen rapide de prendre possession d’un sol et pour nous, jardiniers, une bonne opportunité pour obtenir en peu de temps un superbe massif !
Mais visiblement, cela ne lui suffit pas, l’anémone « hupehensis », lorsqu’elle le peut, complète son développement par la diffusion de ses graines par la voie des airs grâce aux fibres de cellulose quasi-pure.

Bref, les questions que je n’ai pas manqué de me poser sont les suivantes :
– c’est la première année que j’observe un tel phénomène, est-ce donc fonction des conditions météorologiques ?
– comment se forme cette cellulose quasi-pure, quelles sont ses caractéristiques et en quoi est-elle utile à la plante ?

La fabrication des fibres de cellulose par les végétaux

La brique élémentaire des végétaux est la cellulose, qui compose la paroi de leurs cellules. Les végétaux synthétisent d’abord du glucose, molécule cyclique à 6 carbones. Puis les molécules de glucose se mettent bout à bout : de longues chaînes linéaires  apparaissent (celles-ci peuvent  s’allonger très fortement dans le sens de la longueur).
A l’intérieur d’une chaîne, très longue, des liaisons hydrogène  intramoléculaires (notation LH)  rapprochent des groupes -OH des différents maillons, ce qui renforce l’intégrité de la chaîne.

Enfin, ces longues chaînes ne restent pas indépendantes et se lient entre elles par d’autres liaisons hydrogène glucose-glucose (des LH intermoléculaires) : c’est cela qui forme des couches d’environ 60 chaînes polymères, associées en fibres.

Les cycles « glucose » s’associent entre eux pour former des chaînes (à l’intérieur desquelles on trouve des liaisons particulières)
Les chaînes sont ensuite reliées entre elles par d’autres liaisons LH : c’est la cellulose

C’est la présence de ce réseau très dense et très complexe en LH qui donne à la cellulose  sa stabilité (tout en gardant une certaine souplesse).
Les chaînes peuvent donc s’organiser de façon variable selon leur longueur et la configuration des LH (nombre, longueur des liaisons) et les atomes mis en jeu (encombrement et molécules environnantes) et différents degrés de cristallinité apparaissent. Plus les chaînes seront longues, organisées dans une direction donnée, plus la fibre de cellulose sera « cristalline » et possédera des propriétés mécaniques intéressantes (résistance et souplesse).
C’est l’arrangement des chaînes disposées parallèlement les unes aux autres qui forme les micro-fibrilles puis la fibre.

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La pureté de la cellulose
La cellulose n’est pas uniformément distribuée dans le tissu des plantes : cela va induire des propriétés mécaniques différentes des organes selon leur « contenu » en cellulose. D’autre part, la pureté de la cellulose est liée à la quantité de lignine qui l’accompagne (un autre polymère établi à base de composés phénoliques). Plus la quantité de lignine est importante, plus l’organe gagne en rigidité (et en protection contre la dégradation biologique).

On comprend donc que pour disperser les graines au vent, c’est de la cellulose pure à fort degré de cristallinité qui convient le mieux. Formant de longues fibres fines, légères et flexibles, la prise au vent est optimale ! D’ailleurs, en absence de poils duveteux, les graines ont plutôt du mal à se disperser [1]
Ce sont aussi ces propriétés (grande longueur des fibres, pureté, légèreté et flexibilité) qui font que les fibres du coton sont si prisées par l’industrie textile : les fibres se prêtent bien à la mise en forme.

L’influence des conditions environnementales de la plante dans le processus d’élaboration de ces fibres et leurs propriétés ?
Deux paramètres semblent particulièrement importants dans le processus d’élaboration des fibres : la température et la luminosité [2].
La température influence la vitesse de formation de la cellulose, et cette vitesse modifie la structure et la tenue mécanique de la fibre obtenue:  la longueur des chaînes est modifiée et le degré de cristallinité aussi.
La luminosité est le second paramètre important. Plus elle est élevée, plus la vitesse de formation de la cellulose est grande et plus la fibre est fragile.

Bref, si les années précédentes, mes anémones n’ont pas affiché ces boules de fibres blanches, c’est peut-être bien parce que les conditions météorologiques avaient empêché la formation de cellulose en quantité suffisante pour que les capsules éclatent au grand jour… Hypothèse non vérifiée.

Quelques spécificités de l’anémone.
Finalement, vu son nom, je n’aurais peut-être pas dû m’étonner de l’apparition de ces fibres duveteuses emportées par le vent pour disperser les graines. En effet, « Anemo » signifie bel et bien « vent » en grec.

Et puis, en cherchant un peu, il s’avère que bien d’autres espèces fabriquent ce genre de fibre cotonneuses pour disperser les graines : la massette à larges feuilles (ou quenouille ou roseau à massette) par exemple.

massette

Massette à larges feuilles et ses fibres de cellulose

Pour en finir sur l’anémone, on peut préciser qu’elle possède des vertus médicinales (notamment des effets sur le cœur) : mais attention aux doses… car elle peut devenir toxique et même se transformer en poison : les composants bioactifs identifiés étant des saponines terpénoïdes [3].

Bref, pas de quoi tester en infusion, sans avis médical ! Un sujet sur lequel je reviendrai très bientôt (voir ici)! En attendant, laissez-moi tenter de filer mes fibres d’anémone.

Articles liés et références
http://blog.chestnutherbs.com/anemone-medicine-poison-pollen-and-melodrama
1- « The biology and ecology of cotton in Australia » – Document  Office of the Gene Technology Regulator » – Lien

2- Moharir A. V., « Structure and determinants of fibre strength in native cotton », Indian Journal of Fibre and Textile Research 25, 1-7, 2000

3- Wang et al., « Cytotoxic Oleanane-Type Triterpenoid Saponins from the Rhizomes of Anemone rivularis var. flore-minore », Molecules 19, 2121-2132, 2014

6 comments for “De la pure cellulose dans mon jardin ?

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