Lorsqu’un rayon lumineux, livrant une information sur l’environnement, vient heurter notre œil, il traverse une série de zones spécifiques qui vont concentrer, transmettre voire moduler qualitativement ou quantitativement l’information « lumineuse ». Mais ce qui va vraiment jouer pour délivrer le message à notre cerveau c’est la présence de récepteurs qui tapissent notre rétine, la cible en quelque sorte de l’influx entrant.
Sur cette cible, se trouvent des photorécepteurs (les cônes et les bâtonnets), un lieu privilégié où s’opère la « traduction » de la lumière en signal électrique, compréhensible par le cerveau. Oui mais comment ? C’est là que la connaissance de quelques notions de chimie organique peut être utile pour comprendre.
La vision n’est pas de prime abord un processus simple pour le néophyte (dont je fais partie), je vous propose ici une explication basique sur les grands principes.
Les cônes – plutôt utilisés en vision diurne – rendent compte des couleurs (les pigments absorbent plus ou moins les couleurs, caractérisées chacune par une longueur d’onde, ou éventuellement plusieurs pour les couleurs intermédiaires) et les bâtonnets – plutôt sollicités en vision crépusculaire ou nocturne- rendent compte de l’intensité lumineuse.
D’un point de vue anatomique, les cônes et bâtonnets sont reliés par l’intermédiaire de neurones bipolaires (neurones intermédiaires) aux cellules dites ganglionnaires dont les axones (prolongement du neurone) constituent le nerf optique. Ces cellules qui constituent le dernier maillon de la chaîne permettent de transmettre le signal sous forme de potentiel d’action (information électrique tout ou rien reposant sur le passage sélectif de certains ions tels que sodium, potassium, calcium au-travers des membranes cellulaires). Mais concentrons nous sur la façon dont la lumière parvient à activer tout ce système.
Bref, pour l’étape de traduction, il faut bien transformer la lumière visible, une onde électromagnétique (mélange de différentes longueurs d’onde), en influx nerveux. C’est le rôle de certains pigments, molécules particulières, présentes dans les cônes et les bâtonnets. Sous l’effet de la lumière, les pigments voient leur configuration spatiale modifiée. Qu’est-ce que ce pigment et comment agit-il?
Il s’agit d’une protéine, par exemple la iodopsine (pour les cônes), ou la rhodopsine (pour les bâtonnets) qui résulte de l’association de deux molécules :
– le rétinal, un aldéhyde (une des formes transformées de la vitamine A) ce qui lui permet de s’associer avec une protéine.
– l’opsine, une protéine.
Le rétinal est une assez longue chaîne carbonée, pourvue de plusieurs doubles liaisons (et çà c’est important pour la suite), de formule de formule chimique C19H27CHO
L’opsine est, de taille beaucoup plus impressionnante puisque constituée d’un enchaînement d’acides aminés (environ 350 AA) enroulés en sept hélices alpha. Le rétinal est attaché (par une liaison C=N) à une des hélices au niveau l’acide aminé 317 une lysine. Voir ce qu’est une protéine ICI
Configurations possibles du rétinal
La double liaison entourée en rouge, est très rigide et empêche la libre rotation de la molécule. On a donc deux molécules possibles (A ou B sur la figure) selon la position des groupes encombrants par rapport au plan de la liaison.
Le passage d’une forme (forme A, encore appelé Rétinal-Cis) à l’autre (forme B, encore appelé Rétinal-Trans) s’appelle une isomérisation.
Sous l’action de la lumière, donc d’un apport d’énergie, la molécule au niveau de sa double liaison change de configuration (de façon extrêmement rapide) et donc d’encombrement géométrique.
Configurations possibles de la protéine où s’accroche le rétinal
Est-ce que la forme de la protéine joue également un rôle ?
Il existe énormément de types d’opsines, avec plusieurs sous-familles. Ce qui les distingue, c’est le type d’acides aminés qui s’enchaînent modifiant l’architecte spatiale. Selon sa structure spatiale, la molécule va être plus ou moins sensible à certaines longueurs d’ondes donc à certaines couleurs. La sensibilité du rétinal est donc conditionnée par la forme de la protéine qui l’entoure.
Et les carottes là-dedans ?
Le rétinal, est une des formes transformées de la vitamine A. Une carence en vitamine A peut conduire à la cécité crépusculaire voire une cécité totale. On retrouve cette vitamine dans les aliments d’origine animale (viandes, produits laitiers et surtout foie) ou des végétaux (oseilles, épinards, myrtilles, beurre, navets et les carottes…) ! Alors pensez à faire le plein.
Pour terminer, d’autres molécules que les pigments présents dans les yeux, réagissent à la lumière sur le même principe. En particulier, la chlorophylle qui, dans sa structure, possède de nombreuses doubles liaisons : point d’accroche pour interagir avec un rayonnement lumineux.
Pour en savoir plus :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Vue
http://www.universalis.fr/encyclopedie/iodopsine/
http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9tinal
http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9tine
http://fr.wikipedia.org/wiki/Cycle_visuel
http://fr.wikipedia.org/wiki/Opsine
http://lecerveau.mcgill.ca/flash/i/i_02/i_02_cl/i_02_cl_vis/i_02_cl_vis.html
2 comments for “Pourquoi manger des carottes est bon pour la vue ?”