On en parle de façon assez récurrente car le fait est là : les coraux sont fortement touchés par les effets du réchauffement climatique (intensification de l’intensité et de la fréquence des vagues de chaleurs impliquant une forte augmentation de la température de l’eau de mer, phénomène d’acidification) et certains conditions « locales » accentuent encore les menaces. Nous en avions parlé d’ailleurs dans un précédent billet (ICI) : on déplore en effet de nombreuses épidémies de maladies touchant les coraux, et la prévalence des maladies est démultipliée lorsque ces derniers sont dans un environnement riche en déchets plastiques.
Une étude parue tout récemment dans Science (Mai 2021) fait un état des lieux de la question des coraux en montrant que les conditions locales peuvent agir en synergie avec le réchauffement global et rendre encore plus accrus les risques sur les coraux. Le blanchiment arrive en tête de peloton et il signe l’arrêt de la symbiose entre les coraux et des zooxanthelles, des microalgues qui y séjournent.
Les scientifiques issus de différentes institutions américaines se sont ainsi penchés sur 223 sites particuliers à travers le monde en collectant des données de toutes sortes (profondeur, intensité des vagues, turbidité, présence de macroalgues, abondances d’oursins…) et en cherchant à voir le lien avec la mortalité des coraux.
Le rôle majeur des macroalgues
Avec des niveaux similaires de pics de chaleur, les récifs coralliens dont l’environnement était le plus riche en macroalgues avaient une mortalité dix fois plus élevée.
Même en cas extrême de chaleur, la résilience était bonne sur les sites dont la teneur en macroalgues était faible. Plusieurs hypothèses peuvent être avancées pour expliquer ce constat :
– les macroalgues peuvent amener de la pollution organique : elles excrètent des molécules conduisant à une forte valeur en COD (Carbone organique dissous). Lorsque ce paramètre dépasse un certain seuil, les coraux dépérissent.
– Le COD diminue la quantité d’oxygène dissous (compétition coraux/algues),
– En compagnie des macroalgues, les coraux ont tendance à voir leur microbiome modifié, avec une prépondérance de microorganismes plutôt pathogènes.
– Les macroalgues entravent également la reproduction des coraux et la dispersion larvaire !
Ces mécanismes sont à peu près tous exacerbés par le réchauffement induisant l’élévation de la température océanique.
Mais pourquoi cette recrudescence de macroalgues ?
Origine des macroalgues
Plusieurs facteurs peuvent être à l’origine de ce développement majeur des macroalgues. Parmi les plus impactants, on trouve l’abondance de ressources nutritives (nitrates dans les eaux) et la baisse des effectifs de poissons herbivores (surpêche). Le rôle des poissons est double d’ailleurs :
- ils consomment les macroalgues,
- ils favorisent la dispersion larvaire ce qui aide à mieux récupérer après un épisode à forte mortalité des coraux.
Une forte densité d’oursins est aussi évoquée comme autre frein à la récupération après un épisode de stress pour les coraux. Pourtant, ce sont des consommateurs de macroalgues. Mais dans les zones où ils sont particulièrement abondants, ils sont aussi eux-mêmes des prédateurs de coraux et favorisent l’érosion de la matrice calcaire des récifs (les oursins broutent le corail, ce qui constitue le phénomène de bioérosion !).
D’autres facteurs impliqués
Les auteurs de l’étude évoquent aussi une contribution, certes plus modeste mais néanmoins marquante, de l’exposition aux vagues et à la turbidité (matières en suspension). Les récifs qui se trouvent plus à l’abri sont plus résilients après un épisode de pic de chaleur !
Que retenir ?
Ainsi ces résultats montrent que, certes une baisse drastique des teneurs de CO2 est nécessaire pour protéger les récifs mais d’autres efforts peuvent également porter leurs fruits et faire toute la différence notamment face aux événements climatiques pas trop extrêmes. Trouver les éléments de stress qui accentuent les effets négatifs du réchauffement et mettre en place des stratégies de lutte joue sur la résilience des coraux est une voie à suivre et redonne espoir dans la possibilité de protéger nos récifs ! Par exemple, la limitation de la pêche d’espèces herbivores ou la lutte contre la pollution azotée sont deux voies à suivre pour protéger les zones à risque !
Références :
– Donovan M., « Local conditions magnify coral loss after marine heatwaves », Science, Vol. 372, Issue 6545, pp. 977-980 28 May 2021, Abstract
– https://reefresilience.org/fr/understanding-coral-reef-resilience/herbivory/