Quels aliments pour un cerveau performant ?

Comme nous terminons la semaine du Cerveau, voici un billet consacré à ce bel organe : il vous présente quelques grandes lignes de ses besoins en nutriments… Bref, quelle alimentation pour un cerveau performant ?

En janvier dernier, lors d’une conférence 5 à 7 à l’institut Pasteur de Lille, le Dr Jean-Michel Lecerf, médecin spécialisé en endocrinologie et maladies métaboliques, nutritionniste, chef du Service de nutrition de l’Institut nous présentait, avec l’humour habituel qui le caractérise (il a commencé sa présentation en patois Ch’ti), quels étaient les besoins essentiels de notre cerveau (et pourquoi) et passait en revue une belle panoplie des aliments qui permettent de les assurer.

Avant tout autre chose, pas question pour le Dr Lecerf, d’apporter un discours moralisateur ou culpabilisant… Mangez du sucre et du gras…Oui, vous avez bien lu ! Si vous aimez, c’est que votre cerveau en a besoin, car c’est un organe exigeant à entretenir. Et puis manger doit rester un plaisir, mais bien sûr, il ne faut pas abuser et ce sont les excès auxquels il faut faire la chasse ! Visiblement les régimes amaigrissants, ne font pas partie de ses conseils : ils sont même souvent (à de rares exceptions près) préjudiciables sur le long terme.

Conférence : « Cerveau et alimentation » par J.M. Lecerf à l’Institut Pasteur de Lille

Expliquer le fonctionnement des cellules cérébrales, étudier les sucres, les lipides, les protéines, les vitamines, les oligo-éléments, prôner l’allaitement maternel et le chocolat sans excès, réhabiliter le plaisir de manger, déculpabiliser ses faiblesses, abattre quelques mythes mais aussi avouer avec une grande humilité tout ce qu’on ne connaît pas encore… voilà en quoi consistait la soirée !

Bien sûr, impossible de tout recenser ici… je souhaite juste mettre en lumière, quelques unes des informations présentées, celles qui me paraissent importantes à souligner.

Les capacités intellectuelles seraient dans l’assiette ?
Certes, il y a des aliments riches en molécules essentielles… mais JM Lecerf aime à rappeler que ce n’est qu’un élément du puzzle pour construire une intelligence car les capacités intellectuelles sont liées à beaucoup d’autres facteurs, tels que l’hérédité, l’éducation, la stimulation, l’entraînement et l’activité sportive… Alors à moins de fortes carences, non, tout n’est pas lié à notre assiette !

Manger du sucre : une envie dictée par notre cerveau

Le cerveau correspond à 2 % du poids du corps mais il consomme 20 % de l’énergie absorbée et le glucose en est le carburant privilégié avec une consommation comprise entre 120 et 140 g par jour. Sachant qu’aucune réserve n’est disponible au sein même du cerveau, c’est le sang qui doit assurer l’apport.
Alors il faut anticiper par l’ingestion de sucres lents c’est-à-dire des aliments contenant par exemple de l’amidon (pain), un polysaccharide, un sucre complexe composé d’unités glucose mises bout à bout : c’est en fait la réserve de sucres que se constituent les plantes dans leurs tubercules (pommes de terre) ou leurs graines (céréales).
Les longues chaînes au cours de la digestion libèrent peu à peu leurs unités « glucose » pour alimenter le cerveau.

Toute hypoglycémie, est très mal vécue pour nos neurones ! Et notre performance cérébrale chute un peu. Heureusement, notre organisme dispose de quelques solutions pour transitoirement pallier le manque de glucose : des réserves de sucre dans le foie ou dans le tissu adipeux sont alors attaquées.
En cas de jeûne, le foie libère des corps cétoniques utilisés comme source d’énergie. Mais le Dr Lecerf met en garde contre le jeûne, tout comme le régime cétogène qui risque d’amener de graves carences.

Le cerveau a besoin de graisses

On va parler ici du cholestérol et des oméga 3. Et là encore, il faut faire la peau aux idées reçues qui ont la vie dure. Le cerveau, a besoin de graisses car, c’est lui même, un des organes les plus gras de notre organisme : les lipides représentent 55% de son poids et sont présents notamment dans les membranes des neurones, les synapses, la gaine de myéline qui booste la communication entre neurones.
Pour fabriquer tout cela (ce qui se produit notamment lorsque l’embryon se forme, que le cerveau de fœtus puis de l’enfant se développe) ou activer la plasticité cérébrale (adolescence ou après un AVC), il faut bien sûr de la matière première. Le cholestérol est donc primordial. Mais il faut avant tout qu’il soit bien distribué.
Et l’alimentation ne nous en apporte que 20 % donc il faut arrêter de cristalliser nos peurs sur cette molécule : elle est bénéfique pour notre cerveau même si un avis médical d’un professionnel avisé et bien informé reste de mise pour toute question liée à une hypercholestérolimie.
Une étude récente a montré qu’un apport suffisant en cholestérol alimentaire et œufs était associé à de meilleurs performances cognitives (réf Ylalauri)

Cap sur les oméga 3

Petit rappel de chimie : il y a des acides carboxyliques très répandus dans la nature, composants essentiels des êtres vivants, notamment ceux possédant une chaîne carbonée longue, voire très longue : ce sont les acides gras. La chaîne carbonée pourra contenir des carbones insaturés donc des liaisons doubles. Oméga 3 indique une insaturation sur le 3e carbone en partant de l’extrémité (donc en partant du dernier carbone, dit « oméga »). Nous en avions parlé ICI.


Plus la molécule est insaturée (elle possède des liaisons doubles entre les atomes de carbone), plus la membrane dans laquelle elle s’intègre est souple et flexible.
En effet, des membranes biologiques constituées d’acides gras saturés sont beaucoup plus rigides et moins perméables (molécules plus serrées) que des membranes constituées de molécules polyinsaturées.

Ces propriétés de perméabilité et de souplesse sont importantes car il va en découler une capacité plus ou moins grande à laisser passer des molécules actives ou à apporter de la malléabilité aux membranes des cellules ce qui se traduit pour les neurones par une meilleure communication et pour nous, par de meilleures performances cognitives.

ALA / EPA / AHA : les trois oméga 3 les plus importants
ALA c’est l’acide α linolénique : on le retrouve dans l’huile de lin, de colza, de soja et les noix, germes de blé. Et nous sommes souvent en déficit donc il nous faut penser à varier les huiles assaisonnement.

ALA est précurseur des deux autres oméga-3 : DHA ou acide cervonique (on se passera du nom IUPAC) et l’EPA (acide timnodonique – car identifié dans le thon) tous les deux impliqués dans la constitution des membranes neuronales.

Plusieurs études ont montré un lien entre des apports insuffisants en ces oméga-3 et la maladie d’Alzheimer, la DMLA et le déclin cognitif.

Les derniers mois de grossesse et les premières années de vie sont capitales, il en va du développement du système nerveux central et de la vision ! Les prématurés sont donc particulièrement vulnérables puisque les dépôts se font dans les derniers mois de grossesse.
Le Dr Lecerf rappelle toute l’importance de l’allaitement maternel, car le lait maternel est riche en DHA (variable selon le régime alimentaire de la mère qui doit consommer du poisson gras – les plus petits pour s’affranchir des risques liés au mercure-… j’avais consacré un article entier à ce sujet ICI).

Les autres nutriments et aliments phares

On a parlé de beaucoup d’autres nutriments essentiels, et de beaucoup d’aliments : les besoins en protéines (pour la synthèse des neurotransmetteurs), en fer (pour le transport en Oxygène)…

Je retiens que l’œuf est un aliment intéressant : riche en lutéine (un anti-oxydant), en oméga-3, en vitamine B, en tryptophane (Acide Aminé essentiel pour fabriquer la sérotonine, un neurotransmetteur impliqué dans le bien-être et la gestion de l’humeur).

Je retiens aussi le régime méditerranéen, plébiscité de tous et avec raison.

Un livre pour résumer tout cela et aller plus loin

Vous avez peut-être envie d’aller plus loin afin d’avoir une vision raisonnée, rationnelle et argumentée des choses dans le domaine de la nutrition, une aide pour démêler le vrai du faux  ?

Jean-Michel Lecerf a co-écrit et coordonné un ouvrage aux Editions Belin, paru en Mars 2017.
Il est question de différents aspects de la question de l’alimentation pour assurer au mieux les besoins de notre cerveau. Il s’agit de « Connaître son cerveau pour mieux manger ».

Vous y retrouverez des tas d’informations sur les besoins du cerveau, les constituants idéaux du petit-déjeuner ou ce qu’il faut consommer juste avant un examen. Et surtout, vous n’aurez pas que de simples conseils de nutrition, vous comprendrez pourquoi : dans cet ouvrage, des notions de physiologie y sont expliquées de façon très accessible.

Mais on parle aussi largement de ce qui rend heureux (vive le chocolat !), des mécanismes de la faim, de l’effet de la distraction sur les quantités absorbées, des risques associés au local/Bio/allegé ou des arguments marketing… mais aussi des biais, ceux par exemple qui nous font considérer à tort un aliment bio comme « moins calorique » ce qui nous entraîne à en consommer davantage !

Bref un ouvrage à « consommer » sans modération.

Références :

Ylilauri MP et al., Association of dietary cholesterol and egg intakes with the risk of incident dementia or Alzheimer disease: the Kuopio Ischaemic Heart Disease Risk Factor Study, American Journal Clinical Nutrition Vol 105(2), 2017

Montgomery P,  »Low blood long chain omega-3 fatty acids in UK children are associated with poor cognitive performance and behavior: a cross-sectional analysis from the DOLAB study. », PLoS One. Vol 8(6), 2013

Martin M., « Fatty acid composition in the mature milk of Bolivian forager-horticulturalists: controlled comparisons with a US sample » (Lien ICI), Maternal and Child Nutrition, Vol 8(3), 2012

Hibbeln, « Maternal seafood consumption in pregnancy and neurodevelopmental outcomes in childhood (ALSPAC study): an observational cohort study », Lancet Vol 369, pp 578–85, 2007 – Lien ICI

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