Des recherches pour lutter contre les effets des traumatismes crâniens

Il y a quelques jours, une étude publiée dans PloS One (en open access) concerne des résultats de recherches relatives aux traumatismes crâniens. Elle repose sur l’analyse des cerveaux des pic-verts (la famille des Picidae) !
L’approche peut surprendre mais elle prend pourtant tout son sens quand on sait combien l’évolution et la sélection ont doté la Nature de mécanismes permettant une bonne adaptation à l’environnement.
Comment on le sait tous, le pic-vert a un comportement très caractéristique pour rechercher de quoi se nourrir (ou pour faire son nid): il cogne les troncs d’arbre pour faire sortir les insectes qui s’y cachent ! Enfin la plupart des espèces agit de la sorte mais, cela est moins connu, certaines espèces n’ont pas adopté cette pratique.
Pour le pic-vert qui frappe, avec violence, il faut bien le dire, il paraît assez incroyable que son cerveau résiste aussi bien aux chocs ! Une étude parue en 1976, dans The Lancet, a bel et bien montré que le pic-vert ne porte aucune trace dans son cerveau, de dommages causé par les multiples percussions du tronc d’arbre. Tout un pan de croyances et de recherches s’est donc appuyé sur cette affirmation : le cerveau du pic-vert reste intact. Des théories se sont alors développées pour expliquer les mécanismes permettant à l’oiseau de résister aussi bien aux cycles d’accélération/décélération, en particulier  :
– son bec pointu avec deux parties indépendantes,
– une langue très longue qui lorsqu’elle n’est pas sortie pour dénicher les insectes, joue un rôle de « renfort » en venant envelopper le cerveau comme un écrin,
– des structures osseuses plus épaisses au niveau du crâne,
– des muscles plus épais au niveau du cou.

Lorsque les études ont mis en évidence de pareilles adaptations, un certain nombre de recherches en innovation se sont axées sur le développement d’équipements de protection individuelle (casques) pour l’homme qui pratique des sports à risques pour le cerveau (via des traumatismes crâniens). Donc ces casques sont directement inspirés de la morphologie du crâne du pivert : logique.

Mais est-ce suffisant ?
Que se passe-t-il dans le cerveau humain en cas de traumatismes crâniens répétés ?
De nombreuses études ont mis en évidence, l’accumulation anormale d’une certaine protéine : la protéine tau ce qui peut conduire à l’encéphalopathie traumatique chronique (ETC). La protéine tau, c’est aussi la protéine qui pose problème et qui explique, en partie, les symptômes de la maladie neurodégénérative d’Alzheimer.
Alors quelques mots sur cette protéine : sa présence est très utile pour les neurones, elle se situe à l’intérieur de l’axone et assure stabilité/flexibilité. Mais en cas de choc ou de vieillissement, la protéine se détache plus intensément et n’est pas éliminée. Une concentration élevée conduit à dépasser le point de solubilité et des filaments se forment et entravent une bonne communication entre neurones.

L’étude publiée très récemment par des équipes de chercheurs américains (université de Boston, Massachusetts), vient remettre en cause ce qu’on croyait savoir. Si les travaux de 1976 semblaient ne pas montrer de preuves de dommages sur le cerveau du pivert ce n’est pas pour autant que c’était la preuve de l’absence de problèmes. Surtout que cette étude de 1976 semble être la seule du genre à s’être penchée sur la question et que la méthode employée à l’époque n’était peut-être pas la mieux adaptée.
Ainsi, par le biais de nouvelles analyses mettant en oeuvre de nouvelles techniques, l’étude de cerveaux de piverts (15 individus étudiés de tous âges) a montré, qu’en fait, les percussions répétées avaient un impact neurobiologique visible: la protéine tau s’accumule bel et bien dans le cerveau des piverts qui cognent les troncs d’arbre et ce n’est pas le cas, pour les piverts qui ne pratiquent pas cette habitude.
L’approche analytique s’est faite en deux étapes : une visualisation des neurones (coloration à l’argent) et localisation de protéines accumulées par la détection d’antigène dans les tissus (immunohistochimie).
La protéine tau a principalement était repérée dans la partie frontale du cerveau sous la forme de filaments, et des axones abîmés et des gonflements ont également été observés : il s’agit justement de la zone où la force liée à la percussion est le plus dissipée. C’est également dans cette zone que la protéine s’accumule chez les personnes présentant des troubles cognitifs.

Ces résultats suggèrent fortement un lien entre les chocs répétés reçus sur le crâne et l’accumulation de la protéine tau. Mais des questions se posent :
– l’accumulation de cette protéine est-elle le signe d’une pathologie chez le pivert ? et si oui, comment la gère-t-il ?
– Ou est-ce un moyen supplémentaire pour le volatile de s’adapter et de traiter le traumatisme ?

Les résultats sont plutôt encourageants mais l’étude doit être reproduite, complétée (réalisée ici sur un petit nombre d’individus seulement) pour confirmer et aller plus loin. Les enjeux sont importants pour comprendre si le modèle du pivert utilisé pour concevoir des objets de protection individuelle à destination des sportifs est adapté ou non.

Références :
1- May P, Newman P, Fuster J, Hirschman A. « Woodpeckers and Head Injury. », The Lancet 1(7957): 454–55., 1976
2- Farah G, Siwek D, Cummings P, « Tau accumulations in the brains of woodpeckers », PLoS ONE 13(2): e0191526. 2018, https://doi.org/10.1371/journal.pone.0191526

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