Déchets plastiques et maladies des coraux

Une riche littérature scientifique documente les effets désastreux du réchauffement climatique sur les récifs de coraux (d’une part à cause de la hausse des températures et d’autre part à cause de l’acidification des océans). Quoique, il y a eu récemment quelques bonnes surprises (certains coraux s’en sortent bien).

Mais un autre fléau menace la survie des récifs coralliens : les déchets plastiques. Un bel article scientifique vient juste de paraître dans Science [3] (Janvier 2018) : il met en lumière l’impact colossal des plastiques qui s’accumulent dans les océans mondiaux sur la vie marine et notamment les coraux. Voyons un peu de quoi il s’agit.

Le plastique est un matériau qui a eu le vent en poupe depuis les années 50. Sa croissance a été extrêmement rapide et on ne peut plus s’en passer, notamment dans le domaine des emballages. Il est vrai qu’ils sont pratiques, légers, résistants … mais leur longévité est courte (par notre mode de vie qui en fait des consommables) et leur fin de vie est souvent, à l’échelle planétaire, désastreuse. En effet, ils sont difficilement biodégradables (bien que certaines bactéries parviennent à dégrader le PET, le plastique qui constitue les bouteilles en plastique, je vous en parlais ici).

Heureusement, la prise de conscience commence à remettre en question son utilisation massive notamment pour les emballages, et de nouvelles lois ont vu le jour. Mais le mal est fait, notamment au niveau des océans : certains considèrent même les déchets plastiques comme marqueur géologique de l’ère dit « Anthropocène ».

Selon une étude de 2017 [1], la quantité totale produite cumulée sur la période [1950-2005] est estimée à 8300 Millions de tonnes (Mt). Sur cette quantité, plus de la moitié s’est retrouvée dans le flux de déchets plastiques (soir 4600 Mt) et une faible fraction correspond au recyclage (500 Mt) (une autre fraction correspond à de l’incinération : une des seules autre voie que celle du recyclage pour faire disparaître les plastiques).

Production, utilisation, recyclage, déchets de plastiques (cumul 1950-2005)

Bref, les déchets sont prépondérants, et une part très importante se retrouve dans la mer : sur les côtes; la glace Arctique, à la surface de la mer mais aussi dans les fonds océaniques.
Les auteurs de l’étude [2], parue en 2015, estiment qu’une quantité comprise entre 4,8 Mt et 12,7 Mt de plastique entre dans l’ocean chaque année ! D’ici 2025, cela risque même d’être encore bien pire

Ils finissent même, pour certains, par se retrouver fragmentés en petites particules que des petits invertébrés marins sont capables d’ingérer. Mais dans quelles mesures les récifs coralliens peuvent-ils souffrir de cette pollution aux déchets plastiques ?

Quid des coraux ?
On déplore de nombreuses épidémies de maladies touchant les coraux, et cela menace l’un des plus riches écosystèmes de la planète ! Et les déchets plastiques pourraient jouer un rôle important dans la prévalence de ces maladies. Les auteurs de l’étude [3] se sont intéressés à plus de 150 récifs corraliens dispersés sur 8 zones différentes de la planète (Archipel des Mergui en Birmanie, des îles de Thaïlande, des îles d’Indonésie, et sur les côtes australiennes). Ils ont cherché à repérer des signes de perte de matière et surtout à relier les observations à la présence ou non de déchets plastiques dans leur l’environnement.

La prévalence des maladies rencontrées chez les coraux est démultipliée lorsque ces derniers sont dans un environnement riche en déchets plastiques. Il s’agit en particulier des syndromes de blanchiment (augmentation de la probabilité de 17%), de la maladie de la bande noire ((augmentation de la probabilité de 5%) et de l’érosion du squelette (augmentation de la probabilité de 24%). C’est l’une des premières fois qu’une étude montre que les débris plastiques ont un impact sur le développement de maladies dans l’environnement marin.

Ces résultats ont ensuite été analysés afin de pouvoir comprendre les mécanismes mis en jeu, même si de nombreuses recherches restent à mener pour confirmer les premières hypothèses. Il semble que les déchets plastiques puissent d’une part provoquer des blessures physiques (par érosion/abrasion) et d’autre part héberger des colonies de pathogènes qui peuvent ensuite s’attaquer aux coraux et provoquer les maladies.


Par exemple, le PVC est un plastique sur lequel se développent préférentiellement, des bactéries pathogènes (des Rhodobacterales) qui sont bien adaptées aux milieux aquatiques [4]. Ces espèces-là ont justement été repérées comme étant associées aux épidémies de maladies chez certains coraux.


Dans les zones tropicales, ce problème de développement bactérien pathogène qui voyage grâce aux plastiques est encore plus accru que dans les régions polaires.

Toutes les espèces de coraux ne sont pas impactées de la même façon par les particules de plastique. Tout dépend de la morphologie des colonies : certaines structures, les plus complexes et tortueuses,  permettent de piéger plus efficacement les déchets.

Bref, ces résultats sont intéressants : la pollution marine n’a jamais autant révélé l’ampleur de ses effets. La lutte contre l’utilisation des plastiques, la gestion des décharges, les comportements éco-responsables sont plus que jamais de mise.

Références :
1- Geyer R., Jambeck J. R., Lavender Law K., « Production, use, and fate of all plastics ever made », Science advances, Vol 3: e1700782, 2017

2- Jambeck J. R, Geyer R., et al. « Plastic waste inputs from land into the ocean », Science, VOL 347 ISSUE 6223, 2015

3- Lamb J., Willis B. L. et al. « Plastic waste associated with disease on coral reefs », Science, Vol 359, pp 460-462, 2018

4- Dang H. et al., « Cross-Ocean Distribution of RhodobacteralesBacteria as Primary Surface Colonizers in Temperate Coastal Marine Waters », Applied and Environmental Microbiology, vol. 74 no. 1 52-60, 2008

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