J’avais déjà eu l’occasion d’évoquer de jolies découvertes tout près de chez moi dans la campagne, aux bords de la Deûle, une rivière qui passe par Lille et plus au sud vers Santes. D’importants travaux visant à améliorer la qualité de l’eau et la nature environnante ont été mis en place depuis plusieurs années ; citons par exemple la création du Parc de la Deûle situé au sud de la Métropole Lilloise (plus d’info ICI). Souvenez-vous, je vous en avais parlé d’une balade le long du Canal à Santes (avec champignons, canal colvert, foulque macroule) et d’une sortie au Relais Nature.
La semaine dernière, deux événements m’ont permis de constater que les efforts de dépollution et de renaturation ont porté leurs fruits. La Nature est bel et bien riche autant aux abords de la Deûle que dans ses profondeurs.
La 12e nuit de la Chouette
Pas plus tard qu’il y a deux jours, une sortie organisée par les Espaces naturels de la MEL, l’association Santes Nature et le GON a permis d’accueillir une bonne soixantaine d’amoureux de la nature pour une plongée au cœur de l’obscurité à la découverte des chouettes et les hiboux. La sortie s’inscrit dans le cadre de la 12e Nuit de la Chouette à l’initiative de La LPO (Ligue pour la protection des Oiseaux) et la Fédération des Parcs naturels régionaux de France.
Pour commencer, une chouette exposition 😉 nous a permis de planter le décor et de nous familiariser avec les différentes espèces; notamment celles implantées dans notre territoire.
Dans la métropole Lilloise, on peut en particulier observer ou entendre chanter la chouette Hulotte, la Chouette Chevêche, la Chouette Effraie (Dame Blanche) et le hibou Moyen Duc : des espèces que nous avons tenté de repérer lors de notre balade.
De belles images, des explications détaillées, des ateliers de dissection et d’observations des pelotes de réjection, des tests de reconnaissances des chants, des informations sur les techniques de chasse, les caractéristiques physiques… nous voilà prêts pour la sortie.
Alors en bref, voici quelques points qui m’ont marquée.
Les pelotes de réjection sont des régurgitations des rapaces (mais pas qu’eux) qui apparaissent quelques heures après le repas parce que les proies sont ingérées d’un coup sans être croquées. Que se passe-t-il exactement ?
Les sucs digestifs s’attaquent à tout ce qui est digeste mais les parties plus dures, minérales tels que les os, les coquilles, les plumes, poils sont alors rejetées et permettent à celles et ceux qui retrouvent ces restes d’identifier le rapace (par la forme et l’aspect de la pelote) et de reconstituer son régime alimentaire (petits mammifères mais aussi insectes).
Le tri et le classement sont très méticuleux.
Notons que les pelotes des rapaces nocturnes se distinguent de celles des rapaces diurnes par le fait que les sucs digestifs moins puissants ce qui conduit à la présence de nombreux os dans la pelote (celle des diurnes sont moins riches en os mais denses en poils).
Chez les rapaces nocturnes, pour parvenir à chasser efficacement, il est primordial de ne pas se faire repérer et se déplacer sans bruit pour s’abattre par surprise sur les proies. A cet effet, les plumes disposent en général de poils spéciaux disposés sur le bord d’attaque sous forme de peigne ce qui permet de fendre l’air efficacement. Cette caractéristique ainsi que la surface duveteuse permet de réduire la turbulence.
De plus près…
Et puis, l’habitat de ces charmantes bestioles a également été évoqué. Elles aiment généralement nicher au creux de arbres ou dans les trous des écorces.
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La taille (du verbe tailler) des arbres a d’ailleurs un sacré rôle à jouer dans l’affaire. La forme têtard qui est obtenue après des étêtages réguliers est propice à la formation d’anfractuosités que convoitent nos amies les chouettes.
Voici un exemple issu de ce merveilleux blog (des photos renversantes).
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Bref, nous voici partis dans la nuit noire (ou presque puisque la Lune nous éclaire) pour une balade de plus de deux heures… à traquer « en douceur » les chouettes en des endroits bien choisis.
Nous avons la chance de pouvoir entendre le chant de la chouette Chevêche et de la Hulotte (à plusieurs reprises).
Sur notre route, nous croisons également un certain nombre de crapauds… trop mignons. Mais notre guide nous explique qu’ils sont très fragiles au niveau de leur peau et qu’il faut éviter de les toucher
En un mot, une soirée agréable, riche en enseignements… Nous avons bien sûr été sensibilisés sur le fait que les chouettes sont de plus en plus dérangées (notamment par la pollution lumineuse et la raréfaction des habitats). Il faut les protéger au maximum d’autant plus que peut également se rajouter pour certaines espèces la raréfaction de leurs ressources (surtout lorsqu’elle consomment des insectes).
Merci à Claire Poitout (chargée de mission sur la faune sauvage à la MEL) qui a animé avec passion et aux autres membres du GON pour leur organisation précieuse (Daniel Wgeux- Santes Nature et Daniel Fruleux)
Passons à un autre domaine de la biodiversité : celle qui se rencontre sous l’eau. Il est intéressant de s’interroger sur la façon dont la vie peut s’organiser dans une des rivières qui fut longtemps étiquetée comme la plus polluée de France (riche en métaux lourds, mais aussi forte teneur en nitrites, en HAP et d’un point de vue physique, une turbidité élevée).
Le sujet de la biodiversité au sein de la Deûle est étudié depuis plusieurs années maintenant et une conférence organisée par la MRES de Lille dans Regards d’Experts (Maison Régionale de l’Environnement et des Solidarités) a permis de mettre en lumière les travaux de deux passionnés : Florent Lamiot (écologue, enseignant) et Thomas Lemoine qui ont pris le temps, les moyens de filmer les profondeurs de la moyenne Deûle, au niveau de Lille avec des images en plans macro à vous laisser bouche bée.
La conférence était menée par F. Lamiot et Yohan Tison (écologue) ; elle avait pour but de présenter le film, le commenter et de parler de la suite : la conception d’un petit robot qui permettrait, dans des conditions difficiles telles que celles-ci, de poursuivre les études et surtout de mener des observations encore plus précises tout en les mettant à disposition de tous les chercheurs.
Voici le film en question : ces images datent de ces trois ou quatre dernières années et attestent d’une richesse incroyable qui encouragent à croire que les efforts réalisés en matière de dépollution (meilleur assainissement, arrêt des usines polluantes) ont porté leurs fruits.
Alors cap sur les éponges d’eau douce (Spongilla lacustris) vivant en symbiose avec l’algue Cristatella mucedo (une cohabitation qui joue d’ailleurs un rôle certain dans la filtration de l’eau) mais aussi sur l’escargot aquatique vivipare « la paludine vivipare » (Viviparus viviparus), les algues filamenteuses et moules zébrées (invasives mais impliquées également dans l’auto-épuration), un champignon à lamelle entièrement subaquatique, les perches et j’en passe… Une version commentée de la vidéo sortira bientôt et nous livrera bien plus de détails.
La conception du robot pour la suite du projet est motivante : un drone subaquatique pour réaliser des images encore plus précises et ce, dans des lieux difficiles d’accès. La chose n’est pas simple et les challenges à relever font appel de des compétences très larges (gestion de projet, ingénierie, robotique, ingénierie informatique, optique biologie, hydraulique, biomimétique…).
Nous pouvons tous contribuer pour que ce projet, appelé « CH’ti Plouf prenne vie : une aide financière (campagne de financement participatif Ulule lancée début février), une aide à la diffusion des informations pour faire connaître ce projet, une contribution technique (ou autre) via la page Wikiversité dédiée.
Je ne résiste pas, encore une fois (voir les deux précédents posts), à admirer les superbes planches d’Haeckel.