Mercredi, c’était la journée mondiale de la maladie d’Alzheimer. C’est un sujet qui m’intéresse beaucoup, d’une part parce qu’il touche un organe tellement passionnant mais si complexe (sur lequel on n’a encore peu de moyens d’action) et d’autre part parce que cette maladie fait peur et que les ravages qu’elle provoque -tant chez la personne touchée que ses proches -sont immenses.
A cette occasion, je souhaitais faire un court résumé de la conférence à laquelle j’ai assisté le 20/09 à l’Institut Pasteur de Lille (qui organise pas mal de conférences santé à destination du grand public, un autre article ICI).
Elle était donnée par le Pr Philippe Amouyel, directeur de l’unité “ Facteurs de risque et déterminants moléculaires des maladies liées au vieillissement ” qui a fait le point sur les avancées récentes en matière de recherche tant du point de vue scientifique que sociétale et économique. Une conférence très claire et didactique qui a passionné plus d’un auditeur, de tous horizons et de tous âges : les questions posées ont été nombreuses et très enrichissantes.
On a parlé des signes cliniques, des causes, des difficultés du diagnostic, des mécanismes connus, des conséquences sur tous les plans, des traitements, des essais, des idées, des espoirs, des facteurs protecteurs, des facteurs de risque… le tout présenté de façon passionnante et dynamique avec le support de mots clés, de photos, de scans, de graphes, de chiffres, de courbes, de simulations, de films et de bons messages.
Les signes cliniques et difficultés du diagnostic
Le conférencier nous a présenté les signes associés à la maladie d’Alzheimer :
– troubles de la mémoire, notamment pour les faits récents,
– troubles de l’orientation dans le temps et l’espace,
– troubles des fonctions exécutives (ne plus parvenir à se servir d’un objet du quotidien)
– troubles du comportement tels que des colères subites, une rupture totale avec le caractère d’antan,
– des troubles de l’humeur (apathie).
Mais malheureusement, la réciproque n’est pas totalement vraie : l’ensemble de ces troubles peuvent en fait être associés à d’autres maladies qu’il faut d’abord éliminer avant de pouvoir véritablement poser le diagnostic d’Alzheimer. Il n’existe pas de test simple permettant de repérer la maladie bien que l’IRM permette de mesurer le volume de l’hippocampe, et que le PET scan repère les plaques amyloïdes (ce ne sont que des indices). La dégradation des signes cliniques (lentement mais sûrement) dans le temps est néanmoins un indice fiable pour le diagnostic.
L’auditoire a également été sensibilisé au fait que les problèmes ne sont véritablement évoqués à un professionnel de santé (par le malade ou quelqu’un de son entourage) QUE lorsque la gêne occasionnée impacte réellement le quotidien, lorsqu’il y a véritablement rupture dans la vie sociale.
Or à ce moment là, il est déjà bien tard pour agir : la maladie a alors entamé depuis plusieurs années (10 à 15 ans) son travail de sape neuronale et les médicaments disponibles ne permettent pas de restaurer les pertes. Peut-être quelques espoirs avec les recherches de nouvelles molécules (voir un ancien post) mais pour l’instant rien de concret, applicable dans l’immédiat.
Petit message : en cas de doute, des petites pannes peuvent être des signes précurseurs qu’il ne faut pas négliger : des consultations mémoire sont possibles. Il peut encore valoir la peine de réagir pour lutter contre les effets de la maladie et retarder le « point de non retour ».
Deux formes
Même si la maladie se rencontre majoritairement au-delà de 65 ans, une des formes est précoce. Elle concerne 1 à 2 % des cas et est souvent héréditaire.
La seconde forme est tardive, concerne 98% des cas et apparaît après 65 ans,de manière isolée.
Deux types de lésions
Les dépôts de plaques amyloïdes et des dégénérescences neurofibrillaires sont les deux lésions qui handicapent la bonne communication entre neurones qui finissent par mourir. Les problèmes apparaissent toujours en premier au niveau de l’hippocampe : une zone centrale du cerveau sous la surface du cortex, impliquée dans la formation de nouveaux souvenirs (mémorisation), le repérage spatial, l’attention.
Peu à peu, les lésions gagnent l’ensemble du cerveau.
A partir d’un point seuil, la perte cognitive augmente de façon exponentielle (ou presque 😉
Les plaques et lésions apparaissent bien plus tôt que les symptômes cliniques source : Etude sur la souris
C’est dans cette phase que les malades franchissent le point où les dommages sont tels qu’une « vie normale » n’est plus possible : c’est là que le diagnostic de la maladie est possible.
Notre conférencier insiste sur le fait que cette progression rapide au delà du seuil est là-même dans tous les pays, toutes les cultures, ce qui rejette un effet lié au mode de vie et à la société.
La progression de la maladie : projection d’ici 2050
47 millions de personnes malades d’Alzheimer en 2015 dans le monde. Compte tenu du vieillissement des populations, ce nombre va fortement augmenter et plus particulièrement sur le continent asiatique.
L’impact mondial sur la santé, l’économie, la société risque d’être plus que conséquent sans compter les charges sur les familles.
Le problème des maladies neurodégénératives est, au même titre que le changement climatique, un des grands défis sociétal identifié par l’OMS.
La recherche de traitements
Les traitements chimiques actuellement disponibles ont pour but d’augmenter la quantité de neurotransmetteurs dans le cerveau (en évitant leur destruction par les enzymes). Cela permet d’améliorer sensiblement la performance cognitive, à la condition que des neurones qui fabriquent ces neurotransmetteurs soient encore présents en quantité suffisante. Dans tous les cas, l’effet de tels traitements s’amenuise avec le temps.
Les recherches vont bon train, une vingtaine de médicaments sont actuellement en phase 3 (comparaison -sur des milliers de personnes- des effets thérapeutiques par rapport à un placébo).
En général, les travaux sur Alzheimer sont compliqués :
– on travaille sur l’organe le plus complexe de l’homme,
– la maladie s’insinue sur plusieurs dizaines d’années,
– les essaies cliniques s’étendent sur de très longues périodes,
– les financements de recherche sont 10 fois inférieurs à ceux alloués pour les travaux sur le cancer,
– le nombre de chercheurs est également 10 fois moindre que pour le cancer.
Le but de ces nouvelles molécules consiste soit à diminuer la présence de la protéine amyloïde ou son agglomération, soit à réduire l’agrégation de la la protéine tau.
Facteurs liés à la maladie : des possibilités de lutter
Les facteurs non modifiables sont l’âge, les antécédents familiaux, la génétique (en particulier les gènes liés au métabolisme de l’amyloïde, ou à l’inflammation, mais il y en a d’autres)
Les facteurs modifiables comprennent :
– les traumatismes crâniens (boxeurs, footballeurs, maltraitances diverses),
– le risque vasculaire (diabète, obésité, hypertension) : des vaisseaux sanguins en parfait état garantissent une bonne « alimentation » en sucre et oxygène des cellules cérébrales,
– la dépression,
– la réserve cognitive (le fait que le cerveau soit capable de compenser les dommages subis).
C’est sur ce dernier point, que reposent beaucoup d’espoir à court terme. Parce que lorsqu’on y regarde de plus près, certes le nombre de cas augmente mais la prévalence (un pourcentage) diminue. Une étude de cohorte publiée récemment (Etude Framingham, 2016, source) a consisté à suivre plusieurs milliers de personnes (habitant de Framingham, Massachussets) pendant 40 ans, et à observer le nombre de nouveaux cas à différentes époques.
En 1980, 3.6 % de la population (de l’étude) était touchée, en 1990 ce chiffre descend à 2,8 % et à 2 % en 2010.
En une trentaine d’année, il semble que l’incidence de la maladie soit à la baisse.
Ce résultat s’explique par une meilleure lutte contre les maladies cardio-vasculaires, et est également attribué à une meilleur niveau d’éducation des populations.
Ce qu’il faut retenir, c’est le fait que le cerveau soit capable de lutter et de résister aux effets de la perte neuronale d’autant plus s’il a des activités stimulantes. Quelques exemples ont été évoqués : l’apprentissage des langues étrangères, l’acquisition de nouvelles connaissances, l’interaction sociale, le jardinage/bricolage, l’activité physique, l’organisation de voyages… tout cela contribue à améliorer la réserve cognitive : ce sont des actions qu’on peut tous entreprendre (ou maintenir).
Décaler, ne serait-ce que de quelques années, le déclenchement de la dégénérescence est primordial et pourrait permettre de faire la jonction avec le moment où les thérapies faibles seraient validées.
En ce qui concerne les facteurs environnementaux liés à notre alimentation, deux informations à retenir :
– l’aluminium (des papillotes ou des vaccins 🙁 ) n’est pas en ligne de mire : les niveaux sont bien trop faibles pour qu’on se focalise sur ce sujet,
– la consommation de poisson riche en Oméga 3 est un élément protecteur (on en parlait ICI)
La note sensible
J’ai aussi beaucoup apprécié la dimension humaine de cette conférence et le message véhiculé : prendre soin de l’autre qui perd peu à peu pied fait une énorme différence. Un petit film nous a présenté le quotidien d’une personne malade, vu selon sa propre perception … On sentait franchement la panique de cette dame qui avait des difficultés pour prendre le bus, retirer de l’argent au distributeur ou faire ses courses.
Le film a été tourné une 2e fois, avec une attitude plus positive et empathique de la société : une aide simple pour les uns qui fait toute la différence pour les malades.
NB : les infos présentées ici sont celles recueillies lors de la conférence (en version synthétique). Les images sont issues de mes propres recherches, illustrant celles qui nous ont été projetées.
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