Note préliminaire : Les informations présentées en version très simplifiée sont issues de mes lectures (références en bas d’article). Elles ne se substituent en rien au diagnostic et explications d’un professionnel de santé.
Résumé succinct partie I
La première partie, à relire ICI, présente la cellule, son noyau au sein duquel on trouve l’ADN.
Ce premier volet a balayé les spécificités des cellules mammaires (de type « épithéliales » ou « revêtement » et « myoépithéliales » qui se contractent), leur organisation et leur évolution via les cellules souches tout au long de la vie d’une femme (cycle, grossesse, allaitement). Parfois, ces cellules souches évoluent en tumeur : la prolifération n’est plus contrôlée.
Résumé succinct partie II
La deuxième partie, à relire ICI, a permis de comprendre les différents types de cancers du sein avec les principales classifications (selon la zone touchée, le profil génétique de la tumeur, selon les caractéristiques moléculaires ou selon leur agressivité).
Les cellules peuvent posséder différents types de récepteurs : à œstrogènes, progestérone, et à certaines hormones de croissance (liste non exhaustive). Ils peuvent être plus ou moins nombreux, et parfois en excès : dans ce cas, ils sont activés par la présence de certaines molécules : la division cellulaire est amplifiée, jusqu’à atteindre un point de non retour.
Résumé succinct partie III
La 3e partie, à relire ICI, a mis l’accent sur les causes endogènes (donc internes au corps) du cancer du sein. Différentes mutations génétiques (BRCA1 et BRCA2, HER2, protéine Myc, protéine p53) ou les causes hormonales (forte exposition aux œstrogènes ou molécules les imitant, androgènes, vitamine D) ont été évoquées.
Y a-t-il des causes exogènes connues et connait-on les mécanismes mis en jeu ? Tout est souvent lié aux œstrogènes ou à des molécules qui leur ressemblent chimiquement.
Partie IV : les causes exogènes connues de cancer du sein (environnement, mode de vie …)
Le mode de vie
La prise d’hormones (contraception – traitements)
On a largement parlé de l’effet de ces hormones dans le précédent post.
Donc la prise exogène de ces hormones augmente sensiblement les risques notamment chez les femmes qui les utilisent tardivement.
Il en est de même pour le traitement hormonal substitutif avec un risque plus marqué lorsqu’il y a association des deux hormones (œstrogènes / progestérone). Mais le risque redescend dès l’arrêt de la prise.
Grossesse – Allaitement
Le choix d’avoir un enfant, l’âge du premier enfant et le nombre d’enfants sont, à priori – dans une majorité de cas- issus d’un choix de vie. La décision d’allaiter aussi.
Ces deux facteurs liés à la reproduction s’expliquent principalement par le fait que les lobules mammaires évoluent à chacune des grossesses et en cas d’allaitement*. Cette évolution est possible par la présence des cellules souches dans les ébauches mammaires. Cela a été démontré de façon convaincante par différentes équipes.
Ainsi chez une femme sans enfant (ou nullipare), une écrasante majorité des lobules n’est pas « à maturité » : ils sont plutôt proches de cellules souches, peu différenciées. Or, les lésions cancéreuses démarrent plutôt de ces cellules non matures.
* Pour l’allaitement d’autres mécanismes protecteurs sont également avancés, ils seront expliqués dans la partie V de la série d’articles.
Le surpoids
C’est surtout la masse adipeuse qui joue un rôle dans l’histoire dans la mesure où les tissus adipeux libèrent des hormones stéroïdiennes dans le sang : une enzyme qui s’appelle l’aromatase (on en avait parlé dans la 3e épisode) les transforme alors en œstrogènes… Encore eux !
Parvenir à limiter les réserves graisseuses permet donc de maintenir les hormones stéroidiennes a des niveaux plus bas ce qui est bénéfique pour la quantité d’œstrogènes potentiellement dommageables sur le long terme.
La fumée de cigarette
Un bon nombre de carcinogènes présents dans la fumée de tabac (des HAP ou des amines aromatiques) passent dans le sang et sont donc susceptibles de se retrouver au niveau du sein, et de se stocker dans le tissu adipeux (ces molécules sont lipophiles) et la mutation du gène p53, gardien du génome, peut se produire (mutation observée chez les fumeurs).
Pendant longtemps, aucun lien n’était établi entre la cigarette et le cancer du sein et les résultats étaient assez variables : tout simplement parce que l’action négative d’un côté peut être compensée par un action sur les œstrogènes (les estradiols sont transformés en des formes inactives). Mais depuis quelques années, des résultats d’études s’accumulent et montrent que fumer beaucoup et longtemps induit une augmentation de risque de cancer du sein notamment lorsque la consommation a débuté avant l’âge d’avoir des enfants, parce que le tissu constituant le sein n’est pas pleinement développé et plus sensible aux transformations.
Les facteurs nutritionnels
L’alimentation
Un certain nombre d’études se sont penchées sur les acides gras trans. Nous en avions parlé dans cet article AGT et santé : il s’agit de longues molécules avec une double liaison ce qui offre plusieurs possibilités dans la configuration spatiale. Dans la configuration trans, la molécule est linéaire tandis que dans la configuration cis, elle est courbée.
Les AGT se trouvent en petite quantité dans la nature (un peu dans le gras des viandes et dans le lait). Les AGT qu’on retrouve en grande quantité sont issus de l’alimentation transformée, les biscuits, viennoiseries, pâtes à tartiner issues de l’hydrogénation d’huiles végétales liquides.
Cette transformation qui fait apparaître les acides gras trans, permet d’augmenter la stabilité du produit en le solidifiant.
Plusieurs études ont mis en évidence qu’un niveau sérique élevé d’AGT (associé à une forte consommation de préparations industrielles), augmente sensiblement le risque de cancer du sein invasif. Par contre, les résultats ont montré un effet protecteur des acides gras oméga 3 (plusieurs insaturations, la première en position 3 : relire cet ancien post sur l’effet positif des oméga 3).
D’autres résultats sont révélateurs : des femmes asiatiques (forte consommation d’oméga 3 via le poisson gras) ont typiquement des taux plus faibles de cancer du sein que dans les pays occidentaux.
Lorsque ces femmes modifient leur régime alimentaire (émigration vers l’ouest), la fréquence d’apparition du cancer du sein augmente. Cela laisse sous-entendre que l’environnement, incluant les habitudes alimentaires, fait partie des facteurs de risques. Et les effets dépassent même le champ d’action d’une génération : chez la souris, l’incidence de tumeurs mammaires chez des mères en gestation dont le régime était enrichi en ω6 augmentait de façon notable.
En ce qui concerne les mécanismes, ce n’est pas encore très clair. Il semble que la consommation accrue d’AGT modifie des processus hormonaux (libération d’insuline et de facteurs de croissance) qui stimulent le développement de cellules et inhibent la mort cellulaire (protection contre le développement de tumeurs).
La consommation d’alcool
Un bon nombre d’études a mis en évidence l’effet néfaste de la consommation d’alcool sur différents types de cancers incluant le cancer du sein même si l’impact est plus faible pour ce dernier.
Selon CancerResearch UK, il y a 3200 cas de cancer du sein par an, imputables à l’alcool et l’effet se fait sentir notamment dès un verre par jour (risque multiplié par 1,5 entre 2 et 5 verres par jour).
Plusieurs mécanismes peuvent agir de concert :
– l’alcool ingéré (éthanol) est transformé en un sous-produit, l’acétaldéhyde, une molécule toxique qui endommage l’ADN et empêche les cellules de se réparer.
– l’alcool augmente le niveau de certaines hormones : notamment les œstrogènes (avec les conséquences qu’on a déjà évoquées) ainsi que des facteurs de croissance (qui favorisent la prolifération),
– l’alcool joue aussi sur les folates : la concentration plus faible est préjudiciable car cette vitamine aide à produire l’ADN.
Les perturbateurs endocriniens
Il s’agit par exemple de produits de synthèse (ou de produits naturels) ayant une action œstrogénique : parlons du bisphénol A (noté BPA). On parle aussi de xénœstrogènes.
Comme son nom l’indique, la molécule contient deux groupements phénols ce qui le rend capable de se lier aux récepteurs à œstrogènes, même si globalement, les molécules sont de structure différente.
Le BPA est utilisé comme maillon des résines époxydes et polycarbonates et entre donc dans la composition d’un certain nombre de plastiques (en particulier ceux qui constituaient les biberons, jusqu’en 2010 ou le revêtement intérieur des canettes en aluminium) ; il s’avère que dans certains cas (polymérisation incomplète par exemple), le BPA soit capable de quitter la matrice plastique d’une bouteille dans laquelle il est imbriqué et contaminer la nourriture. Mais les études montrent que ce n’est pas la seule voie d’exposition à laquelle l’homme est soumis.
Un bon nombre d’études se sont donc penchées sur les effets du BPA comme perturbateur endocrinien (et c’est à ce titre qu’il pourrait augmenter le risque de cancer du sein) et finalement, c’est compliqué :
– le BPA a une affinité pour les récepteurs à œstrogènes (ER), oui mais avec une affinité environ 10.000 fois plus faible que les œstrogènes eux-mêmes,
– la réponse des différents tissus munis de ces récepteurs est différente selon le tissu concerné (les cellules mammaires répondent bien),
– même avec une faible affinité avec les ER, des études ont révélé une grande variété de processus par lesquels le BPA peut déclencher à faible concentration, une réponse des cellules,
– l’effet est notable dès l’exposition intra-utérine.
En ce qui concerne la glande mammaire, sur la base d’études sur la souris, l’exposition au BPA modifie l’organisation des cellules lors de la puberté et à l’âge adulte. En particulier, l’apoptose (mort cellulaire nécessaire pour le développement des alvéoles) est altérée : le nombre de bourgeons terminaux est plus élevé…bref il en résulte un nombre plus important de cellules peu matures, là où s’initient généralement les lésions cancéreuses.
Autres molécules carcinogènes
On peut citer les dioxines …
Rappelons qu’il s’agit de molécules faites d’hétérocyliques et de noyaux aromatiques ayant deux atomes d’oxygène. Ces molécules ont la particularité d’être stables et lipophiles. Elles sont issues d’une combustion « incomplète » lors de phénomènes naturels (incendies, activité volcanique) ou de processus industriels (qui accompagnent des combustibles incomplète). Les preuves concernant le lien entre le cancer du sein et l’exposition à ces molécules font l’objet de controverses et la question n’est pas tranchée, donc … à suivre. En attendant, attention aux fausses alertes !
Fin de la partie IV
Rendez-vous pour la dernière partie de la série.
Partie V : quels sont les facteurs protecteurs connus. Quels sont les mécanismes mis en jeu ?
Références :
Key J, Hodgson S, Omar RZ, et al. Meta-analysis of studies of alcohol and breast cancer with consideration of the methodological issues. Cancer Causes Control. 17(6):759-70, 2006.
B. Tiede et Y. Kang, « From milk to malignancy: the role of mammary stem cells in development, pregnancy and breast cancer », Cell Research (2011) 21: 245–257
Association between serum trans-monounsaturated fatty acids and breast cancer risk in the E3N-EPIC Study, Am J Epidemiol. Author manuscript,
Vandenberg et al., « Bisphénol-A and the great Divide : A Review of Controversies in the Field of Endocrine Disruption » , Endocrine Reviews, Vol 20(1), 2008, DOI: http://dx.doi.org/10.1210/er.2008-0021
Mira MacLennan, « Role of dietary fatty acids in mammary gland development and breast cancer, Breast Cancer Res », Vol 12(5), 2010 : 211.http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3096965/
http://www.cancer.org/cancer/breastcancer/detailedguide/breast-cancer-risk-factors
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