Dernier article de l’année sur ce blog…Il fallait bien finir en beauté, non ? Alors profitons de nous trouver entre deux repas festifs pour parler « crottes » et détendre l’atmosphère. Car non, les « pipi, caca » ne sont pas réservés au champ lexical des blagues de nos tout-petits : tout ce qui tourne autour des déjections fait généralement sourire, enfants ou adultes sauf éventuellement quand on passe à table.
Je vous avais déjà parlé des petits bouquins d’une jolie collection destinée aux enfants de « Delachaux et Niestlé« , éditeur « Partenaire officiel de la Nature depuis 1885 » (voir deux précédents posts sur ces petits bouquins, ICI et LA). Je suis fan de cette collection. L’un des petits derniers (paru en septembre) est entièrement consacré aux crottes, excréments, bouses, fèces … de toutes natures, formes, utilités (et j’en passe) qui soient.
Il est signé Marc Giraud (naturaliste, journaliste et conférencier) et illustré par Roland Garrigue.
Un petit bouquin instructif, bourré d’humour sur la base d’anecdotes étonnantes et détonantes : à consommer sans modération.
Difficile de ne choisir qu’un seul sujet parmi la flopée d’informations inouïes qui nous est proposée, mais se déguiser « en crotte » pour induire l’ennemi en erreur, m’a pas mal impressionnée ! Qui donc s’adonne à ce genre de pratique ? Figurez vous qu’ils sont plus d’un à trouver l’accoutrement à leur goût !
Certaines chenilles
Voici un superbe spécimen d’un papillon asiatique : le papillon « Papilio Lowi ».
Qui pourrait donc croire que la chenille de ce magnifique papillon aime à se déguiser en fientes d’oiseaux : un corps vert olive agrémenté de tâches blanches. Un très bel exemple (si j’ose dire) de mimétisme !
C’est une façon très efficace de se protéger de leur prédateurs (des oiseaux justement).
La ressemblance est encore plus frappante à certains stades de leur développement larvaire car la chenille prend alors un aspect visqueux !
Enfin pour parfaire le tout, la chenille possède un organe appelé « osmeterium », caché en temps normal dans la région thoracique et très vite dégainé lorsque l’animal est menacé. Grâce à cet organe, la bête émet une sécrétion nauséabonde. Très volatiles et d’arôme piquant, ces sécrétions agissent comme un signal indiquant à l’ennemi que cette nourriture potentielle n’a pas bon goût.
Certains papillons
Il n’y a pas qu’à l’état larvaire que certaines espèces de lépidoptères simulent l’excrément d’oiseau. C’est à l’âge adulte que plusieurs papillons aiment à revêtir l’accoutrement peu ragoutant de la fiente.
Voici le Pearly Wood Nymph
Posé sur une feuille, voici à quoi il ressemble.
Chez nos amies araignées
Certaines araignées sont également capables de leurrer les oiseaux en faisant équipe avec leur toile particulièrement bien filée pour simuler la fiente. Jugez plutôt.
Il s’agit de l’araignée d’origine australienne Cyclosa ginnaga (ou encore « bird-dropping spider ») dont le corps est argenté et qui ajoute à sa toile une soie particulière de couleur blanche et tissée en forme de disque éclaté, telle une déjection aviaire.
Là encore, il semblerait qu’une telle pratique permette d’échapper aux prédateurs d’après des recherches récentes portées sur ce sujet [Liu et al.] même si les auteurs ne délaissent pas d’autres réponses à la question de la présence de telles décorations de toiles.
Comment la fabrication se fait-elle ? Rappelez-vous dans un précédent post, nous avions expliqué que la grande particularité des fils produits par l’araignée est qu’ils ne sont pas de composition homogène. Une même espèce pouvant produire 8 types de fils différents au sein d’une même toile. En sortie de la glande sécrétoire, le fluide passe par des tubes très fins ; toute une série de processus physico-chimiques opère : les protéines présentes dans le fluide s’alignent, s’associent, le pH chute ce qui provoque une cristallisation partielle. Ainsi, l’araignée peut par exemple concevoir une structure cristalline très dense qui réfléchit intensément la lumière grâce à architecture en feuillets des protéines qui constituent les fils.
Alors ? Vous voyez que parler « crottes » est plaisant. Preuve est faite, s’il en fallait encore que les bestioles de nos jardins ont plus d’un tour dans leur sac…vous ne verrez plus jamais les fientes d’oiseau du même œil.
Une version pour les enfants de cet article, est disponible sur Kidiscience, ICI
Ailleurs sur le c@fé des Sciences :
http://www.museum-lehavre.fr/fr/blog/espece-de-planque-3
Références :
http://animaldiversity.org/accounts/Papilio_polytes/
HF Greeney, LA Dyer, AM Smilanich, » Feeding by lepidopteran larvae is dangerous: A review of caterpillars’ chemical,physiological, morphological, and behavioral defenses against natural enemies », Invertebrate Survival Journal Vol 9, pp 7-34, 2012 (Lien)
Liu et al., « Evidence of bird dropping masquerading by a spider to avoid predators », Scientific reports, Vol 4, 5058, 2014 (Lien)
4 comments for “Quand les crottes servent de leurre !”