J’admire depuis longtemps leur travail tellement précis et leurs techniques de chasse si efficaces… En ce jour d’Halloween, penchons nous sur « nos amies » les araignées et plus particulièrement leurs toiles qui ont plus d’un secret à nous livrer.
Rappelons que toutes ne fabriquent pas de toile : certaines ne dépensent pas cette énergie dans la synthèse de la soie et chassent à l’affût ne comptant que sur l’effet de surprise et leur venin (exemple ICI)
J’avais déjà parlé des formidables propriétés du fil de soie et je m’y remets car il y a encore pas mal de curiosités à mettre en lumière. J’ai pris pas mal de clichés récemment et, en fouillant un peu les publications sur le sujet, j’ai découvert quelques particularités que je voulais partager.
Alors parlons forme ! En général, on a en tête des toiles géométriques circulaires (on parle d’araignée orbitèle) avec des fils de cadre, des secteurs, des spires, un moyeu central (pas obligatoire pour ce dernier) … Elles sont impressionnantes, trouve-je, par leur côté quasi « parfait ». Ce sont effectivement les plus répandues mais en réalité, il en existe toute une variété de formes.
Des toiles en forme de roue : symétriques mais pas tant que cela !
Comme on peut le voir sur la photo ci-dessus, les toiles sont généralement construites selon une certaine « orientation » (ci-dessus elle est dans un plan -on pourrait même dire une nappe- plus proche de l’horizontale) : ceci n’est pas le fruit du hasard. La toile est en fait construite pour éviter qu’elle ne s’abîme trop par la force de traînée de l’air lorsqu’une proie s’y débat.
Sinon, en y regardant de plus près, la toile circulaire n’est pas symétrique : la partie supérieure est souvent beaucoup plus réduite en surface que la partie inférieure. La raison est due à une contrainte physique parce que l’araignée est obligée de placer son abdomen au-dessus de sa tête. Il est donc plus facile pour elle, de bâtir des fils dans la partie inférieure. Mais cette contrainte, et on le comprend bien, est plus ou moins forte selon le poids de la bête : ainsi les plus jeunes individus, ont plus de facilité et leur toile est bien plus symétrique [2].
Au sein même de cette forme circulaire, le design (espacement des fils, asymétrie haut/bas, surface, caractéristiques physiques du fil) est variable selon l’espèce mais aussi selon l’individu (chacun y va de sa petite recette !) selon s’il est âgé ou non (l’expérience ça compte aussi dans ce domaine) et aussi selon son appétit : si l’araignée est affamée, la toile sera plus petite car il faut bien économiser la dépense énergétique.
C’est surtout l’environnement de l’araignée [3] qui prime sur les caractéristiques de la toile : nature des proies disponibles, conditions météo (résister au vent ou humidité de l’air), présence de prédateur et parasites, structure du micro-habitat.
Quant aux variations entre deux individus, toutes choses égales par ailleurs, elles ne sont pas encore vraiment comprises.
On en n’a pas fini avec les dissymétries car ces toiles sont parfois affublées d’un stabilimentum. Qu’est-donc que cela ? On l’appelle aussi « décoration » : un fil un peu particulier placé en zig-zag formant une zone plus dense, semblant être rajoutée sur la toile, pour faire joli… Euh, non, je m’égare, ce n’est pas pour la déco. (malgré le nom) que note amie « araignée » a dépensé son énergie pour cet ajout. Non, le but est toujours de pouvoir chasser le plus efficacement possible. Du moins c’est l’une des théories généralement avancée par les scientifiques. La décoration serait une façon d’attirer les insectes, parce que cette partie de la toile réfléchit les UV comme le ferait une fleur.
Autre particularité : vous avez sûrement remarqué combien les toiles d’araignées sont efficaces pour piéger l’humidité de l’air, et les micro-gouttelettes de brouillard. L’eau s’y dépose sous forme de magnifiques petits perles bien rondes autour du fil ! Un phénomène qui ne se produit pas sur d’autres matériaux de mêmes dimensions (les cheveux humains par exemple).
Des recherches se sont penchées sur la compréhension de ce phénomène [4]. Elles ont mis en évidence que lorsque l’eau se condense sur la toile, les gouttelettes se déplacent vers les nœuds les plus proches et coalescent pour former de plus grosses gouttes. L’intérêt pour l’arachnide est simplement de récupérer l’eau pour ses besoins personnels.
Ces résultats vont permettre de guider des voies de synthèse de soie artificielle en utilisant des fibres de nylon immergées dans une solution polymère : après séchage, il y a alors formation de « nœuds » capable de collecter les minuscules gouttelettes d’eau présentes dans l’air : résultat important dans les zones où les réserves d’eau sont plutôt rares (nous en avions parlé ici ou comment collecter le brouillard).
Des toiles en 3D, irrégulières mais tout aussi efficaces.
Alors en fouillant bien les arbustes autour de chez moi cet été ou en début de l’automne, j’en ai découvert des constructions… Des tunnels par exemple !
ou des nappes aux dimensions impressionnantes…
ou encore des réseaux 3D
Alors pour les tunnels qui semblent quand même particulièrement organisés, l’araignée est tapie dans sa retraite et repère les vibrations de sa toile causées par un insecte pris au piège : elle se jette rapidement sur lui et lui injecte son venin. Après emballage dans la soie, notre arthropode traîne sa proie dans le tunnel et déguste ce bon repas. Au fur et à mesure que la prédatrice grandit et grossit, elle doit adapter son tunnel à sa nouvelle morphologie.
Les toiles à structure irrégulière peuvent être l’oeuvre d’araignées sociales (mais pas uniquement). Les araignées sociales sont plutôt rares mais certaines espèces peuvent vivre en coopération (elles se tolèrent les unes les autres même à l’âge adulte) et construire des toiles au volume impressionnant (plusieurs dizaines de mètres). Cette coopération, rare pour les araignées, permet néanmoins de multiplier les ressources pour les soins aux petits et pour la chasse (en groupe). Une parfaite coordination pour le déplacement des araignées est nécessaire pour aller immobiliser la proie mais elles gèrent !
Voilà, c’est tout pour les petites histoires de toiles, même s’il reste encore beaucoup à dire !
Si vous souhaitez découvrir les différentes étapes d’une fabrication de toile, rendez-vous sur ce site (clic sur l’image).
Références :
1- Saravanan, D. « Spider Silk – Structure, Properties and Spinning », Journal of textile and apparel, Technology and Management, Volume 5, Issue 1, 2006
2- Herberstein M.E., Heiling A.M., « Asymmetry in spider orb webs: a result of physical constraints? », Animal Behaviour, Volume 58, Issue 6, pp 1241–1246, 1999
3- Harmer A. M.T., Blackledge T. A. et al. »High-performance spider webs : integratinf biomechanics, ecology and behaviour », Journal of Royal Society, Vol 8, p457-471, 2012
4- Zheng, Y. et al. « Directional water collection on wetted spider silk », Nature 463, pp 640-643, 2010
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