Le SARS-CoV-2 inventé en laboratoire, ça ne tient pas la route

Comme tout le monde, je suis profondément attristée et anxieuse face à la situation sanitaire actuelle de notre Monde ! Ce virus très agressif, le SARS-CoV-2, qui touche les hommes de plus d’une centaine de pays est assez déroutant : le monde scientifique découvre petit à petit ses caractéristiques et ses effets sur l’Homme. 

Carte des pays touchés (21 mars à 18h)

Tout le monde tente de trouver des moyens de contenir au mieux la diffusion du virus, les scientifiques cherchent à comprendre pour mieux soigner, éradiquer la maladie et anticiper les possibles évolutions.

Mais face aux questions parfois sans réponse, certains en profitent pour s’engouffrer dans la brèche et émettre des hypothèses farfelues.
Ainsi, depuis quelques temps, de fausses informations circulent sur l’origine du virus en affirmant qu’il s’agirait d’une invention d’hommes mal intentionnés en laboratoire… Alors je me suis demandée, comment expliquer qu’il est bien d’origine naturelle ? Quels chemins les scientifiques ont-ils suivi pour le caractériser ? Un article publié récemment dans Nature Medicine est particulièrement éclairant sur la question.

Un virus qui impacte l’Homme, comment ?
On avait déjà parlé des virus sur ce blog ICI. Voici quelques brefs rappels.

Les virus sont généralement de très petite taille ; d’ailleurs pendant longtemps, on ne pouvait pas les observer car ils ne sont pas détectables au microscope optique comme c’est le cas des bactéries, un virus peut être un millier de fois plus petit qu’une bactérie !

Le virus a un problème : il possède de l’acide nucléique (ADN ou ARN) mais est incapable de se dupliquer par lui-même ; il doit utiliser toute la structure organisationnelle d’une cellule hôte.
Il est donc dangereux pour l’homme dès lors qu’il est capable de s’attacher à des récepteurs des cellules humaines puis de s’y introduire pour s’y dupliquer. Une fois les copies réalisées, elles peuvent s’échapper et infecter d’autres cellules. La maladie est là !

Le coronavirus SARS-CoV-2
Le virus en question est un coronavirus c’est-à-dire un virus qui présente à sa surface des petits bulbes espacés lui donnant une apparence de particule couronnée. C’est là, l’origine de son nom « Coronavirus ». Jolies ces têtes couronnées… mais c’est en partie de là que vient le danger (comme expliqué un peu plus loin).

Observation en microscopie d’un coronavirus

C’est le 7e coronavirus connu capable de toucher et d’infecter l’homme. Il s’appelle SARS-CoV-2 pour « Severe Acute Respiratory Syndrome – Coronavirus » ou en français, Syndrome Respiratoire Aigu Severe, il est donc spécialisé pour toucher les cellules pulmonaires.
La maladie qui résulte de l’infection porte le nom de COVID-19.

Pourquoi infecte-t-il l’homme et pourquoi est-il si pathogène ?

1- Le virus SARS-CoV-2 se lie facilement aux cellules humaines
Le virus SARS-CoV-2 est un virus « enveloppé » (l’autre catégorie étant le groupe des virus « nus ») ce qui en fait déjà un premier critère expliquant sa grande faculté à infecter : l’enveloppe permet par exemple de mieux s’accrocher à la cellule-hôte, de s’y stabiliser, de mieux résister aux défenses immunitaires et aux désinfectants, de mieux s’adapter -grâce à un changement de morphologie- aux cellules de l’hôte.

Dans le cas du virus de SARS-CoV-2, on s’intéresse à la protéine S (« S » pour Spike i.e. « pointe ») qui est une des protéines de l’enveloppe et qui forme des spicules à la surface du virus. En général, cette protéine S est responsable de l’attachement à l’hôte par une de ses extrémités et possède une variabilité génétique élevée ce qui explique que certains virus vont bien s’attacher à certaines cibles et moins bien à d’autres.

Schéma du coronavirus et la protéine S en jaune

La protéine S du SARS-CoV-2 possède les bonnes caractéristiques pour se lier aux récepteurs humains et les recherches actuelles et plus anciennes (notamment sur d’autres coronavirus humains et sur le SARS-CoV-1 de 2002) montrent que ceux-ci sont les  récepteurs « ACE2 » fortement présents à la surface des cellules des poumons.
ACE2 signifie « angiotensin-converting enzyme2 » (l’angiotensine est impliquée dans la régulation de la tension artérielle). En se fixant sur ces récepteurs, le virus dérégule différents processus conduisant à la formation de graves œdèmes pulmonaires d’où les issues fatales qui sont malheureusement parfois observées.

En comparant avec les autres protéines S d’autres virus, les scientifiques ont mis en évidence qu’il y avait pas mal de différences : le SARS-CoV2 est celui dont l’extrémité « liante » de la protéine S a la meilleure affinité pour les récepteurs ACE2 des cellules humaines (bien plus que tous les autres coronavirus connus y compris le SARS-CoV-1 de 2002) .

2- Le virus SARS-CoV-2 s’introduit facilement dans les cellules hôtes
La protéine S joue aussi un rôle primordial dans la propagation virale car elle parvient à s’introduire dans la membrane cytoplasmique des cellules touchées et fusionner avec elle… Cette capacité est due à une autre particularité de cette protéine S du SARS-CoV-2 : elle peut se « cliver », c’est-à-dire se diviser à un endroit précis (le site de clivage) ; sans cela, il ne peut y avoir fusion avec la cible et le virus ne parviendrait pas à ses fins. Il ne serait pas aussi virulent.

Comment connaître son origine ?
Pour en savoir plus sur l’origine du virus, il faut plonger dans l’analyse génomique. Cette étude parue récemment dans Nature Medicine fait le point.

L’analyse génomique révèle beaucoup de choses intéressantes pour comprendre le virus mais elle apporte surtout beaucoup de discrédit à la thèse du virus « fabriqué en labo » :
Bien que l’affinité de SARS-CoV-2 soit forte avec les récepteurs humains ACE2, toutes les analyses prédictives théoriques montrent qu’elle n’est pas optimale : cette solution n’aurait donc pas pu être retenue en laboratoire.


Donc malgré tout, comme le virus s’ancre très bien aux cellules-hôtes alors même que la protéine S n’est pas à l’optimum, les auteurs de l’étude concluent que cette forte capacité à se lier a une autre origine que ce qui est connu : c’est le fruit d’un phénomène différent de ce qu’il serait possible de réaliser en labo., un processus qui est vraisemblablement le résultat de la forte recombinaison génétique du virus suivie d’une sélection naturelle ayant favorisé ce caractère « liant » aux cellules humaines.

Alors quelle est l’origine du virus ?
Les données génétiques comparées montrent :
– que SARS-CoV-2 n’est pas issu d’un autre virus humain connu, car trop différent !
– qu’il y a de fortes similarités avec un coronavirus présent chez une espèce de chauve-souris (96% en commun) mais dont la protéine S est différente,
– que le coronavirus présent chez le pangolin (souvent importé illégalement  en Chine) présente d’autres similarités notamment au niveau de la protéine S (mais les concordances sur tout le reste du génome ne sont pas suffisantes),
– qu’aucun des coronavirus animaux identifiés ne sont suffisamment proches pour être considérés comme source directe du SARS-CoV-2 et dans tous les cas, ils ne possèdent pas la 2e caractéristique requise pour être virulent (la présence du site de clivage).

Bref, c’est loin d’être simple…

Le Pangolin abrite plusieurs types de coronavirus : les génomes comparés à celui du SARS-CoV-2 ne collent pas complètement !

Les scientifiques estiment que ces deux caractéristiques (la protéine S et la site de clivage) ont pu apparaître par le biais d’une évolution naturelle au sein d’un animal hôte intermédiaire avant de se transmettre à l’homme. Reste à trouver qui il est !

Conclusion :
Outre le fait que ces recherches prouvent que l’idée de la création de du SARS-CoV-2 en labo ne tient pas la route, elle permettent de comprendre comment agit le virus, quelles sont ses caractéristiques, quelles en sont ses origines possibles. C’est aussi primordial afin d’anticiper et de savoir si le passage de virus de l’homme vers l’animal pourrait connaître d’autres épisodes du même type. Plusieurs équipes travaillent sur ce sujet depuis un petit moment déjà ! Merci la science et la méthode scientifique !

Merci à Tania Louis, docteure en virologie pour la relecture de ce billet.

Références :
Talbot, P., Jouvenne, P., Le potentiel neurotrope des coronavirus, Med Sci (Paris), 1992, Vol. 8, N° 2; p.119-125

Glowacka I. et al., « Differential Downregulation of ACE2 by the Spike Proteins of Severe Acute Respiratory Syndrome Coronavirus and Human Coronavirus NL63 », Journal of virology, 2010, p. 1198–1205

Andersen, K.G., Rambaut, A., Lipkin, W.I. et al. The proximal origin of SARS-CoV-2. Nat Med (2020). https://doi.org/10.1038/s41591-020-0820-9

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