De la soie d’araignée à vos pieds ?

Ce n’est plus un secret, j’adore les araignées. Elles me fascinent. Je passe souvent du temps dans mon jardin, à les observer tisser leur toile, ou emballer  leur proie toujours avec application… Parfois le spectacle est un peu gore : une coccinelle sans tête, malgré tout, ça refroidit un peu.

Cet automne, j’ai réussi à prendre quelques clichés sympathiques, entre les arbustes, de l’Épeire diadème (Araneus diadematus) avec ses classiques tâches blanches (accumulation de guanine) formant une croix et ses pattes très épineuses.

Épeire diadème

Et puis, voilà la fameuse prise et la dégustation de la coccinelle !

Et maintenant, un magnifique fil de soie d’une solidité exemplaire ! Nous en avions parlé dans cet ancien article (« Secrets cachés du fil d’araignée« ).


Alors quand le dernier numéro de Science [1] (20 octobre 2017) choisit comme couverture une belle arachnide, et réussit à attirer le lecteur avec un titre alléchant rehaussé d’un jeu de mot : »A new spin on spiders », évidemment, ma curiosité est « piquée ».

Araignée Néphile sur sa toile aux reflets dorés

Bref, il est question des recherches en cours (et à venir) focalisées sur l’étude du (ou plutôt des) génome(s) des araignées. Ces recherches apportent un éclairage nouveau sur leur évolution, la classification des espèces, et les mécanismes mis en jeu pour la fabrication des différents types de fils de soie, et la synthèse du venin.
Il faut se souvenir que les fils sont composés de protéines, de très longues chaînes faites acides aminés mis bout à bout. Selon la nature des acides aminés qui s’associent, et selon la manière dont s’effectue cette association entre atomes et entre chaînes, toute une palette de propriétés différentes va apparaître. Une équipe allemande avait publié dans « Nature » en mai 2010 (voir ICI) leurs résultats  expliquant la base moléculaire de quelques unes des propriétés intéressantes des fils d’araignée.

Grosso modo, le fil de soie d’araignée, c’est de la fibroïne comportant deux types d’acides aminés  (alanine et glycine) : on a alors une cohabitation entre des régions cristallines (riches en alanine) et des régions amorphes (riches en glycine) faisant apparaître différentes niveaux d’élasticité et de résistance selon les fils.

Que disent les études sur le génome ?
Etudier le génome des araignées n’est pas une mince affaire, disent les chercheurs qui s’attaquent à cette tâche parce : on constate une diversité immense au sein de ce groupe et certains génomes sont bien plus compliqués que le génome humain.

Mais malgré tout, par comparaison de centaines de gènes de différentes espèces, les études ont permis de remodeler le classement et l’évolution des espèces (jusque là basées sur la morphologie et le comportement des individus) et cela a véritablement marqué une rupture. L’arbre phylogénétique a donc été modifié et il n’est pas simple !
Il apparaît ainsi de façon surprenante que les espèces « sans toile » ont évolué beaucoup plus rapidement* (avec de surcroît une grande diversité d’espèces) que celles qui fabriquent des toiles [3].
* une adaptation sûrement vitale pour survivre dans des milieux terrestres très variés où différentes stratégies de chasse devaient se développer. Cette diversification rapide semble également coïncider avec celle des insectes non volants.

Arbre phylogénétique complexe, basé sur le décryptage des génomes [3]

Quelques surprises également pour les scientifiques qui cherchaient à décoder l’ensemble des gènes dédiés à la production de la soie : d’une part, une énorme variété de genes sont impliqués et d’autre part, il n’existe pas du tout de corrélation entre un gène ou un groupe de gènes et un type de fil. C’est bien plus compliqué [2]. Et puis certains gènes ont différentes fonctions : pour l’araignée Néphile dorée par exemple, un des gènes code pour la soie et aussi pour la synthèse du venin.

En ce qui concerne les mécanismes d’élaboration des différents fils au sein des 7 glandes sécrétrices, la biologiste Américaine Cheryl Hayashi (University of California, Riverside) s’intéresse de près au sujet. Elle a pu déterminer quels gènes étaient actifs dans chacune des glandes. Ces découvertes aident à comprendre les bases moléculaires des propriétés de la soie, faire le lien avec certains gènes ce qui permettra de porter encore plus loin le biomimétisme à des fins médicales, industrielles ou militaires (tissus pour les gilets pare-balles) [2].

Vidéo (Anglais) des travaux de C. Hayashi.

Pourquoi vouloir à tout prix, imiter le fil d’araignée ?
Ses caractéristiques physiques sont assez bien connues mais saviez-vous que le fil d’araignée peut stopper la croissance bactérienne et n’est pas repéré par le système immunitaire humain ? Voilà pourquoi il est tellement prisé pour des applications médicales notamment les implants qui seraient alors beaucoup mieux tolérés : revêtements pour implants mammaires, hanche artificielle, cathéters.

Mais toutes ces propriétés qui conduisent une grande durabilité des fibres pourraient aussi apporter des solutions durables dans le domaine des textiles où les process sont coûteux en énergie, en eau….

Pour l’instant, les productions industrielles obtiennent de bons résultats sans parvenir encore à produire des protéines aussi élaborées et massives que celles de la soie naturelle.
La société Américaine Bolt Threads développe d’ores et déjà, en série, des textiles à base de soie d’araignée (via une technologie transgénique : des gènes de soie d’araignée introduits dans des levures qui, au cours d’un processus de fermentation synthétisent alors des protéines de grande qualité pour la fabrication de fibres).
Une entreprise Allemande (AMSilk) a également mis à point un procédé identique sur le principe (introduction de gènes sur des bactéries E. coli) pour synthétiser des fibres baptisés « Biosteel ».

Adidas a d’ailleurs réalisé un prototype de chaussures à partir de cette soie d’araignée synthétique !

Nouvelles chaussures Adidas, à partir de soie d’araignée synthétique

Références :
1- E. Pennisi, « Untangling Spiders biology », Science, Vol 358 Issue 6361, 20 october 2017
2- Babb L. et al.,  « The Nephila clavipes genome highlights the diversity of spider silk genes and their complex expression », Nature Genetics, Vol 49 (6), 2017, doi:10.1038/ng.3852 (Open access)

3- Garrison N. L. et al. « Spider phylogenomics: untangling the Spider Tree of Life », PeerJ. 2016; 4: e1719, doi:  10.7717/peerj.1719

4 comments for “De la soie d’araignée à vos pieds ?

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