Retour bis : lactation 2e volet !

Après de nombreux mois d’absence (un bébé très demandeur d’où une forme physique pas au TOP) je reprends enfin ma série d’articles consacrés à l’allaitement maternel en commençant sur la composition générale (du moins ce qu’on en sait) et sur la façon dont le lait est élaboré (1er article de cette série ICI)

Source

Comment se fait la fabrication des éléments de base du lait humain, selon quelle recette ?

Constituants et processus de fabrication

 

Le lait contient des glucides c’est-à-dire des sucres, des protéines, des lipides mais aussi de l’eau, des minéraux et vitamines ainsi que (spécifiquement dans le lait de femme) des enzymes digestives et des anticorps.

L’eau et tous les éléments solubles (petites protéines, sels minéraux, vitamines hydro-solubles) sont issus du sang maternel et arrivent directement dans le lait (processus que nous ne décrirons pas ici). Il n’y a donc pas à attendre quelque processus de fabrication que ce soit, tout est prêt et arrive tout de suite en début de tétée ce qui présente l’avantage d’assurer une hydratation efficace dès les premières gouttes.

Les autres constituants vont se fabriquer en continu selon une recette bien précise (recette unique selon l’espèce) : il s’agit du lactose (le sucre donc), des protéines (la caséine du lait) et des graisses (des triglycérides principalement).

Le lactose est un disaccharide (deux molécules de glucose assemblées – dont l’une est « retournée »-) de formule C12H22O11, sachant que le glucose correspond à C6H12O6. Bien qu’il s’agisse d’un sucre, son pouvoir sucrant est assez faible.

Ci-dessous la représentation des 3 molécules (glucose, galactose(=glucose retourné) et lactose)

Sous l’action de deux enzymes (i.e. des protéines qui déclenchent des réactions), une transformant le glucose de la mère en galactose, l’autre « branchant » les deux molécules, le lactose est produit : c’est une transformation rapide. Très hydrophile, le lactose s’entoure d’eau et des éléments qui y sont solubles, quitte la cellule où il est fabriqué et se stocke dans les alvéoles (présentées ICI). Cette transformation pas trop compliquée implique que cet élément sera prépondérant en début de tétée.

Parmi toutes les espèces de mammifères, le lait humain est l’un des plus riches en lactose, particulière utile pour le développement du tissu cérébral. Des anthropologues ont montré que les espèces les plus évoluées, sont celles qui produisent du lait à forte teneur en lactose.

La caséine, tout comme chaque protéine, est un assemblage complexe et rigoureux à partir de milliers d’acides aminés (AA), unités de base (choisis précisément selon l’espèce de mammifère parmi les 20 dont le corps dispose). La fabrication est donc plutôt compliquée : il y a ajout successif d’AA à une protéine en cours de synthèse, ce processus nécessite de nombreux enzymes pour sélectionner, aligner, rapprocher, assembler et l’ordre dans lequel  un AA est ajouté est déterminé par le code génétique de l’espèce. Pour cela, ces protéines sont spécifiques de l’espèce.

Les autres protéines  sont : l’alpha-lactalbumine (productrice de lactose), la lactoferrine (absorption intestinale du fer, agent anti-infectieux) et l’immunoglobuline (protéines qui favorisent la production d’anticorps).

La synthèse n’étant pas simple et immédiate : la quantité de protéines est faible en début de tétée et augmente ensuite progressivement.

La fabrication des graisses se fait à partir des acides gras présents dans le sang de la mère- de longues chaînes carbonées, hydrogénées) (je vous en avais parlé ICI) . Elle nécessite beaucoup de transformations « lourdes » afin en particulier de grouper les acides gras en trois bandes parallèles qui forment des triglycérides (entre autres). Ce sont donc de grosses molécules (encombrement stérique fort), non solubles dans l’eau qui se trouvent « emballées » dans des sacs…un peu difficiles à faire circuler, et à éjecter (les pompes que constituent les cellules myoépithéliales ont fort à faire), elles n’apparaissent donc qu’en fin de tétée. Ceci explique l’intérêt de ne pas stopper la tétée trop tôt (changement de côté par exemple) afin de ne pas priver le bébé des graisses qui font le contenu calorique principal du lait.

Ex d’acide gras

Parmi les autres graisses, citons également les lipides à liaison « trans » (cf article ICI)

Enfin, un autre élément qui accompagne les graisses du lait humain est « la lipase » : une enzyme qui casse les graisses en petites globules, facilement assimilables. Idéal pour les bébés prématurés ayant besoin d’un apport énergétique important mais qui ont un système digestif peu mature.

Parmi les autres enzymes, citons la lysozyme un bactéricide et la lactase (qui transforme le lactose en glucose et galactose)

Ainsi, on comprend mieux pourquoi la nature du lait évolue au cours d’une tétée. D’abord les petites molécules déjà présentes puis celles qui sont faciles à fabriquer et enfin les grosses molécules caloriques (le dessert de graisses de fin de tétée). Les analyses de lait prescrites par le corps médical pendant longtemps  n’affichaient donc souvent que des chiffres bien maigres attestant d’un lait pauvre… et pour cause, le lait exprimé à la « va-vite » au tire-lait n’était que du lait de début de tétée très riche en eau…de quoi désespérer bien des mamans. Quelques décennies plus tard (c’est-à-dire maintenant), sévissent encore quelques reliquats de ces analyses de l’époque mal conduites…et bon nombre de jeunes mamans (fort heureusement de moins en moins) s’entendent dire « tu es sûre que ton lait est assez riche ? »

Les différents constituants du lait dont nous venons d’évoquer le processus de fabrication sont comme nous l’avons évoqué spécifiques d’une espèce (en proportion et en qualité).  La qualité du lait (ainsi que la façon dont il est éjecté dans la bouche du « petit ») est ainsi spécialement adapté au mode de vie du mammifère afin d’assurer un maximum de chances de survie à la progéniture. Il s’en suit que les laits ne sont donc pas échangeables d’une espèce à l’autre ou du moins sans une adaptation préalable.

Quelques exemples de spécificités des laits et du lait humain

Les mamans phoques produisent du lait à forte teneur en graisse afin de constituer aux petits une forte épaisseur de graisse permettant de lutter rapidement contre le froid.

Le lait humain est lui, fort riche en éléments qui favorisent la croissance du cerveau (élément clé pour la survie de l’homme).  Peu riche en protéines, mais leur qualité est spéciale : ainsi, la « brique de base » ou acide aminé les constituant est en grande proportion « la taurine »(10 x pls concentré que dans le lait de vache) qui joue un rôle important dans la construction du cerveau et le fonctionnement des cellules cérébrales. Le lait de vache est lui beaucoup plus riche en protéines (à quantité quasi équivalente en graisses), ce qui permet au petit veau de doubler son poids de naissance en 50 j (180 j chez l’homme) et d’être autonome assez vite. Pourquoi cette différence ? parce que pour le développement optimal du cerveau du bébé humain, il est nécessaire d’avoir beaucoup d’interactions avec sa mère et son environnement : bébé ne doit donc pas grossir trop vite, afin de faciliter le portage et les soins proches.

Les graisses dans le lait humain sont particulières également en qualité, très riches en acide gras essentiel oméga 3qui ont prouvé leur rôle dans la myélinisation (enveloppe qui entoure les nerfs) et en cholestérol (bon pour le développement cérébral). La lipase qui permet une digestion rapide et facile fait qu’un bébé nourri au sein réclame plus souvent, recevant ainsi plus d’attention de sa mère ce qui favorise le développement de son cerveau.

En conclusion :

Elément idéal pour le développement du cerveau humain, car le lait est conçu pour. Chaque année, des articles scientifiques relatent de nouvelles découvertes étonnantes quant à la composition du lait humain. Avec des substances dont on ne mesure toujours pas le rôle, mais qui peuvent révéler des implications à long terme.

Un joli veau, nourri idéalement par du lait de vache SOURCE

Prochain épisode de la série :

          Comment le processus de lactation démarre après la naissance ? comment est-il régulé ? comment évolue-t-il ?

          Quelques brèves (récentes études et principaux résultats) dont l’impact sur la santé de l’enfant et de l’adulte qu’il deviendra.

A très bientôt, j’espère !

Pour en savoir plus :

“Differential Growth Patterns Among Healthy Infants Fed Protein Hydrolysate or Cow-Milk Formulas.”
Julie A. Mennella, Alison K. Ventura, and Gary K. Beauchamp.
Pediatrics, published online 27 December 2010.
DOI:10.1542/peds.2010-1675

Livre du Dr M. Thirion : « L’allaitement, de la naissance au sevrage. »

http://fr.wikipedia.org/wiki/Lait_maternel 

http://fr.wikipedia.org/wiki/Acide_amin%C3%A9 

http://www.sciencedaily.com/releases/2010/04/100419132403.htm 

http://www.sciencedaily.com/releases/2008/09/080929092213.htm 

http://www.sciencedaily.com/releases/2008/08/080811094951.htm 

http://www.enotalone.com/article/3610.html

http://www.askdrsears.com/html/2/t020200.asp (“Breastfeeding builds brighter brains”)

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