Histoires de Préhistoire, de Science et de Femmes…

Envie de découvrir de magnifiques fossiles ? de comprendre comment se forme le silex ? Envie de connaître la vie quotidienne des hommes et femmes du paléolithique? De réaliser une petite visite virtuelle d’une exposition consacrée à la Femme dans la Préhistoire ? De visiter un grand château du Moyen-âge et de la Renaissance ? Alors…suivez-moi.

Il y a quelques semaines, de passage en Touraine du sud, j’ai eu l’opportunité de visiter un magnifique musée. La région est riche en découvertes archéologiques (je vous en avais déjà parlé dans ce post) et bon nombre d’entre elles, sont rassemblées au Musée de la Préhistoire au Grand-Pressigny. Je n’ai eu que peu de temps pour cette visite, mais je vous en propose une petite synthèse. J’espère qu’elle vous donnera envie de visiter par vous-même ce superbe lieu de voyage dans le temps !

Le Musée existe depuis 1955 mais dans il a fait l’objet de modifications architecturales récentes et dans sa forme actuelle, il a été inauguré en septembre 2009. Il se situe donc dans la commune du Grand-Pressigny (au cœur historique des premières recherches archéologiques), à 60 kms au sud de Tours, non loin de Descartes et de Châtellerault (ou de la Roche Posay) sur la Claise (affluent de la la Creuse).

L’écrin du Musée est le château du Grand-Pressigny. Son histoire est incroyable et remonte à l’époque mérovingienne. Des fouilles récentes ont en effet permis de dévoiler des sarcophages : il s’agit donc d’une nécropole datant d’une époque comprise entre le Ve et VIIe siècle.
Mais les premières pierres du château proprement dit datent de l’époque moyenâgeuse : une belle et puissante forteresse  commence à prendre place dès la fin du XXIe siècle avec une grande tour maîtresse adossée à une enceinte. Jusqu’au XIIIe l’édifice sera de plus en plus fortifié car il se trouve sur la frontière entre les domaines du Roi de France et Roi d’Angleterre (empire Plantagenet). Ces précieux vestiges de l’époque nous accueillent dès l’arrivée sur le site.

Entrée du Château : la tour maîtresse de 35m de hauteur (escalier à vis et mâchicoulis encore visibles)

Passée l’entrée du Château, on se retrouve dans la Cour d’Honneur : autre vue de la tour maîtresse et du puits.

On fait demi-tour et apparaît alors l’aile du château Renaissance (galerie sur portique) qui a pris place par une subtile transformation de la forteresse au XVIe siècle sous l’impulsion d’Honorat de Savoie-Villars.

Dans la cour d’Honneur, nous sommes accueillis par des animaux de la Préhistoire qui parcouraient les contrées, il y a plus de 10.000 ans.
On frôle, on touche, on admire le mammouth laineux et son petit, le Bison des steppes et le mégacéros aux bois impressionnants.

Mammouth laineux

 

Mégacéros

Avant d’aller plus loin, il est peut-être bon de rappeler les repères temporels qui marquent les temps préhistoriques : important pour mesurer à sa juste valeur l’habileté de nos ancêtres à développer leurs activités, élaborer des outils, des objets, des abris selon les matériaux dont ils disposaient, important pour comprendre comment à partir des objets issus des fouilles archéologiques, on peut reconstituer leur mode de vie.  Bref, à l’entrée de musée, une jolie fresque nous aide à y voir plus clair.
Cap sur le paléolithique (ancien, moyen, supérieur) qui s’étend de 2,5 Millions d’années à 10.000 ans avant notre ère, avec les premiers habitants en Europe, la maîtrise du feu, la taille de la pierre et l’apparition des bifaces, les sépultures, l’Art…
Puis place au mésolithique et au néolithique (-5500 à -2200 avant notre ère) avec la sédentarisation, de nouveaux objets, de nouvelles armes, et outils.

Et puis, quelle chance, le jour de ma visite était le dernier pour l’exposition temporaire « La Femme dans la Préhistoire » qui s’est déroulée du 8 mars au 30 novembre 2017. Voilà qui a fini de me convaincre de visiter le Château dare dare malgré le peu de temps dont je disposais.
Finalement, quand on évoque nos ancêtres préhistoriques, la place de la femme telle qu’on nous la présente est assez souvent réduite : son rôle principal est à priori de s’occuper des enfants et du repas. Mais n’est-ce pas là, un vision stéréotypée ? L’exposition « La Femme dans la Préhistoire » présente donc un thème assez rarement abordé, sous de multiples facettes… Alors on découvre, on apprend, on s’émeut devant les objets du quotidien ou devant des oeuvres d’artistes. Voici quelques morceaux choisis.


Comment s’habillaient les hommes et femmes du Paléolithique ? Quels bijoux ornaient leur corps ?
Selon les représentations d’artistes qui sont parvenues jusqu’à nous, les historiens s’accordent à dire que les vêtements sont proches du costume traditionnel Inuit et qu’il n’y a pas de différence entre le vêtement masculin et féminin : un manteau avec capuche et un pantalon. Les matériaux utilisés sont principalement la peau de phoque ou de renne.
A partir de statuettes retrouvées sur des sites archéologiques (tels que « La Dame de Brassempouy »), on a pu reconstituer des vêtements, des capuches.

Capuche en cuir et coquillages

En ce qui concerne les bijoux, ils étaient assez élaborés, réalisés à partir de matériaux très variés (dents animales encochées, os, coquillages, bois de cervidés) et vu l’énergie dépensée pour les réaliser, ils devaient jouer un rôle majeur dans la vie sociale.

On en arrive aux activités propres aux femmes dans les sociétés préhistoriques. Les hommes chassent et les femmes cuisinent ? Pas exactement. Les femmes jouent aussi un rôle dans la collecte de nourriture, ce qu’on a effectivement un peu moins en tête : elles ne chassent pas à proprement parler mais participent néanmoins aux activités qui y sont liées : rabattage du gibier, dépeçage, tannage de peau, préparation de la viande.

Reconstitution d’un campement au paléolithique

Bien sûr, les femmes assurent les soins des enfants : ceux-ci sont allaités jusqu’à 3 ou 4 ans.

Un autre pan de l’exposition temporaire permettait de rendre hommage à l’Art figuratif, dédié à la représentation des femmes : des sculptures sur calcaire, ou des statuettes en ivoire de mammouths.

« Femme à la tête quadrillée » 25 000 avant notre ère. Laussel – Dordogne

« Femme à la corne » 25 000 avant notre ère. Laussel – Dordogne

Statuettes en ivoire, datant de 23 000 ans avant notre ère

Quand on réalise des fouilles et que des ossements d’hominidés (bonobos, chimpanzés, humains et leurs ancêtres) sont découverts, il est évidemment Intéressant de chercher à déterminer le sexe des individus. Ainsi, il faut connaître si des différences physiques notables permettent de distinguer les deux sexes : on parle de dimorphisme sexuel.
Parmi les premiers hominidés, on trouve le Paranthropus robustus (espèce éteinte) qui présente un dimorphisme sexuel très marqué : une crête osseuse est présente sur le sommet du crâne masculin et le squelette féminin est de plus petite taille.

Dimorphisme sexuel marqué chez l’Hominidé « Paranthropus robustus »

Puis au fur et à mesure de l’avancée dans l’histoire évolutive des hominidés (jusqu’à l’homme moderne), le dimorphisme est de moins en moins marqué ce qui rend plus délicat l’identification sexuelle des ossements.

Si nous passons au Musée proprement dit, on pourra compléter cette première approche de l’évolution de la morphologie des hominidés jusqu’à la fin de paléolithique, où apparaît l’homme moderne.

Crânes de différents hominidés présentés dans les nombreuses vitrines de la Galerie Renaissance

Le Musée nous fait plonger dans le Monde de l’Archéologie (études des objets laissés par l’homme), de la Paléontologie (étude des fossiles) et Paléoanthropologie (étude des fossiles relatifs aux hominidés ancêtres de l’Homme) sous de nombreuses facettes (fossiles, découvertes, matériaux et exploitation des ressources, méthodes, analyses, hypothèses, reconstitution des techniques, de l’évolution des lignées). Les objets sont exposés bien sûr mais les textes qui les accompagnent sont importants pour bien  comprendre d’autant plus qu’ils soulignent aussi les questions restées en suspens.

J’ai particulièrement apprécié de me promener parmi les nombreux fossiles : une richesse incroyable d’ossements, de dents d’animaux d’une multitude d’espèces, de bois fossilisé ! Tous ces objets sont rassemblés dans les caves du Musée. Passionnant !

Crâne de Hyène et dents d’ours, de cheval, de rhinocéros (collectés sur le site de la Roche Cotard)

La Roche Cotard est une grotte en Touraine qui fut occupée par des Néandertaliens, et où ont été retrouvés de nombreux ossements d’animaux.

Mon fossile préféré : une molaire de mastodonte ! C’est là qu’on comprend combien le choix du mot (cf.  son étymologie) du mammifère est particulièrement judicieux : Mastos (mamelle) et Ontos (Dent), c’est-à-dire des molaires mamelonnées.

Molaire « mamelonnée » d’un Mastodonte

On passe ensuite en revue d’autres fossiles : du bois silicifié (la silice a progressivement remplacé la matière végétale), des coquilles d’escargots terrestres, des plaques dermiques de Tortue.

Arrêtons-nous quelques instants devant une magnifique ammonite qui rappelle qu’il y a plusieurs millions d’années (à la période du Miocène), la mer avait envahi une partie de la Touraine. A sa mort, l’organisme marin s’est déposé dans les sédiments au fond de la mer et a subi un processus de minéralisation (la silice -en forte concentration dans la solution de l’eau de mer- a pu remplacer progressivement le calcaire de la coquille).

Ammonite et tige de bambou fossilisés

Voici encore du bois fossilisé datant du miocène.

Et puis, nous sommes au beau milieu de la région du silex et le silex du Grand-Pressigny est l’un des meilleurs ! Du silex de belle qualité (propice à la taille) formant des blocs de grande de taille.

De quoi produire de grandes quantités d’outils, de lames.

Mais au fait, qu’est-ce que le silex ?
Le silex est une roche siliceuse formée de fins cristaux : du quartz (un arrangement particulier de silice SiO2) et d’autres formes cristallographiques de la silice (autre arrangement) qui s’organisent en fibres. On l’a dit, la mer de l’époque est riche en silice en solution jusqu’à parfois atteindre la saturation. Sur les fonds marins, la silice précipite lentement en petits cristaux et se trouve intimement liée à la dissolution d’éléments calcaire des sédiments. Plus les grains sont fins, plus le silex se prêtera à la taille et sera tranchant.

Voilà c’est déjà l’heure de la fermeture. Quittons maintenant le Musée, en espérant y revenir pour une visite plus complète, il y a encore tant à découvrir et à apprendre.

Hall d’entrée du Musée : les éléments d’architecture moderne mettent en valeur les vestiges du château historique

Pour en savoir plus :
La taille du silex : Lien