Des ovaires synthétiques en impression 3D

On en parle beaucoup depuis quelques jours puisqu’une étude très récente (16 mai 2017) vient de paraître dans Nature Communications [1] : des ovaires fonctionnels ont pu être produits (chez la souris) grâce l’impression 3D !
Face à ce sujet passionnant et cette prouesse incroyable, j’ai cherché à comprendre comment une telle performance avait pu être réalisée. Quels étaient les défis à relever ? Quelles solutions ont été mise au point ? Quelles perspectives pour les prochaines années ?

Pour pallier à un déficit de la fonction ovarienne (suite à un traitement lourd par exemple), les solutions auxquelles on pense d’emblée sont la FIV ou éventuellement la greffe de tissu ovarien. Mais tout récemment, une autres approche a vu le jour. Il pourrait être possible de remplacer un ovaire défaillant par un organe synthétique à partir de biomatériaux et de follicules isolés.

Qu’est ce qu’un follicule ?
Il s’agit d’un agrégat de cellules supports au centre desquelles se trouve l’ovocyte. Ces cellules support (Cellules de la granulosa et cellule de la thèque) produisent des hormones sous l’action de la glande pituitaire.

L’organisation de cet ensemble prend une forme sphérique : c’est crucial pour la survie de l’ovocyte afin que les cellules supports l’entourent au mieux (avec un maximum de points de contacts), et ce jusqu’à sa maturation.

Les premiers types d’implants
Sur le modèle de la souris, les implants consistent généralement à utiliser des follicules isolés encapsulés dans un hydrogel* de fibrine** contenant des facteurs de croissance.
* un hydrogel est un ensemble de polymères hydrophiles connectés en réseau (on dit « réticulés »). Ils sont très utilisés dans le domaine médical pour leur grande biocompatibilité. La structure de l’hydrogel obtenue après synthèse varie avec la nature du polymère, la densité de réticulation, la taille de la maille etc.

**la fibrine est une protéine filamenteuse intervenant dans la coagulation.

Exemple d’hydrogel fait de fibres enchevêtrées

Plusieurs essais ont été couronnés de succès et ont mis en évidence une étape clé requise pour la réussite de la technique : la mise en place d’un réseau vasculaire au sein de l’hydrogel, nécessaire à la circulation des hormones.

Les limites de cette technique apparaissent lorsqu’il s’agit de l’appliquer à un animal de plus grande taille et donc à fortiori à l’espèce humaine : on est alors gêné par des problèmes de diffusion (qui n’est pas suffisante).
L’hydrogel support utilisé doit en effet présenter une porosité suffisante pour permettre la diffusion de molécules, la mise en place du réseau vasculaire et la circulation des hormones. Or l’impression 3D peut relever ces challenges, voyons comment.

Les implants bio-synthétisés et l’impression 3D
* le gel

Comme le bas blesse au niveau de la matrice support, l’idée est donc de mettre au point une texture poreuse favorable à la vascularisation et la maturation de l’ovocyte. C’est à ce niveau que l’impression 3D va jouer un rôle, d’autant plus qu’il y a moyen par cette technique de contrôler l’architecture réalisée et donc de pouvoir étudier l’influence des propriétés de structure (notamment la porosité) sur la fonction finale.

Des équipes américaines (de Chicago et Evanston, Illinois et Kansas City) ont réussi l’exploit en développant une matrice gélatineuse à base de collagène (protéine cellulaire présente chez l’humain et la souris). Ce gel a pu servir de matière première, pour réaliser grâce à l’impression 3D un structure microporeuse comme support des follicules.

En jouant sur la température de la solution de départ qui a servi à faire le gel, les chercheurs ont pu optimiser les propriétés rhéologiques, contrôler l’enchevêtrement plus ou moins marqué des protéines jusqu’à créer des hélices 3D.
Le gel ainsi optimisé a ensuite été extrudé à travers une buse de diamètre 100 µm de façon à créer des filaments utilisés pour l’impression tridimensionnelle.

* les follicules
Des essais in vitro ont été réalisés avec des follicules déposés au sein du gel support. Leur survie est fortement liée à la géométrie poreuse du support notamment l’angle formé entre les fibres d’une couche à l’autre. Trois angles ont ainsi été testés (30, 60 et 90 °).
Pour l’angle de 90 °, les follicules se développent mais ne survivent pas au-delà de 8 jours : la raison en est que les cellules de la granulosa se dissocient de l’ovocyte.

Structure poreuse imprimée en 3D pour accueillir les follicules (ici 30 et 60°)

Les structures à 30 et 60° produisent une meilleure prolifération des cellules qui de plus adhèrent bien mieux au support.
Au bout de 8 jours, les follicules ont sécrété des œstrogènes et ont pu poursuivre la maturation de l’ovocyte jusqu’à l’ovulation.

* Essais in vivo
Des essais in vivo sur des souris stériles ont été menés avec succès. Des ovaires synthétiques (matrice hydrogel + follicules isolés comme décrit précédemment) ont été implantés sur des souris sans ovaires. Il est à noter qu’aucun apport hormonal exogène n’a été apporté : bref une fois l’ovaire artificiel implanté, la nature a repris ses droits avec le développement d’un réseau sanguin autour du nouvel organe et la production d’hormones. Les petits souriceaux nés de cette technique étaient en bonne santé et sans aucun problème de fertilité.

Conclusion :
L’impression 3D pour la production de biomatériau est une technologie qui prouve ici son efficacité dans un domaine très délicat que celui de la recherche en biologie reproductive. Cette technique pourrait éventuellement être appliquée chez les femmes souffrant d’infertilité, mais pour l’instant il est encore trop tôt pour en parler.

D’autres histoires d’ovules et de fécondation ICI.

Référence :
1- Laronda, Rutz, Xiao, Whelan, Duncan, Roth, Woddruff, Shah, « A bioprosthetic ovary created using 3D printed microporous scaffolds restores ovarian function in sterilized mice », Nature communications, DOI : 10.1038/ncomms15261

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