Toits et murs végétalisés

J’ai déjà plusieurs fois évoqué ce sujet sur ce blog. Rappelons-nous :
– les toits végétalisés Au Relais Nature

– les murs végétalisés à Ovilléo- station de traitement d’eau potable de la Métropole Lilloise.

Et si on allait plus loin ? Quels sont les rôles concrets de ces végétaux ancrés dans l’architecture du bâtiment, quelles contraintes, quelles espèces, quels avantages, quelles problématiques pour les eaux pluviales ?

Les avantages environnementaux d’un point de vue biodiversité 
Les toits conventionnels ne sont pas des lieux d’accueil favorables à la biodiversité, c’est le moins qu’on puisse dire… Il n’y a bien que la mousse qui parvienne à s’y ancrer malgré l’aridité du milieu.

Les toits végétalisés tels qu’on les connaît maintenant sont apparus en Allemagne dans les années 70 (au moment où je suis née, au siècle dernier) : le but était surtout de protéger les toits des effets destructeurs des rayons solaires. De nombreuses villes allemandes se sont donc insérées dans des programmes de développement technologique et environnemental. Depuis une petite vingtaine d’années, le phénomène en milieu urbain s’amplifie un peu partout dans le monde !

Alors on cherche à éliminer la mousse sur les toits, c’est un fait parce qu’on trouve cela peu esthétique.
L’idée pour que ce soit « joli », c’est justement de favoriser l’installation de communautés spécifiques de plantes appartenant à des écosystèmes bien définis et même de favoriser des espèces rares ou menacées, habituellement sous l’emprise de la compétition de plantes plus vigoureuses ou dominantes qui, dans des sols plus riches, auraient vite pris le dessus. Il s’avère même selon certains travaux de recherches, qu’en de pareilles circonstances, la diversité de la flore soit augmentée.

De sacrées contraintes tout de même pour les espèces végétales en question : stress hydrique voire sévères sécheresses, températures élevées, lumière intense, et des vents forts qui accentuent encore les risques de dessèchement et d’endommagement des plantes et du substrat !
Dans le milieu naturel, de tels biotopes existent pourtant (sols minces en situations de climat sec) et ils servent de bons modèles pour l’élaboration des toits végétalisés.
Les espèces qui supportent bien ces conditions (mais le climat local et le facteur « épaisseur du substrat » jouent bien sûr un rôle majeur) sont celles qui sont plutôt basses, forment des tapis ou se caractérisent par une croissance compacte et ramifiée. De feuillage toujours vert et robuste, ces plantes possèdent généralement des feuilles succulentes (c’est-à-dire avec des réserves pour résister aux périodes de sécheresse) ou une bonne capacité de stockage de l’eau. De plus, la photosynthèse relève d’un mécanisme particulier (métabolisme acide crassuléen qui concerne les plantes grasses : plantes à grandes cellules pour assurer des réserves d’acide malique).
En général, ce sont les Sedum (une grande famille) qui répondent à l’ensemble de ces critères : des espèces couramment utilisées pour les toits végétalisés. En voici quelques exemples.

Sedum acre (ou « Orpin âcre » ou « poivre des murailles »)

Sedum reflexum (ou « Orpin réfléchi » ou « orpin des rochers »)

D’autres espèces sont également envisageables telles que  » Rhodiola rosea » et une colonisation naturelle (mousses, lichens…) ne manque pas de se mettre en place.

Rhodiola rosea (ou « Orpin réfléchi » ou « racine arctique »

Une flore diversifiée est généralement synonyme de meilleure biodiversité de la faune :
– les insectes y trouvent refuge (carabes, scarabées, araignées),
– les oiseaux y puisent nourriture et éléments pour la fabrication de leur nid ou même un lieu pour nicher.
Les études ont montré qu’il peut être intéressant de faire varier la hauteur du substrat pour optimiser la biodiversité (une épaisseur plus élevée retient mieux l’humidité ce qui favorise la colonisation par les invertébrés).

Toits végétalisés et gestion des eaux pluviales
Dans un milieu naturel, les eaux pluviales sont absorbées par le sol et rejoignent les nappes phréatiques. Une faible quantité est retenue par le couvert végétal.
Le milieu urbain construit par l’homme est dominé par le béton, goudron (bref des matériaux non poreuses) : il faut prévoir la gestion des eaux pluviales qui ruissellent et lessivent ces surfaces (notamment celle issue des toits) via les égouts.
En cas de fortes pluies, les risques d’inondations sont élevés et ce sont les lacs et les rivières qui subissent de plein fouet ces ruissellements : ils finissent par absorber le trop-plein. Mais ces eaux issues des villes sont aussi chargées en polluants (pesticides, résidus divers) qui menacent la vie sauvage et la potabilité de l’eau.


Sur un toit végétalisé, l’eau de pluie s’infiltre, est absorbée par les matériaux du substrat et par les plantes : l’eau de ruissellement est donc en moindre de quantité. Les recherches menées dans le domaine des eaux de ruissellement ont permis de trouver les meilleures combinaisons matériaux et espèces végétales.
De plus, le toit « vert » a un impact positif sur la dynamique d’évacuation des eaux pluviales en agissant comme un bassin tampon en amont d’un système de drainage. On assiste donc un « étalement de l’évacuation », un lissage : les risques d’inondations sont d’autant plus réduits.

Ecoquartier construit près de la gare de Culemborg (Pays-Bas)

La qualité des eaux de ruissellement est également améliorée dans la mesure où un processus de filtration opère au niveau des végétaux et du substrat. Les éléments nutritifs qui favorisent le pullulement des algues plus en aval (algues) sont par exemple retenus (nitrates).
Attention néanmoins à la composition de certains substrats (selon la qualité du compost) : un phénomène de lixiviation peut donner lieu à une augmentation de la concentration en phosphore dans les eaux de ruissellement.

Lutte contre la pollution de l’air
La pollution en zone urbaine est plus que préoccupante. Elle résulte d’une part de la forte présence de véhicules (diesel notamment) qui produisent des particules fines, et des métaux lourds et d’autre part des températures plus élevées en ville qui favorisent de plus fortes concentrations d’ozone (en basse altitude, il est préjudiciable).
Il semblerait que les toits végétalisés puissent jouer un rôle significatif dans la lutte contre la pollution : en piégeant les particules (qui s’y déposent via la circulation d’air) et en assimilant les oxydes d’azote. Mais la question reste néanmoins posée car la limitation de la pollution est plutôt réservée à la végétation de grande taille (arbres): pour des tapis de sedums, les études restent à faire.


Quant à la séquestration du CO2 par les toits végétalisés, elle reste très limitée avec ce type de plantes. Néanmoins leur rôle dans la réduction des gaz à effet de serre est réel et est lié à leur impact sur la consommation énergétique des bâtiments (voir plus bas).

Les effets sur les températures urbaines

On l’a dit : les températures en ville sont plus élevées que dans la campagne environnante. Ce phénomène s’explique par :
– l’effet d’écran dû à une concentration élevée de bâtiments qui entrave la bonne circulation d’air : la chaleur emmagasinée est mal évacuée,
– la forte absorption de rayonnement solaire par les bétons, les toitures (nues) et l’asphalte (surfaces sombres),
– la faible couverture végétale qui diminue la zone d’ombrage et l’évapotranspiration par voie de conséquence (effet rafraîchissant).

Cet effet est d’autant plus marqué la nuit (restitution de la chaleur emmagasinée le jour).

Par temps chaud, la présence de toits végétalisés offre de sacrés atouts. Ils tendent à augmenter l’albédo : le rayonnement solaire est beaucoup mieux réfléchi donc l’absorption est moindre. L’effet d’ombrage (même avec les sedums) explique également l’effet isolant.
De plus, avec un substrat suffisamment humide, on assiste au phénomène d’évapotranspiration qui est définie par la combinaison de la transpiration des végétaux et de l’évaporation du sol. Il en résulte un rafraîchissement général (dont l’intensité dépend de nombreux paramètres),particulièrement appréciable en été. Pour ces deux effets, c’est surtout notable lorsque les surfaces végétalisées sont en grand nombre.
En un mot, les toits végétalisés aident à lutter contre ce qu’on appelle les îlots de chaleur urbains.

L’effet sur la consommation d’énergie
En été, la consommation d’énergie liée aux besoins en climatisation (surtout aux latitudes où cela est fortement requis) est moindre. Une étude a par exemple montré une réduction de 6 % des besoins en climatisation d’un logement collectif en Espagne (Saiz, 2006). D’autres analyses conduisent à des chiffres similaires. Certains ouvrages avancent le chiffre de 30% !

Lors d’hivers froids, les besoins en chauffage sont en général réduits mais l’effet isolant est relatif car il dépend de plusieurs paramètres dont les conditions climatiques et le type de plantes utilisées : il est préférable de privilégier des plantations uniformes  ou des combinaisons de plantes à feuilles persistantes qui forment des tapis pouvant emprisonner des poches d’air.

Dans tous les cas, on peut souligner que ce type d’isolation permet de mieux réguler les fluctuations de températures.

Quelques mots sur leur mise en oeuvre

En règle générale, plusieurs couches superposées composent un toit végétalisé :
– le substrat (du sol pour la croissance des végétaux),
– une membrane filtrante,
– une couche de drainage constituée de matériaux granuleux (graviers, fragments de pierre, schistes, billes d’argiles),
– une membrane d’étanchéité (pour rendre le toit « étanche »).

Evidemment la structure du toit doit être bien dimensionnée pour supporter le poids de toutes ces couches. Il faut aussi prendre garde si le toit est en pente (phénomène de glissement) ou si la zone est ventée.

Conclusions
Bref des toits végétalisés s’inscrivent parfaitement dans une démarche de développement urbain durable : ils peuvent limiter les effets négatifs des constructions (notamment dans les sites urbains à forte densité) sur les écosystèmes en place, la gestion des eaux pluviales, les conditions climatiques et la consommation énergétique des bâtiments concernés. La lutte contre la pollution de l’air quant à elle, n’a pas encore été prouvée de manière convaincante.

Références
Oberndorfer E., Lundholm J. et al., « Green Roofs as Urban Ecosystems: Ecological Structures, Functions, and Services »,BioScience,   Vol. 57 No. 10 , 2007 Lien

Chaparro-Suarez I.G. et al., « Nitrogen dioxide (NO2) uptake by vegetation controlled by atmospheric concentrations and plant stomatal aperture », Atmospheric Environment, Vol 45, 2011

Blackhurst M., et al., « Cost-Effectiveness of Green Roofs », Journal of architectural Engineering, pp 136-143, Décembre 2010

Saiz, S., et al., « Comparative life cycle assessment of standard and green roofs », Environmental Science and Technology, 40(13), 2006

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