Petite balade en campagne (2/2)

Suite de la petite balade en campagne dans les Weppes (Nord) : si vous avez manqué la première partie c’est ici (des champs, du blé, des betteraves, du lichen, des insectes…). Alors, c’est parti, prenons la clé des champs.

De jolis insectes

On commence par de jolis insectes, aux couleurs séduisantes… à savoir des papillons, de l’ordre des lépidoptères (ce qui signifie « ailes recouverte d’écailles »). Voici plusieurs représentants d’une espèce repérée dans mon propre jardin : le papillon Vulcain, papillon de jour, repérable par sa couleur orangée, marron (voire noire) et quelques tâches blanches.

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Papillon Vulcain (Vanessa atalanta)

J’ai eu la chance de pouvoir faire des photos en macro pour qu’on puisse distinguer clairement la trompe du papillon déroulée pour aspirer le bon nectar : une énergie précieuse pour combler les besoins nécessaires à assurer le vol.
On repère bien aussi les antennes en forme de massue, une autre caractéristique des papillons de jour.

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Trompe aspirant le nectar du papillon Vulcain

Un peu plus loin dans ma promenade de campagne, dans une partie un peu plus boisée : une autre espèce moins riche en couleurs, mais agrémentée d’ocelles noires à pupilles blanches. Il s’agit du Tircis, un classique des lieux boisés et des haies.

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Les ocelles, ce sont les tâches en forme d’œil qu’on retrouve chez les papillons (mais aussi les plumes de paons, certains poissons). Ils servent généralement de leurre et permettent à l’insecte lorsqu’il ouvre les ailes (la position de repos étant ailes collées) de surprendre un prédateur et le faire fuir en lui faisant croire à la présence d’un mammifère.

De la matière produite
Au cours de la promenade, nous avons croisé la route de la soie et pas qu’un peu. Des pans entiers recourraient des arbustes. Je pensais au début qu’il s’agissait d’une communauté d’araignées, ayant œuvré à ce bel édifice.

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On s’approche et là, ô surprise, ça grouillait de chenilles ! Une véritable communauté ne rencontrant visiblement aucun problème de promiscuité.
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En effet, comme les araignées, les chenilles possèdent des glandes salivaires assurant la production de soie qu’elles excrètent sous forme liquide (il s’agit d’une solution aqueuse très concentrée de fibroïnes, des protéines dépliées et désordonnées). C’est un liquide cristallin qui s’échappe de la bestiole par le biais d’une structure en forme de tube située sur la partie basse de la bouche. A ce moment-là, toute une série de processus physico-chimiques opère : les protéines s’allongent, s’alignent, des liaisons hydrogène se forment, le pH chute ce qui provoque une cristallisation partielle ; le fil apparaît donc avec des parties cristallisées d’autres plus amorphes (comprendre peu organisées) ce qui confère tout un tas de propriétés fascinantes (élasticité, résistance, …). Nous en avions parlé ici pour l’araignée.

La soie de la chenille ne sert effectivement pas, comme on le pense souvent, qu’à fabriquer des cocons. Elle est aussi fort utile pour établir des campements, des « tentes » grâce auxquelles les chenilles en communauté se protègent, se cachent des prédateurs et dégustent en paix. On parle alors de chenilles à tente.

Edit du 21/06/2016 : Il s’agit vraisemblablement ici de chenilles d’Yponomeutes (Yponimeuta malinella), un petit papillon de nuit, dont les chenilles dites « fileuses » construisent ce nid collectif.

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Le papillon Yponomeuta_malinellus

Comme nous sommes lancés dans la soie, on ne pas passer sous silence, les jolies toiles d’araignée. Au creux d’un arbre, ce n’est pas pareil qu’entre deux branches : la toile est ici peu régulière avec des zones de forte densité et plutôt profonde : on dirait même une sorte de tunnel ce qui arrive souvent lorsque des araignées se trouvent nez à nez avec une crevasse (ici le tronc d’un arbre).

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N’ayant pas vu l’arachnide, c’est plutôt difficile de mettre un nom ! Mais, on peut tenter, vu les caractéristiques de la toile, d’évoquer la famille des Agelenidae. Elles ont l’habitude de tisser des toiles de forme tubulaire avec une sorte d’entonnoir en périphérie. C’est dans le tunnel qu’elles se réfugient attendant la proie.
Des couleurs

Il en faut pour tous les goûts… et les fleurs ne ménagent pas leurs efforts, couleurs et parfums pour attirer le pollinisateur… Du rouge, du jaune, du blanc, du violet et parfois au stade suivant (à savoir la graine) de la cellulose cristalline quasi pure, légère à souhait pour disperser les graines !

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Alors on a ici affaire à un coquelicot, bouton d’or, fleur d’ortie, laiteron des champs et lierre terrestre (fleurs bleu violacé).
Quelques mots sur les couleurs et quelques secrets bien gardés.


Parenthèse chimie sur les couleurs
Pour les couleurs, ce qui compte ce sont les pigments… et derrière les pigments, c’est de la chimie et pour le rendu des couleurs, un peu de physique. Les molécules de pigments, sont généralement de longues molécules avec une alternance de liaisons simples et liaisons doubles,  des liaisons conjuguées en nombre suffisant pour que les électrons soient délocalisés ; ils voyagent sous forme de nuage autour des différents atomes sans appartenir à aucun en particulier.
Bref, les électrons vont entrer en résonance avec certains photons (la lumière) et absorbent des énergies bien précises qui correspondent (et c’est ce qui importe pour notre œil) à des couleurs visibles.
Plus la chaîne de liaisons conjuguées est longue, plus la longueur d’onde de la lumière absorbée est grande : l’énergie est plus basse et se décale de l’ultraviolet vers la lumière visible, ou vers les rouges.

Alors difficile de distinguer pour chacune des espèces, « le » pigment qui l’emporte sur les autres car c’est un  mélange complexe. Mais citons néanmoins le coquelicot dont les pigments « phare » sont de type « anthocyanidol » (nous en parlions ici à propos du chou rouge).

anthocyanidol

Les anthocyanidols comportent une belle série de doubles liaisons en alternance avec des liaisons simples

Et tant qu’on y est, une petite dernière pour la route : une des molécules faisant partie des carotènes, donc donnant naissance à la couleur jaune.

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La zéaxanthine, appartenant à la famille des carotènes : encore une longue série liaisons simples _ doubles


Quelques informations tout d’abord sur le classique coquelicot ! Il fait partie de la famille des papavéracées qui regroupe plusieurs espèces (dont le pavot somnifère). Ils contiennent des alcaloïdes dont la morphine, puissant analgésique (qu’on ne sait toujours pas synthétiser d’ailleurs, tant la molécule est complexe). Le coquelicot ne contient pas de morphine mais de la rhœadine, aux propriétés sédatives et antitussives mais méfiez-vous des décoctions maison !

Charmantes la fleur et la feuille (en forme de cœur) du lierre terrestre (Glechoma hederacea) !

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La couleur et la forme ont attiré mon œil au détour d’un sentier. Il s’agit d’une petite plante vivace à fleurs groupées par paquets de 2 ou 3. Elles sont mellifères et revêtent une importance capitale pour les bourdons car c’est l’une des premières fleurs de la saison ! Par le passé, elle a joué un rôle dans la fabrication de la bière (avant la découverte du houblon).

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Quant au bouton d’or (« buttercup » en anglais), il fait partie de la famille des renoncules (Ranunculus repens pour son nom scientifique). Sachez que son jaune « intense » et « brillant » intrigue depuis longtemps et certains chercheurs consacrent une bonne partie de leurs efforts à comprendre les effets de cette jolie fleur des champs sur les mentons des enfants (la fameuse tâche jaune étiquetée « tu aimes le beurre ») et par là-même sur les insectes.
Qu’ont-ils percé à jour [1] ? La structure même des pétales joue un rôle crucial. Ils sont composés de différentes couches entre lesquelles un espace rempli d’air fait office de « loupe ». La réflexion est issue des deux couches (supérieure et inférieure) et la lumière traverse le pigment deux fois ; bref l’intensité réfléchie (dans la gamme du jaune) en est décuplée et avec une telle efficacité, le jaune nous apparaît « pétant ».
Cette efficacité se produit dans le domaine des UV également : particulièrement utile pour attirer les pollinisateurs mais aussi pour se protéger des rayons nocifs du soleil.

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L‘ortie aux feuilles velues et aux poils urticants n’est pas très aimée. Elle est pourtant utilisée (entre autre) à des fins industrielles pour sa fibre (un ancien article présentait un pull en fibres d’ortie).

Pour la petite boule blanche, il s’agit du laiteron des champs (Sonchus arvensis), un adventice qui ressemble beaucoup au pissenlit. Il constitue un vrai problème pour les cultures, car difficile à éliminer et doté d’une capacité de reproduction incroyable (reproduction végétative d’une part et dissémination de nombreuses graines par la voie aérienne d’autre part).

A l’heure où l’on constate de plus en plus d’espèces de fleurs sauvages menacées et les conséquences qui en résultent sur la biodiversité (pollinisateurs en ligne de mire), il est assez satisfaisant d’en rencontrer quelques spécimens … sous réserve d’ouvrir l’œil !

Et finalement, le bonheur n’est-il pas dans le pré ?

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Références
1- S. Vignolini et al., « Directional scattering from the glossy flower of Ranunculus: how the buttercup lights up your chin » – Journal of the Royal Society Interface – DOI: 10.1098/rsif.2011.0759 – Lien – 2011

 

7 comments for “Petite balade en campagne (2/2)

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