Les messagers du climat (1/2)

Du 6 au 25 octobre, s’est déroulée dans plusieurs grandes villes de France, une exposition itinérante pour sensibiliser le grand public sur les changements climatiques « les messagers du climat » : des présentations très claires et des échanges en toute simplicité et authenticité avec des gens passionnés travaillant dans des diverses disciplines en lien avec le climat.
Pour celles et ceux qui n’auraient pu s’y rendre ou qui auraient manqué l’événement, voici un petit zoom sur quelques idées clé que j’ai retenues.
Itinérante, le mot est parfaitement bien adapté puisque c’est un train (merci la SNCF) dont 3 voitures entièrement dédiées aux différents stands, passait de ville en ville (19 villes visitées et 800 kms parcourus).
Le train a été labellisé « le train du climat » par le Comité intergouvernemental pour la COP21 et est à l’initiative de différents acteurs scientifiques et médiateurs, industriels.

Départ : Paris – Gare de Lyon
Arrivée : Nancy
Avant-dernière étape : Lille où plus de 1800 visiteurs se sont rassemblés. J’en faisais partie accompagnée de mon grand (13 ans), qui fut intéressé et convaincu de l’ampleur de la question. En ce qui me concerne, déjà convaincue et absorbée par le sujet, j’ai bien apprécié les échantillons présentés (tout de même mieux de voir en vrai que dans un bouquin ou via un écran) et les explications passionnées et passionnantes : il y a tant à faire mais aussi tant de ressources et d’idées qui semblent émerger de tous les domaines à la fois.train

Alors qu’avons-nous vu ?
Chacune des trois voitures avait un thème précis et je n’évoquerais ici que deux d’entre eux (le temps m’ayant fait défaut)

Thème N°1 : L’évolution du climat : étude, contribution naturelle et anthropique

Comment étudie-t-on l’évolution du climat ?
Différents moyens sont employés par les scientifiques pour étudier l’évolution du climat jusqu’aux temps les plus reculés car oui : on peut remonter jusqu’à 800 000 ans en arrière !
C’est dingue quand même quand on y pense ! Alors certains se demanderont sûrement, comment il est possible d’étudier  des paramètres aussi loin de nous ? Quels sont donc ces archives? Et à quoi cela peut-il bien servir ?

La glace des pôles

Creuser la glace est le moyen employé par les scientifiques pour remonter au passé lointain : il s’agit de la paléoclimatologie (cf. le projet EPICA -European Project for Ice Coring in Antarctica-).
Et comprendre le climat du passé, à l’heure où les activités humaines ne perturbaient en rien les paramètres clé, permet de se rendre compte des variations naturelles liées aux activités volcaniques, aux cycles solaires ou à la position de l’axe de rotation de la terre ou encore à la distance de la terre par rapport à notre étoile. Important pour comprendre les variations actuelles : quels sont les cycles naturelles, sans intervention humaine ?

Bref, pour creuser la glace, des expéditions sont organisées aux pôles là où, au fil du temps, la neige tombée s’est accumulée (sans fondre) puis compressée en emprisonnant poussières et bulles d’air.
Une foreuse permet d’extraire des échantillons sous forme d’un long cylindre qu’on appelle une carotte de glace. Plus on creuse profondément, plus on remonte l’histoire : voilà où se cache la mémoire du passé.

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Section dans le sens de la longueur d’une carotte de glace  (reconstitution d’un échantillon – train du climat)

Quelles informations peut-on en recueillir ?
Pour une époque donnée, les glaciologues peuvent avoir accès à la fois à la température et la teneur en gaz à effet de serre (en particulier le COet le méthane CH4)
Pour déterminer le niveau de température à une époque donnée (donc sur une couche particulière de la carotte), on étudie le fractionnement isotopique.
Les précipitations (issues de phénomènes d’évaporation des eaux de mer puis de condensation de molécules d’eau à un certain niveau de l’atmosphère) portent chimiquement en elles la signature des niveaux de température. En effet, l’eau qui les compose est en grande partie constituée de molécules de H216O mais avec une petite proportion de H218O : deux formes isotopiques. L’oxygène 18, un isotope de 16O rend la molécule d’eau plus lourde, donc le phénomène d’évaporation/condensation n’est pas identique à celui de la molécule H216O. Il s’en suit que le rapport isotopique 18O / 16O est bien fonction de la température.

Pour s’informer sur la teneur en gaz à effet de serre, du passé et du présent, les glaciologues s’intéressent cette fois aux bulles d’air qui se sont trouvées piégées lors de la chute des cristaux de neige.
Ils étudient encore des tas d’autres paramètres utiles par ailleurs (les poussières qui renseignent sur les polluants par exemple via la mesure de la conductivité électrique ou l’orientation des couches de glaces ou encore la taille des cristaux fonction elle aussi de la température).

Etude des sédiments

Autre archive du passé : les carottes sédimentaires, celles qu’on extrait du fond des mers, lacs et océans. Elles permettent de remonter également dans le passé, mais jusqu’à environ 200 000 ans ce qui est déjà pas mal. Les informations fournies sont par contre différentes, puisque l’attention va se porter non seulement sur les différentes couches de sédiments mais aussi sur la matière morte, déposée au fond de l’eau, devenus organismes fossilisés (la sédimentation pélagique). Cap sur les diatomées et les coccolithophoridés ! ll s’agit cette fois de paléoécologie. J’en avais un peu parlé dans un précédent article,

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Etude d’une carotte sédimentaire (train du climat)

Les diatomées sont des algues unicellulaires à coque siliceuse. Les coccolithophoridés sont également des algues unicellulaires de petite taille (0,01mm) entourées d’une enveloppe sphérique de nature calcaire.

Comme pour beaucoup d’êtres vivants, la répartition de ces deux espèces obéit à des préférences écologiques et donc le comptage des différentes espèces permet de reconstituer les variations du climat à un endroit précis de la planète : les diatomées  se répartissent plutôt dans les eaux froides (avec des variations selon l’espèce) tandis que les coccolithophoridés se répartissent dans les eaux chaudes.

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Un représentant des coccolithophoridés

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Une diatomée

Quand les arbres racontent l’histoire du climat

Pour assurer leur développement et leur croissance, les arbres absorbent du COet ce, de façon différence selon la température environnante. L’étude de la composition chimique du bois, de l’épaisseur et densité des cernes (ou anneaux de croissance) de certains arbres (sur une zone géographique donnée) renseignent sur la température, la pluviométrie, la concentration en CO2 et en divers polluants atmosphériques.

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Échantillon d’une tranche d’arbre pour l’étude des cernes (train du climat)

Ainsi lorsque la température chute par exemple, la croissance est faible, les anneaux se resserrent… Mais c’est une science complexe (appelée dendrochronologie) qui doit faire converger des connaissances de plusieurs domaines (environnement, botanique et statistiques) et doit s’affranchir de l’influence de paramètres perturbateurs comme un accident dans l’environnement proche de l’arbre (accès à l’eau, attaque par des insectes ou autres animaux…). En travaillant sur un grand nombre d’échantillons  d’une même région et un traitement statistique, les chercheurs parviennent néanmoins à reconstituer l’histoire du climat.

Les stalactites

Les stalactites sont l’oeuvre de la précipitation, cristallisation des sels contenus dans l’eau qui s’écoulent au travers de fissures dans des roches. Or la vitesse de cristallisation des espèces – de la calcite en particulier, carbonate de calcium- (nous en avions parlé dans cet article) et donc la croissance des stalactites est fonction de la température et de l’humidité : il y a même, comme pour les arbres, formation de cernes (notamment à cause d’impuretés incluses dans la calcite).
L’analyse isotopique permet de dater en ciblant certains éléments chimiques (uranium par ex) tandis qu’en se focalisant sur le carbone (contenu dans les carbonates des concrétions et impuretés organiques), c’est au profil de températures et de précipitations que les chercheurs ont accès.

Stalactites

Les méthodes plus directes
Bien sûr pour étudier le climat et son évolution, il y a les méthodes plus directes comme les mesures de la température de l’air, les mesures satellitaires en surface des océans et des continents.
Pour ces derniers moyens, on peut évoquer la mesure de la hauteur du niveau de la mer liée à la dilatation thermique et aux mouvements des masses d’eau (les courants marins)
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La contribution humaine à l’évolution du climat

Bref, via des méthodes directes pour le passé le plus proche et des méthodes indirectes pour le passé plus lointain, les chercheurs ont réussi à reconstituer l’évolution du climat (jusqu’à 800 000 ans en arrière) ainsi que celle des émissions de COdans l’atmosphère… Le lien a même été établi entre les variations de ce paramètre et celle des températures.
Les émissions de CO2 et les températures fluctuent bel et bien : rôle de l’activité volcanique, de l’absorption des océans et de la végétation mais jusqu’à l’ère préindustrielle (1850), on se tenait en-dessous de la barre des 280 ppm.
Depuis l’essor des activités humaines, la variation des paramètres naturels ne collent plus avec les valeurs mesurées des niveaux de CO2 qui s’envolent jusqu’à 400 ppm. Cet accroissement s’accompagne d’une augmentation de la température de l’ordre de 0,8 à 1°C (entre l’ère préindustrielle et maintenant). Et ce n’est pas fini… Sans réaction de nous, habitants de passage de cette terre, l’augmentation pourrait être de 5°C à l’horizon 2100. Même en optimisant les efforts, l’augmentation de température serait à minima de 2°C (le seuil à ne pas dépasser).

Les conséquences

Elles portent sur de multiples domaines (déjà en partie évoqués dans les articles précédents ICI ou LA) :

  • la perte de biodiversité végétale et animale,
  • la modification du débit des rivières,
  • le niveau et le pH des mers (augmentation de l’acidité et ses conséquences dramatiques),
  • la fonte des glaciers continentaux,
  • le dégel du pergélisol (et personnellement, c’est ce qui m’inquiète le plus, car ce dégel en traîne la libération de méthane, gaz à effet de serre encore plus puissant que le CO2)
  • la fréquence des phénomènes climatiques extrêmes,
  • l’intrusion plus fréquente d’eau de mer dans les nappes d’eau souterraine (la rendant impropre à la consommation).

Alors il faut s’adapter et trouver des alternatives pour économiser les énergies…

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Pourquoi et comment s’adapter ? Photo Train du climat

Rendez-vous pour la seconde partie de cette présentation : thème N°2, les innovations industrielles pour lutter contre le réchauffement, en particulier les matériaux du futur.


Très émue par les événements qui ont touché les Parisiens tout récemment, je m’associe à la douleur de toutes les familles, amis, connaissances… Je me sens bien impuissante ! A minima, faisons progresser la science et la diffusion des savoirs.


Pour en savoir plus

http://www.cnrs.fr/cw/dossiers/dosclim1/rechfran/4theme/paleo/archivlacustr.html
http://www.cnrs.fr/cw/dossiers/dospoles/alternative6.html
http://www.culture.gouv.fr/fr/archeosm/archeosom/img0004.htm
http://www.grdh-dendro.com/en-savoir-plus-sur-la-dendrochronologie.html
http://www.cnrs.fr/cw/dossiers/dospoles/alternative9.html

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