Limiter les émissions polluantes industrielles, quoi de neuf ?

Parmi les polluants atmosphériques en ligne de mire dans le cadre du suivi de la qualité de l’air, les oxydes d’azote (ou NOx qui regroupent le monoxyde et le dioxyde d’azote) occupent une des premières places. Et pour cause, ils sont à la fois préjudiciables d’un point sanitaire et environnemental. En effet, ils sont considérés comme des gaz irritants pour le système respiratoire ; ils déclenchent également la formation d’ozone dans les basses couches de l’atmosphère, participent au phénomène de pluies acides (H2O + NO2 donne l’acide nitrique) et l’eutrophisation des lacs.

Nitrogen-dioxide-2D-dimensions-vector.svg

Deux molécules d’oxyde d’azote : NO – NO2

Nitric-oxide-2D

Avec les transports, les grandes chaudières industrielles alimentées par des combustibles fossiles sont l’une des principales sources des émissions de NOx. Il est donc crucial de trouver des procédés permettant d’éviter la formation de ces polluants ou de les réduire une fois formés avant le rejet à l’atmosphère. Ne croyez pas que ces industriels polluent honteusement sans rien faire, ils se creusent les méninges, investissent, traquent les molécules indésirables et ils ont à leur disposition plusieurs outils pour y parvenir.

J’ai eu l’opportunité de m’intéresser de fort près à un des procédés piliers, utilisé pour l’abattement des émissions d’oxyde d’azote : la technique SCR (ou Réduction Catalytique Sélective). En voici succinctement les principes, contraintes et récents développements.

La formation des NOx

On trouve la « matière première » à la fois dans le combustible ET dans le comburant (évidemment l’air).

charbon_molecule

Exemple d’une molécule de charbon (quelques atomes d’azote imbriqués dans toute la structure)

Bref, lors de la combustion, les NOx se forment principalement par :
– oxydation de l’azote chimiquement présent dans le combustible, on parle de NOx combustible

– oxydation de l’azote contenu dans l’air comburant sous l’effet de la température élevée, on parle alors de NOx thermique (plus la température est élevée, plus la proportion de NOx thermique augmente)

Les facteurs qui peuvent affecter les émissions de NOx durant la combustion peuvent être classées en deux groupes:

  • les conditions de combustion (design de la chaudière, paramètres opératoires) qui influent sur la température (important pour casser des liaisons, notamment la triple liaison du diazote de l’air – voir un précédent post) et la teneur en oxygène (important pour que les atomes N rencontrent les radicaux O°)
  • les facteurs liés au combustible (type, réactivité, teneur en azote dans le combustible mais aussi la forme chimique dans laquelle se trouve l’azote).

Comment les éviter en sortie de cheminée ? De nombreux efforts sont poursuivis à chaque instant pour essayer d’en laisser échapper un minimum donc soit éviter leur formation soit les détruire, coûte que coûte ! En quoi consistent ces efforts ?

La réduction dite « primaire »
Quelques mots sur les techniques de réduction primaires. Elles consistent à éviter la formation des NOx dès les premiers instants de la combustion. On va donc jouer sur l’un des deux paramètres (voire les deux) que sont la « température » et la « disponibilité de l’oxygène ».
On peut modifier ces paramètres soit au sein de la chaudière par une combustion dite « étagée », soit au sein du brûleur en utilisant des brûleurs bas-NOx.

La combustion étagée consiste à n’apporter aux brûleurs qu’une partie de l’air nécessaire à la combustion. Le complément d’air est alors injecté plus loin dans la flamme par l’intermédiaire de ports OFA (overfire air) situés plus hauts dans le foyer. Il en résulte un défaut en oxygène dans le bas du foyer limitant la formation des NOx.

La zone secondaire opère en milieu oxydant à une température suffisamment abaissée pour que soit limitée la formation de NOx.

C’est un peu ce même principe qui est mis en oeuvre au sein de brûleurs bas-NOx où une partie de l’air de combustion est déviée du combustible de façon à ce que la zone au centre du foyer riche en combustible soit appauvrie en oxygène. La zone riche en air, sur les pourtours du foyer, opère en milieu oxydant mais à une température plus basse (la formation des NOx est limitée)

La réduction secondaire par SCR

Dans ce cas de figure, il s’agit de réduire les NOx alors qu’ils ont été formés. Cela nécessite de placer sur le chemin des fumées, un (ou deux en parallèle) réacteur où une réaction de réduction permet d’abattre les NOx à des niveaux acceptables avant le rejet à l’atmosphère.
reacteur_SCR

Quels sont les principes du réacteur SCR ?

Le procédé de S.C.R. (Réduction Catalytique Sélective) consiste à réduire les oxydes d’azote présents dans les fumées de combustion par injection d’ammoniac (NH3) ou d’urée [N2H4CO] à l’aide d’un catalyseur. L’azote moléculaire (N2) et l’eau sont les produits de la réaction.

4 NO + 4NH3 + O2 ==> 4 N2 + 6 H2O

Pourquoi a-t-on besoin d’un catalyseur ?
Parce que la réaction entre un oxyde d’azote et l’ammoniac n’est pas des plus simples : il faut casser des liaisons fortes (N-O), puis réorganiser les rencontres en atomes, et enfin récréer de nouvelles liaisons.

principe_ScrLe catalyseur grâce à sa surface active offre des chemins réactionnels plus favorables, plus faciles d’accès, abaisse les barrières énergétiques et est plus « sélectif ».

SCR_cata1

Les limites
L’efficacité de cette méthode repose principalement sur le respect du paramètre température, qui doit rester dans une fenêtre idéale (ex : 390-420°C). Cette plage est cependant variable selon le type de catalyseur et les caractéristiques des combustible.
Ainsi, le réacteur est installé « exactement » à l’endroit sur le parcours des fumées (qui se refroidissent au cours de leur cheminement du foyer jusqu’à la cheminée) où leur température sera adéquate. Le système est conçu pour que tout se passe bien à « plein régime ».
Si la température des fumées au moment où elles atteignent le catalyseur dépasse la température maximale, il y a risque de dégradation physique du catalyseur conduisant à une perte d’efficacité.
Si au contraire, la température est inférieure à seuil bas préconisé, on risque de voir apparaître des phénomènes de condensation de composés gazeux avec comme conséquence directe le colmatage du catalyseur et là aussi une perte d’efficacité.

Pour l’industriel qui exploite son installation selon les appels (donc la demande des utilisateurs), cette contrainte est assez limitante : notamment lorsque l’unité démarre ou qu’elle ne fonctionne pas à pleine charge. Dans ces cas de figure, la fenêtre de température ne sera pas respectée et les NOx ne seront pas réduits de façon suffisante.
Le problème est d’autant plus accru, que les unités sont de plus en plus souvent exploitées de façon cyclique avec des phases transitoires de plus en plus fréquentes.

La solution habituellement prévue par le constructeur qui installe la SCR est de prévoir un by-pass du dernier échangeur. Ainsi lorsque les températures sont trop basses, les fumées sont acheminées directement vers la SCR, sans passer par le dernier échangeur. De cette façon, moins refroidies, elles débarquent sur le catalyseur à la bonne température. Les émissions de NOx sont donc correctes mais le rendement en prend un coup (le prix à payer lorsqu’un des échangeurs prévu ne joue plus son rôle). On ne peut pas gagner sur tous les tableaux.

Les récents développements et applications commerciales

Pour éviter de choisir entre rendement et efficacité de la SCR, de récents développements ont vu le jour.
Cette nouvelle option consiste à installer des brûleurs de réchauffage dans la conduite en amont de la SCR ce qui permet d’injecter des gaz chauds, à grande vitesse en amont du catalyseur.
L’effet principalement recherché est bien sûr de « remonter » les températures mais d’autres avantages sont obtenus (meilleure uniformisation des températures au sein de la conduite, moindres dépôts sur le catalyseur)

bruleurs_rechauffage

Cette technique a été mise en place en 2011 par le producteur Northern Indiana Public Service Co. (NIPSCO) dans l’une de ses centrales (Bailly Generating Station) ce qui lui permet de respecter les valeurs limites d’émissions de NOx aussi bien pendant les baisses de charges, que pendant les démarrages à froid.

Article d’origine
http://www.powermag.com/scr-reheat-burners-keep-nox-in-spec-at-low-loads/

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