Blanche neige

En plein dans l’actualité météorologique de ces dernières semaines, je vous propose de nous plonger dans le froid de l’hiver. Qui dit hiver, dit Neige ; alors tâchons de comprendre les processus mis en jeu lors de la fabrication d’un flocon de neige. Nous examinerons aussi l’impact de la forme des cristaux sur les risques d’avalanche.

avalanche
Si vous êtes un tantinet curieux et observateur, vous avez sûrement déjà observé un flocon de neige de près, ou encore la formation de givre sur une vitre ! Il y a fort à parier que vous n’avez pas pu vous empêcher d’en admirer la beauté, la légèreté, la blancheur… et vous vous êtes même peut-être demandé comme Dame Nature avait bien pu permettre une telle oeuvre d’art ! Et bien, point de magie ni de grand architecte là-dedans car tout s’explique et repose sur une logique implacable.

Depuis le début des études sur le sujet (1ere descriptions par Kepler en 1611), on a noté que deux cristaux de neige ne sont jamais rigoureusement identiques mais ils ont quasiment tous comme point commun une symétrie hexagonale. Quels sont donc les facteurs déterminants sur la forme du cristal, comment jouent-ils ? Est-ce que ces différentes morphologies jouent sur le comportement d’un tapis neigeux (notamment les risques d’avalanche) ?

De nombreuses recherches sont consacrées à l’étude de la neige, sa formation, et la forme des cristaux produits. Les raisons de cet engouement sont multiples.
Tout d’abord, la neige joue un rôle important dans le cycle hydrologique de la terre : il est donc primordial de prévoir les chutes de neige qui peuvent être bénéfiques (meilleure infiltration vers les nappes) ou au contraire, présenter un risque (inondation en cas de radoucissement ou avalanches).
Rappelons également l’important rôle climatique joué par la neige (qui réfléchit les rayons solaires) et donc diminue le réchauffement global.
Une autre motivation de ces études est liée à la compréhension des phénomènes de cristallisation en général : en particulier connaître les conditions dans lesquelles les cristaux se forment le mieux? L’une des applications majeures est la cristallisation du silicium utilisé pour les puces électroniques ou la fabrication des panneaux photovoltaïques.

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Cristaux de silicium en formation : (à gauche germe de cristallisation, à droite croissance du cristal). Source (cliquez sur l’image)

La formation d’un flocon

Pour comprendre comment nous arrive la neige, il faut remonter à la source : le nuage. Mais avant le nuage il y a l’humidité de l’air.
L’air, nous le savons, contient plus ou moins d’humidité (on parle aussi de degré hygrométrique). Qu’est ce que c’est ? Tout simplement la quantité de vapeur d’eau contenue dans l’air. Cette vapeur d’eau correspond à des molécules H2O indépendantes les uns des autres (sous forme gazeuse donc) et qu’on ne voit pas… L’humidité de l’air connaît des limites : celles-ci sont imposées par la température. Plus l’air sera chaud, plus il sera « dilaté » et plus grande sera sa capacité d’accueil de molécules d’eau en son sein. A chaque température, correspond un maximum d’humidité…si des molécules d’eau arrivent et dépassent le quota autorisé, il y a condensation en minuscules gouttelettes d’eau liquide, ou en cristaux de glace (selon la zone de température rencontrée). La présence d’impuretés est nécessaire à l’apparition du premier grain de cristal qui doit s’appuyer sur un support pour « pousser ». Toutes ces gouttelettes d’eau ou de cristaux de glace constituent un assemblage serré de molécules ce qui les rend visibles : le nuage est formé.
Le grain de glace peut également se former à partir de gouttelettes d’eau en surfusion (l’eau est restée liquide alors qu’elle aurait dû geler, absence d’impuretés), à des températures comprises entre -5 et -40 °C lors de collision avec des impuretés. Le cristal grossit peu à peu, plusieurs cristaux se regroupent en un flocon devenu trop lourd, il y a précipiation neigeuse.

Les différentes formes du flocon
Comme évoqué dans l’introduction, deux flocons de neige seront forcément de morphologie différente : on peut voir apparaître des dendrites, des étoiles, des plaquettes, des éventails… Mais leur point commun est leur symétrie hexagonale.

glace1 glace3 dendrite

Celle-ci trouve sa légitimité dans la forme même de la molécule d’eau et sa polarité qui fait que les molécules ont tendance à s’associer en regroupant des charges opposées pour former des liaisons hydrogènes plus ou moins malléables selon qu’on est dans l’état liquide ou solide. C’est à l’état solide que le nombre de LH est maximal. Celles-ci vont chercher à adopter la meilleure configuration  (celle qui minimise l’énergie) : il s’agit d’une architecture où une molécule d’eau occupe le centre d’un tétraèdre avec à chaque sommet une molécule voisine.

Architecture optimisée dans la glace : une molécule d'eau au centre d'un tétraèdre avec au sommet une voisine (LH en pointillés)

Architecture optimisée dans la glace : une molécule d’eau au centre d’un tétraèdre avec au sommet une voisine (LH en pointillés)

Bref, pour construire un cristal, le phénomène d’empilement moléculaire se reconstruit de proche en proche dans les trois dimensions…et cela forme un superbe réseau hexagonal.

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Empilement tri-dimensionnel des molécules d’eau : apparition de la symétrie hexagonale

Plusieurs facteurs vont jouer pour expliquer les différentes formes. La « concentration » en vapeur d’eau (on parle de sursaturation), la température et les conditions pendant la chute. Les deux premiers facteurs vont agir et équilibrer deux types de morphogenèse : 1- la tendance à former des facettes 2- La tendance à former des branches.
Ainsi, si de nombreuses molécules sont disponibles pour faire grossir le cristal, la croissance va ête rapide, et plutôt favoriser les pointes. Or dès qu’une pointe se forme, elle attirera plus facilement une molécule incidente qui aura moins de chemin à parcourir (problème de diffusion) et donc la pointe va s’accentuer, la branche apparaît. Ce type de morphogénèse donne naissance à des structures plus élaborées.
Si peu de molécules sont disponibles, donc lorsque l’humidité est faible (air sec), la croissance est plus lente et la forme « facette » va prendre le dessus.
La température va également jouer très fortement (on n’a pas encore parfaitement compris comment). Lorsque le cristal est formé dans le nuage, il va voyager, rebondir, subir d’importantes variations de températures lors de son parcours, ce qui va façonner son aspect.

Enfin pendant sa chute, les températures rencontrées vont encore remodeler la morphologie du cristal.

Conséquences de la morphologie du flocon
L’étude de la forme du flocon et de son évolution est particulièrement importante dans la prévision des risques d’avalanche en montagne. En effet, au moment où la neige se dépose, les différents cristaux sont imbriqués les uns dans les autres mais la situation évolue par le biais de transformations mécaniques (damage, vent…) ou thermodynamiques. Sous l’action mécanique, les arêtes s’émoussent et on arrive à un grain plus rond ce qui diminue la cohésion entre cristaux. Mais d’autres phénomènes antagonistes dépendant des conditions météorologiques modifient encore la forme des cristaux. Par exemple, le frittage peut se produire entre deux grains sphériques : au point de contact, la concavité « attire » la vapeur d’eau qui s’y condense. Il y a formation d’un pont de glace entre les grains. Mais le phénomène dépend de la taille des grains : s’ils sont trop gros, la cohésion de frittage est alors faible. Bref, de nombreux phénomènes entrent en jeu sur la cohésion et les risques de glissement.

POur en savoir plus :
http://www.di.ens.fr/~granboul/enseignement/formes/cristauxneige/

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