Lait humain et obésité : les pistes

Il est assez bien établi que le lait humain consommé au tout début de la vie joue un rôle important dans le contrôle du poids des enfants et des adultes qu’ils deviendront (Réf. Bouret)


Des données récentes (2009-2011) indiquent que cet effet est lié à certaines protéines présentes en qualité et quantité optimales dans le lait humain qui jouent un rôle primordial dans la « programmation métabolique » de l’individu via l’hypothalamus.
L’hypothalamus est en effet cet zone du cerveau où s’interconnectent de façon complexe différentes populations neuronales très spécialisées. Sous l’effet de différentes hormones (impliquées dans des boucles de rétroaction positive ou négative), l’hypothalamus active les neurones de prise de nourriture ou des neurones générant la satiété.
Les études n’ont pas encore fait le tour complet de la question : la compréhension des phénomènes et de leurs interactions mutuelles n’est pas simple. Plusieurs protéines sont impliquées, nous n’en citerons que quatre : la leptine, l’adiponectine, l’apeline et la ghréline. Des noms un peu étranges pour le lecteur néophyte mais tâchons d’y voir un peu plus clair.

La molécule de Leptine

La Leptine et l’adiponectine sont toutes les deux des adipokines, c’est-à-dire des hormones produites par le tissu adipeux.
La leptine (du grec « Leptos » qui veut dire mince) est une protéine composée de 167 acides aminés, régule les réserves de graisses (elle induit la lipolyse et la lipogénèse), joue sur l’appétit en contrôlant la satiété; elle est aussi impliquée dans la dépense énergétique. Son rôle précis se situe au niveau de récepteurs de l’hypothalamus.
Différentes études ont montré que la leptine était présente dans le lait humain, en concentration variable pendant toute la période d’allaitement. Les laits industriels ne contiennent pas de leptine même si cette protéine est présente dans le lait de vache (l’écrémage du lait évacue en même temps la leptine)

L’adiponectine, est une protéine composée de 244 acides aminés. Les études ont montré qu’un taux élevé de cette protéine diminuait le risque de diabète de type II en augmentant la sensibilité à l’insuline. La forme de la molécule dans le lait humain joue aussi un rôle puisqu’avec un poids moléculaire élevé, c’est la forme qui a le plus d’impact sur la régulation des processus métaboliques.

L’apeline, est une protéine découverte récemment (1998) et encore plus récemment dans le lait humain (2010). Celle-ci joue de multiples rôles (régulation de la pression artérielle, participe à la formation de vaisseaux sanguins, effet sur la force de contraction sur le coeur…). Mais le rôle qu’elle joue pour le sujet qui nous préoccupe ici, est situé à deux niveaux :
– au sein du cerveau : elle a été en particulier détectée dans les régions contrôlant l’appétit,
– elle active des récepteurs du système digestif (estomac; pancréas; colon) : elle inhibe la sécrétion de l’insuline,  il est aussi supposé que l’apeline interviendrait dans la recapture du glucose.

La ghréline, est une petite protéine formée de 28 acides aminés. Au contraire des autres hormones, elle stimule l’appétit  (en agissant sur l’hypothalamus) et active les hormones de croissance. Elle intervient aussi dans la régulation du poids à long terme.
Il a été mesuré un niveau de ghréline, beaucoup plus élevé dans les laits industriels que le lait humain (facteur 2.5 en moyenne) qui peut expliquer la prise de poids plus importante chez les bébés non allaités.

Conclusion :
Ces protéines bioactives retrouvées dans le lait humain dans une concentration variable (dans le temps et d’une personne à l’autre) semblent donc des éléments essentiels à une bonne programmation métabolique pour l’enfant et l’adulte qu’il deviendra. Mais, bien d’autres molécules jouent également un rôle et les boucles de régulation sont relativement complexes : les recherches actuelles doivent encore s’étoffer, se confronter pour établir précisément comment tout cela agit sur le long terme.

Références :
Bouret,  « Early life origins of obesity: role of hypothalamic programming » 2009
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/19214056

IlcolHizli, Ozkan, « Leptin concentration in breast milk and its relationship to duration of lactation and hormonal status »
http://www.internationalbreastfeedingjournal.com/content/1/1/21

Palou, Pico, « Leptin intake during lactation prevents obesity and affects food intake and food preferences in later life » 2009
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/18926866

Bronsky, Mitrova et. al.,  « Adiponectin, AFABP, and Leptin in Human Breast Milk During 12 Months of Lactation » 2011
http://journals.lww.com/jpgn/Fulltext/2011/04000/Adiponectin,_AFABP,_and_Leptin_in_Human_Breast.21.aspx

Savino, Petrucci et al., « Assay of ghrelin concentration in infant formulas and breast milk »  2011
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3082749/

http://cordis.europa.eu/search/index.cfm?fuseaction=news.document&N_RCN=30727

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